Annuaire gratuit Référencement Achat tableaux peintures Expositions Médias Bio Série Afrique Série Paysage Jack the Ripper Roswell Ali Baba Vache folle Aquarelles Encres Vénus Saint georges Restaurants Rats | ||||||||||
George Condo |
|||
|
Les peintures, dessins, estampes et sculptures de George Condo se nourrissent d’une longue tradition artistique européenne, métissant des sources d’inspiration aussi diverses que Raphaël, Goya, Vélasquez, Picasso et Edouard Manet. Dès ses débuts de peintre dans le New York des années 1980, il a affirmé son style singulier pour lequel il a d’ailleurs inventé la catégorie du "réalisme artificiel". Ce langage pictural éminemment original a profondément marqué la génération suivante.
Artiste consacré par ses pairs, George Condo l’est assurément, et sa fidélité inflexible à la voie qu’il s’est tracée offre un exemple à bien des jeunes artistes. Il a réintroduit les techniques des maîtres dans la peinture contemporaine en allant à contre-courant d’une époque dominée par la Figuration libre, la transavantgarde et le néo-expressionnisme. Dans les années 1990, sa façon de revisiter les tableaux de maîtres a stimulé l’imagination de nombreux peintres de la génération de Glenn Brown et John Currin, pour ne citer qu’eux. Depuis lors, il n’a pas cessé de surprendre et de séduire le public avec des oeuvres volontiers grotesques qui traduisent une profonde sensibilité à la grande tradition picturale. "Il élève la drôlerie élégante à un niveau quasiment insurpassable par n’importe quel autre peintre contemporain", souligne le critique new-yorkais Peter Schjeldahl. Il décompose et recompose les archétypes repérés dans notre vaste paysage culturel, depuis la Playboy Bunny jusqu’à la reine Élisabeth en passant par Dieu et Superman. Condo ausculte les fondements de notre société. Ses inventions picturales truculentes et sa galerie de "portraits imaginaires" oscillent entre comique et tragique, entre bizarrerie et beauté classique.
George Condo a étudié l’histoire de l’art et la théorie musicale à l’université du Massachusetts à Lowell. Il commence à exposer à New York en 1981, dans diverses galeries de l’East Village. C’est la galerie Ulrike Kantor à Los Angeles qui organise sa première exposition personnelle en 1983. L’année suivante, il présente quatre expositions personnelles, dont deux à l’étranger (à Ténériffe et à Cologne) et deux autres à New York, simultanément. Au fil des ans, on a pu voir ses oeuvres dans de nombreux musées, tant en Europe qu’aux États-Unis ou au Mexique. Elles sont entrées aussi dans les collections d’institutions aussi prestigieuses que le Museum of Modern Art, le Whitney Museum of American Art et le Solomon R. Guggenheim Museum à New York, et l’Albright-Knox Art Gallery à Buffalo.
Ses peintures et ses sculptures ont fait l’objet de plusieurs monographies. On retiendra notamment The Imaginary Portraits of George Condo, par Ralph Rugoff, New York, Powerhouse, 2002 ; le catalogue d’exposition George Condo: Sculptures, Zurich et Luxembourg, 2003 ; et celui de la grande rétrospective George Condo: One Hundred Women à Salzbourg en 2005. En 2000, le réalisateur John McNaughton a tourné le documentaire Condo Painting pour October Films.
George Condo a reçu le prix de l’American Academy of Arts and Letters en 1999 et le prix Francis J. Greenberger en 2005. Il a donné des conférences dans des musées et des universités à New York, San Francisco et Los Angeles, entre autres. Il a animé un séminaire semestriel à Harvard en 2003. ArtsConnection l’a élu "artiste de l’année" en 2008.
L’exposition des oeuvres de George Condo intitulée "La civilisation perdue" s’inscrit dans un cycle d’expositions consacré à la jeune peinture américaine. Jean-Michel Basquiat, Keith Haring et George Condo ont émergé au même moment sur la scène new-yorkaise, au début des années 1980. Ils vont, chacun à leur manière, délimiter un nouveau courant au sein de l’art contemporain. La peinture de Basquiat, reconnue désormais comme une expression majeure du primitivisme contemporain, s’est imposée dans le monde entier. La liberté du geste propre à Keith Haring et la prolifération de son trait en ligne décorative vont rencontrer un succès tout aussi unanime. Chacun a déjà fait l’objet d'une exposition au musée Maillol, Jean-Michel Basquiat en 1997 et 2003 et Keith Haring en 1999.
La peinture de George Condo apparaît comme une relecture de toute l’histoire de l’art. Elle est fondée sur un réemploi de styles existants. Le critique Wilfried Dickhof a parlé d’abstraction figurative pour définir une telle démarche. George Condo se réapproprie les potentialités contenues dans les oeuvres du passé pour peindre un art du présent. Il existe des précédents dans l’histoire de l’art, on pense à Equipo Chronica analysant le Déjeuner sur l’herbe de Manet ou Picabia pastichant tous les styles connus. Condo utilise les courants picturaux qui jalonnent l’histoire de la peinture comme un interprète qui tire des partitions des motifs encore inaudibles. En revisitant ainsi les grands mouvements comme le cubisme ou l’expressionnisme abstrait, il en extrait des virtualités encore non exploitées. Félix Guattari a écrit en 1990 un texte traversé d’intuitions profondes sur une telle démarche : "Ce ne sont pas seulement des personnages précaires, caricaturaux qui viennent en quelque sorte "exproprier" la structure qui tendait à s’imposer d’ellemême. Ce sont aussi les pillages des styles qui ont jalonné l’histoire de la peinture. Là aussi on retrouve le même effet de déstabilisation. Vous croyez reconnaître un Rembrandt ou un Matisse mais la référence demeure floue, oscillante, troublante" nous explique-t-il.
Comment faire du neuf avec de l’ancien, retrouver les potentialités des grands maîtres en les associant avec l’héritage de l’art moderne ? Voici les questions que soulève une telle peinture. Comment faire cohabiter dans une même toile cubisme, expressionnisme, classicisme d’un Manet, d’un David ou d’un Velázquez et le dessin d’un cartoon ?
C’est dans ce décalage que Condo passe d’une peinture friande de matière picturale, de secret d’atelier à une entreprise purement conceptuelle où la perception esthétique se dédouble toujours d’une réflexion sur ce qui a été perçu. Condo est un peintre hybride, un peintre d’aujourd’hui qui se nourrit de l’art du passé, un artiste américain lié à l’art de la vieille Europe.
L’hétérogénéité de son style, ou devrions-nous dire de ses styles picturaux, permet à George Condo de façonner une galerie de personnages comme Oncle Joe, Jean-Louis ou Rodrigue. Ces personnages nés dans l’imaginaire de l’artiste portent sur eux, au travers de caractéristiques physiques comme les traits du visage, le reflet de leur âme.
Condo s’inscrit dans la tradition physionomiste de Lavater qui établit une corrélation entre la configuration d’un visage et le caractère de l’être humain. Honoré de Balzac a écrit toute la Comédie Humaine en s’appuyant sur cette théorie. Pour ce faire, Condo utilise aussi bien le chromo que le nu académique, voire la caricature et la bande dessinée. L’essence même des personnages exprime leur intériorité grâce à leur apparence.
Image grimaçante, sensation du grotesque, goût de la caricature apparaissent comme une constante de cette peinture. Loin d’être une attitude cynique, relevant de la pure fantaisie, la bouffonnerie qui ressort des oeuvres de George Condo est au contraire là pour manifester, comme le souligne Félix Guattari, de "l’absolue précarité de la forme signifiée à l’égard des vives forces inconscientes qui grondent en elle".
Bertrand Lorquin
Conservateur du Musée Maillol