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peinture

Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla

Galerie Chantal Crousel, Paris

Exposition du 4 Septembre - 15 Octobre 2010


La Galerie Chantal Crousel a le plaisir d’annoncer la troisième exposition de Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla. Pour celle-ci, les artistes présentent cinq oeuvres organisées autour du principe de déplacement physique et temporel. Réunissant des éléments de différents systèmes sociaux, géographiques et culturels dans le champ d’une seule image/forme, les oeuvres présentées ici usent de la métaphore comme force de structure et de distribution afin d’élargir le cadre dans lequel sont déterminés les circuits normaux de signification. Les artistes privilégient les mécanismes aberrants, excessifs et perturbateurs de métaphores et autres tropes afin de déstabiliser la stabilité fonctionnelle de ces structures d’ordre.

Occupant l’espace principal de la galerie, Scale of Justice Carried by Shore Foam, 2010, est une sculpture réaliste d’écume, fabriquée à la main, au-dessus de laquelle se trouve une balance de la justice « readymade », posée en équilibre précaire sur le sommet agité. Cette masse de bulles d’air et de gaz est figée en une forme permanente par l’utilisation de la mousse polymère synthétique, un substrat chimique que l’on trouve dans tout, tant dans les produits ménagers et le matériel de loisir et de sport, que dans les transports, l’industrie ou l’armée. Depuis quelques années, cette image de l’écume occupe plus intensément l’imaginaire collectif, conséquence d’innombrables représentations médiatiques des catastrophes causées par l’homme, qu’il s’agisse de la marée noire dans le Golfe du Mexique ou des inondations dues au réchauffement climatique global, récurrentes aujourd’hui partout dans le monde. Avec ces événements écologiques, qui dépassent les frontières nationales et territoriales, la balance de la justice est devenue un objet de lutte explicite. Présentée ici comme sculpture, cette mousse éphémère se dresse comme les vestiges de quelque chose qui s’est passé, gelé dans le temps, avec la balance dont l’équilibre final reste instable.

A Man Screaming is Not a Dancing Bear, 2008, s’inscrit dans le cadre du témoignage écologique et de la justice environnementale dans le paysage traumatisé de la Nouvelle Orléans après le passage de Katrina. La vidéo se focalise sur deux scènes : l’intérieur d’une maison inondée dans le neuvième district inférieur, historiquement pauvre et habité majoritairement par des Afro-Américains, qui a été complètement détruit par l’effondrement du système de digues ; et les zones humides du delta inférieur du Mississippi, dans lesquelles la ville de la Nouvelle Orléans a été taillée. La vidéo montre un habitant du neuvième district, Isaiah McCormick, en train de « jouer » sur les stores de sa maison. Les rythmes percutants qu’il crée sur cet instrument local – un geste qui évoque inévitablement les grandes expériences musicales du Mississippi – exposent l’intérieur de sa maison à la lumière extérieure, générant ainsi un battement inconstant de lumière qui révèle les sédiments, les marques et les traces irrégulières laissés par les événements d’une histoire récente.

Les processus de sédimentation sont à l’oeuvre dans Petrified Petrol Pump, 2010, une pompe à essence abandonnée qui semble s’être transformée en pierre. Fabriquée avec du calcaire riche en fossiles, indices de formes de vie anciennes qui sont visibles à travers le corps sculptural, elle témoigne d’une abondance organique de la préhistoire terrestre et ce sont ces mêmes formes de vie dont le long processus de décomposition anaérobique fournit aujourd’hui le matériau utilisé pour la production de l’énergie.

The Camel’s Humps and the Ironing Board, 2010, est un assemblage hybride qui consiste en une peau de chameau de Bactriane empaillée (celle située sur les bosses), posée sur une planche à repasser « ready-made ». Les bosses du chameau, partie de l’anatomie de l’animal où des dépôts graisseux sont entreposés lui permettant ainsi de résister à d’extrêmes changements de température, sont ici radicalement désincarnées. Si le processus physique du repassage est celui de la transition vitreuse (lorsque le tissu est chauffé au-delà de la température de transition de 100° C, les fibres deviennent malléables permettant au fer à repasser de leur imposer une orientation voulue), alors, dans ce scénario sculptural, l’apparence violemment tronquée du dos du chameau sur une table de repassage présente un pli monstrueux dont la forme pointue impose une nouvelle orientation évoquant l’image du paysage, de la domesticité et des relations figure/fond et animal/homme.

Forecast, 2010, utilise l’outil photographique pour présenter le moment précis de l’immobilité formelle dans la trajectoire d’un filet de pêche jeté dans l’eau, où l’ascension et la gravité agissent de manière égale sur une matrice de fils tissés. Le résultat est une configuration amorphe qui présente une forme possible à venir ainsi que sa disparition simultanée. L’ensemble des sommets, des bords et des faces, qui définissent cet objet polyédrique, forme une carte temporaire à travers les domaines physique, conceptuel et poétique.

Jennifer Allora (née en 1974 aux USA) et Guillermo Calzadilla (né en 1974 à Cuba) collaborent depuis 1995. Leur travail a fait l’objet de nombre d’expositions personnelles partout dans le monde, y compris à la Haus der Kunst et au Kunstverein de Munich ; Stedelijk Museum, Amsterdam ; San Francisco Art Institute ; la Serpentine Gallery, Londres ; Kunsthalle Zurich et la Renaissance Society, Chicago. Ils ont également participé à de nombreuses expositions collectives : Propect 1 New Orleans ; les 8e et 9e Biennales de Lyon ; Day for Night, la Biennale du Witney 2006 ; la 51e Biennale de Venise ; Ailleurs/Ici au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris/ARC Paris ; How Latitudes Become Form au Walker Arts Center, Minneapolis, et Common Wealth à la Tate Modern. Allora & Calzadilla vivent et travaillent à San Juan, Porto-Rico.



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