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Rembrandt et son cercle |
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Institut Néerlandais, ParisExposition jusqu'au 2 octobre 2011L’Institut Néerlandais est fier de présenter un florilège des dessins réalisés par Rembrandt et son entourage, provenant de la Collection Frits Lugt. Cette exposition rassemble près de cent oeuvres parmi lesquelles pas moins d’une vingtaine de dessins de Rembrandt et un choix des meilleures feuilles de ses élèves et contemporains, tels Govert Flinck, Ferdinand Bol, Nicolaes Maes ou Lambert Doomer. Pour l’occasion, les oeuvres qui viennent d’être exposées à la Frick Collection à New York avec grand succès, seront présentées dans des cadres du xviie siècle conservés par la Fondation Custodia et récemment restaurés. La collection des dessins de Rembrandt et de son cercle assemblée par Frits Lugt a été minutieusement étudiée ces dernières années par Peter Schatborn, ancien conservateur en chef du Rijksprentenkabinet (Cabinet national des estampes) d’Amsterdam et éminent connaisseur de l’art du dessin du xviie siècle et de Rembrandt en particulier. Les résultats de ses recherches, qui ont donné lieu à de nombreuses attributions, sont aujourd’hui publiés dans la série des catalogues raisonnés de la Collection Frits Lugt. Ces nouvelles attributions seront présentées et expliquées au public dans une salle de l’exposition spécialement dédiée à ces recherches fascinantes.
Artiste dirigeant un grand atelier, mais aussi collectionneur et maître de multiples élèves, Rembrandt était ce que l’on pourrait appeler un véritable « entrepreneur » de l’art. Connu de tous, son oeuvre a de tout temps été un sujet d’intérêt pour les jeunes artistes en formation. Les changements de mode et de principes académiques intervenus à la fin du XVIIe et du XVIIIe ont bien sûr remis en cause certains de ses choix, tels que les figures bien peu idéalisées, la palette sombre ou encore la touche vigoureuse et irrégulière de ses peintures tardives. Mais c’est en partie en raison de ces caractéristiques que Rembrandt devient au XIXe siècle, une figure anticlassique, un modèle héroïque pour un grand nombre d’artistes travaillant en dehors des écoles académiques. Rembrandt s’installe à Amsterdam en 1631, s’y fixe définitivement en 1633, chez le marchand d’art Hendrick Uylenburgh dont il épouse la nièce Saskia en 1634. Il reçoit ses premières commandes de portraits et ouvre par la suite un atelier où sont logés ses apprentis et où il reçoit ses nombreux élèves extérieurs. Rembrandt réalisa de très nombreux dessins d’une grande variété de sujets et de techniques. Parfois exécutés pour préparer des oeuvres peintes ou gravées mais plus souvent pour étudier et fixer une attitude, une émotion, ces dessins comptent des esquisses de personnages à la pierre noire ou à la sanguine, des compositions bibliques et mythologiques, des scènes de genre, des paysages, des portraits et des autoportraits généralement exécutés à la plume et au lavis.
Ces feuilles servaient en outre souvent de
modèles pour ses étudiants. Ces jeunes gens
cherchaient une formation sur le long ou le
court terme, qu’ils complétaient parfois par
d’autres apprentissages. Parmi eux Govert Flinck,
Ferdinand Bol, Gerbrand van den Eeckhout, Carel
Fabritius, Samuel van Hoogstraten, Nicolaes
Maes, Philips Koninck, Lambert Doomer ou
encore Willem Drost. Ensemble, les oeuvres de ces
artistes représentent toute la richesse et toute
l’étendue et l’influence de l’oeuvre de Rembrandt.
Mondialement connu pour ses publications essentielles sur les marques de collection, Lugt fut très jeune un fervent amateur d’art et un visiteur régulier des musées d’Amsterdam, sa ville natale. Lorsqu’il avait 14 ans en 1898, il assista à la grande rétrospective sur Rembrandt au Stedelijk Museum. Cet événement marqua un renouveau dans la perception de l’artiste par le public et les collectionneurs. Sa cote croit alors remarquablement et de nombreux aristocrates européens et de riches américains recherchent et achètent ses oeuvres. Peu de temps après cette exposition, Lugt acheta sa première gravure du maître tout en rédigeant une biographie détaillée de celui-ci (publiée par la Fondation Custodia en 1997), joliment illustrée par ses propres croquis d’après des eaux-fortes et de dessins de l’artiste. Employé d’une maison de vente aux enchères, Lugt aiguisa ses connaissances et son oeil. Il devint l’un des plus importants collectionneurs de dessins et de gravures de maîtres anciens, possédant des milliers de feuilles d’écoles européennes et d’époques variées. Très sélectif, il rechercha activement les dessins des élèves et disciples de Rembrandt, étudiant la question des attributions, et rassemblant de larges ensembles de leur travail, révélant ainsi le développement de leur technique artistique dans le temps. Sa collection comprend des feuilles abouties, ainsi que des esquisses, certaines faites en rapports avec les peintures, beaucoup réalisées comme des exercices ou par plaisir personnel, et d’autres probablement pour servir de modèles à ses élèves. Pour Lugt, ces travaux démontraient l’extraordinaire capacité du maître à créer des formes et de la lumière avec le trait, mais aussi l’expression spontanée et intime de sa perception de ses contemporains. La Femme rassurant un enfant effrayé par un chien date de la première décennie où Rembrandt exerçait comme maître indépendant à Amsterdam. Cette oeuvre démontre l’éblouissante rapidité avec laquelle il dessine. Un seul mouvement trace le sourcil et la joue, tandis qu’une simple ligne d’encre représente la bouche. Seule la modulation de la pression et de l’épaisseur du trait créent l’illusion de profondeur et de mouvement, exprimant ainsi la peur de l’enfant. Certains y ont vu un rapport avec l’enfant que lui-même et Saskia ont perdu. Seul le quatrième, Titus, né en 1641 atteindra l’âge adulte. L’Intérieur avec Saskia au lit date des années 1640 et représente sa femme et sa servante en habit d’intérieur. Sur le trait gras et épais avec lequel il dépeint la scène, Rembrandt applique une inhabituelle quantité de lavis brun et gris, non pas pour définir l’espace mais pour colorer la composition, comme une peinture. Il parvient dans ce dessin poignant à transformer une simple chambre bourgeoise en une chapelle. Pour Lugt, qui acheta ce dessin en 1919, l’attention de l’artiste pour en faire un dessin particulièrement fini est une démonstration de la tendresse qu’il avait pour sa femme.
On notera aussi l’exceptionnelle qualité du
Moulin à vent sur le bastion « Het Blauwhoofd »,
un des nombreux paysages présentant, avec
maestria, les environs d’Amsterdam que l’artiste
sillonnait régulièrement.
Comme dans maints ateliers d’artistes, le dessin tient une place centrale dans l’enseignement de Rembrandt, car c’est un médium par lequel les élèves développent leur dextérité visuelle et manuelle. Beaucoup des feuilles présentées dans l’exposition datent des années où les étudiants de Rembrandt travaillaient à l’extérieur de son atelier, indépendamment, un peu à l’exemple du maître. Leur technique et leur style, bien que parfois très différents, rappellent néanmoins toujours son influence, tout autant que le choix de leurs sujets. L’un des premiers élèves connus de Rembrandt est Govert Flinck ; il étudia auprès de lui dès 1635, juste après que le maître se fut établi dans son propre atelier. À cette époque, Rembrandt peint ses plus importantes peintures d’histoire, dont la Danaë (1636). Flinck devint un maître indépendant en 1636 et jouira d’une belle carrière de portraitiste et de peintre d’histoire. Dans les années 1640, il se retrouvait régulièrement avec un groupe d’artistes pour dessiner des modèles vivants nus, pratique controversée à cette époque. Dans Femme nue se reposant (vers 1640), le modèle a un bras derrière la tête, prenant la pose de certaines statues antiques. Flinck ne dessine pas le contour de la figure avec une ligne continue, mais lève fréquemment sa craie dans une série de courbes se chevauchant, accentuant ainsi la silhouette langoureuse de la femme. L’idéalisation du modèle était une question centrale dans les milieux artistiques de l’époque et Rembrandt se prononça clairement contre. La femme allongée de Flinck révèle un intérêt similaire pour les figures réalistes. Un autre élève de Rembrandt, Gerbrand van der Eeckhout s’installa à son compte en 1641. Son Jeune fumeur appartient à une série d’études au pinceau et lavis représentant un homme dans différentes situations. Le contrôle extraordinaire de Van der Eeckhout sur ce médium liquide et sa dextérité dans la manipulation du pinceau n’est pas sans rappeler le travail de Rembrandt à l’encre et à la plume, travaillant par traits saccadés et rapides.
Il est parfois bien difficile de distinguer les
feuilles du maître de celles de ses élèves. Depuis
une vingtaine d’années quelques chercheurs se
sont attaqués à la tâche ardue de réévaluer les
attributions dans plusieurs collections graphiques
renommées. Peter Schatborn est l’un
d’entre eux. Ses recherches sur le fonds Custodia
ont abouti à de nouvelles attributions. Ainsi, la
belle composition de Rébecca et Éliézer au puits,
longtemps restée anonyme, a enfin retrouvé son
auteur : Carel Fabritius, l’un des élèves les plus
doués de Rembrandt. Cet artiste prometteur,
décédé très jeune, n’a laissé à la postérité que
peu d’oeuvres, mais toutes d’une grande qualité.
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