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Gérard GasiorowskiRecommencer. Commencer de nouveau la peinture |
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Toute sa carrière durant, Gasiorowski se pose en chantre de la contradiction, pensée en termes de mise en opposition constructive et non d’impossibilité. Il s’agit là d'un aspect incontournable de sa pratique et de sa personnalité, qui le voit passer de la figuration hyperréaliste à l’abstraction ou la fiction, de la virtuosité à la croûte, tout en maniant l’irrévérence ou l’hommage, la gravité et l’ironie la plus acide, l'excès ou l'ascèse. Gasiorowski s’est en effet ingénié à jouer lui-même avec l'exégèse de son travail en multipliant chausse-trappes et objets de confusion, construisant une oeuvre faite de disparitions (Les Aires, Kiga), de conflits (La Guerre, l'Académie Worosis Kiga), de dons ou d'offrandes (Hommage à Manet, Les Paysans), allant même jusqu’à produire, au cours des dernières années de sa carrière, des oeuvres dont l’ampleur rend la présentation quasi impossible. Il s'agira en outre de mettre en lumière un processus de travail constamment porté par l’obsession du recommencement et du flux permanent de la peinture ; une quête qui s’est traduite par la répétition de motifs ponctuant son oeuvre à intervalles plus ou moins réguliers.
L’accrochage de l’exposition entend procéder lui aussi de cette logique de la contradiction et du
recommencement en la rendant visible au travers de rapprochements d’oeuvres a priori incongrus, mais aussi en
disséminant volontairement des "indices" conduisant à une compréhension globale de l'oeuvre. Car au-delà d'un
travail fait de ruptures et de recherches discordantes, l'exposition permettra néanmoins d’affirmer la cohérence
de l’ensemble de l’oeuvre de Gasiorowski. Cette cohérence – qu'il définit comme une "ligne indéfinie" qui le
ramène jusqu'à Lascaux et à l'essence du geste pictural – passe par une remise en question de son propre savoir
et de ses acquis, et surtout par une manière d’interroger sans relâche tant la pratique de la peinture que la
possibilité de peindre et d’être peintre.
La volonté de donner à voir une compréhension globale de l’oeuvre de Gasiorowski, et par là même les "allers-retours", rapprochements mais aussi digressions et "contradictions" volontairement pensées et soupesées par l’artiste, a conduit à envisager un accrochage ne respectant pas strictement une progression chronologique. Sont au contraire privilégiées des mises en relation de travaux qui éclairent une capacité d’invention et d’expérimentation sans cesse à l’oeuvre, tout en mettant l’accent sur l’aspect capital que constitue l’interrogation du faire.
Ainsi est-ce la série Kiga (1976-1983), développement fictif autour de la notion de fondements et de pureté de la peinture, qui clôt le parcours. Alors que dans la première salle sont confrontées des oeuvres majeures de la fin de la carrière avec des toiles du tout début : L’Atelier de Taïra (1984-1986) et Giotto-Atelier de Gasiorowski (1984), questionnements sur le positionnement du peintre et la possibilité d’exercer, font ainsi face aux deux seuls tableaux conservés de la série C’est à vous Monsieur Gasiorowski (1964), et à quelques toiles de la série hyperréaliste L’Approche (1965-1970), qui lui apporta la notoriété.
La question du tableau comme exercice participant d’une quête de la peinture est ensuite mise en avant avec les travaux du début des années 1970 ayant succédé à L’Approche (tels La Fuite vers Barbizon [1971-1972], Albertine disparue [1971-1972], Fatalité [1971-1972], Les Impuissances [1972], Les Aires [1973]), qui voisinent avec Les Fleurs (1973) ou Les Amalgames (1971-1982), considérées par Gasiorowski comme étant ses "gammes" quotidiennes.
Plus loin se confrontent les dimensions, contradictoires mais finalement complémentaires, de défiance et d’hommage à la peinture : face au Grand ensemble de la Guerre (1974-1983) et à La Peinture blessée (1975) s’installent des hommages à Cézanne (Sainte-Victoire Ocre, 1983), Edouard Manet (Hommage à Manet, 1983), Lascaux (Lascaux-Grand taureau dans le diverticule axial, 1984).
Pratique quotidienne, la peinture s’est également exprimée, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, par le recouvrement en très grand nombre de pochettes de disques de sa collection personnelle et de cartes postales envoyées à ses proches, travaux jamais exposés jusque là.
Ample fiction relative à la qualité de l’artiste et à la liberté du faire pictural, L’Académie Worosis-Kiga (1975-1982) se montre face à l’exercice régressif à l’extrême que constituent Les Croûtes (1970-1974).
Et alors que Les Paysans, descendants de Kiga, organisent leur activité autour d’une
peinture en prise directe avec la terre (Le Village des Meuliens, Les Charbonniers, Les Pissats…,
1981), cette dernière « explose » dans Fertilité (1986), développement pictural de plus de 20 mètres
de long ; l’une des toutes dernières oeuvres de Gasiorowski.