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Bernard Clarisse |
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En 1985, la bête chthonienne devient le sujet de ma peinture. Le thème est trop littéral ou allusif. Je cherche d’autres voies à explorer. Je me tourne alors du côté de Millet, des peintres de l’école de Barbizon, de Van Gogh aussi. Tous représentent des scènes de paysans : laboureurs, bêcheurs et autres médecins de la Terre. Dans le même temps, comme par un don des Dieux, je lis le chapitre consacré au fils d’Apollon : Asklépios dans les grandes divinités de la Grèce, par Pierre Lévêque et Louis Séchan (Armand Colin, 1990) et j’y trouve en outre ce passage page 327 : “Une ultime confirmation de l’identité originelle entre Asklépios et la taupe serait fournie par la tholos d’Epidaure. On sait que, sous l’édifice classique, avait été conservé un labyrinthe archaïque fort mystérieux, que l’on a cherché à expliquer de tant de manières diverses et imprévues. En réalité, il s’agirait là d’une taupinière, conçue à la fois comme le tombeau et le séjour souterrain du Dieu, et l’on a même pu avancer que la révélation concernant Asklépios dieu-taupe était au centre de la religion d’Epidaure.”
Dès lors, une nouvelle voie s’ouvre et, sans jeu de mots-maux faciles, je n’ai plus qu’à creuser du côté des textes de Pindare qui raconte la vie d’Asklépios, d’Hippocrate qui nous parle de maladies, des stèles avec inscriptions que tous ces malades ressuscités font dresser en l’honneur du dieu pour le remercier. Tous ces textes pour moi symbolisent la résurrection, la guérison de la peinture que l’on dit malade.
Ma voie picturale est comme pour ainsi dire tracée, et elle est illustrée par plusieurs orientations distinctes mais convergentes. Cette voie constitue une part importante de mon travail : Des représentations “objectives” de la taupe, animal lié au culte du dieu grec Asklépios, constituent le parcours originel de mon travail.
Un second ensemble regroupe les relectures de pièces dixneuvièmistes consacrées aux scènes paysannes (araires, bêches, binettes, etc. qui sont l’équivalent du scalpel).
Une troisième série comprend des oeuvres dont le motif central (scènes paysannes ou vanités) est altéré, “moisi”, comme un clin d’oeil aux premiers travaux photographiques. Ce motif se détache sur un fond immaculé, creusé de galeries, signatures omniprésentes de mon oeuvre.
Dans le quatrième ensemble s’inscrivent sur la toile des grammes hellènes empruntés à Pindare ou Hippocrate. Ce sont des sortes de stèles altérées par la bête chthonienne.
Un autre ensemble consiste à intégrer des éléments architectoniques sculptés, dorés à la feuille qui semblent rejetés par les entrailles du tableau. Des plans anciens de cités dont les profondeurs recèlent des traces archéologiques sont exhibés avec minutie sur la toile, au centre, un motif sépia: une vanité, nous rappelle à notre mémoire.
Enfin, des portraits anonymes et/ou connus sont figurés. Ils sont nommés dans une échancrure qui voudrait les soigner des maux de l’humanité avec quelque mot dûment choisi: incurable, mégalomane ..."
«Bernard Clarisse ou la création d’un monde homérique» est le titre donné par Jean-Luc Chalumeau au texte du catalogue de l’exposition présentée à Berck. Il souligne ainsi la cohérence et l’exigence d’un parcours mis en perspective sur les deux dernières décennies. Fidèle à la peinture, Bernard Clarisse n’hésite pas néanmoins à s’affranchir des limites imposées par la surface de la toile : il ouvre le passage aux forces sous-jacentes pour en libérer, comme le paysan retournant le sol de sa bêche ou le chirurgien fendant la peau de son scalpel, les forces curatives.
Prenant, dès 1985, la taupe comme sujet d’inspiration, il revisite les peintres du XIXe siècle, témoins des activités paysannes. La révélation du lien entre l’animal fouisseur et le dieu grec de la médecine, Asklepios, oriente son travail vers une appropriation des anciens textes fondateurs de la médecine, traités comme des stèles dont la surface s’ouvre sous l’effet du cheminement de la force chtonienne.
Vecteur de fertilité, le terrassement ramène aussi à la surface les souvenirs enfouis, ce que Clarisse illustre au moyen de grandes «vanités» d’inspiration archéologique ou de plans évoquant le passé révolu de cités dont la trame s’inscrit en sépia tandis qu’un voile ponctuel évoque la moisissure qui, au-delà de la pérennité des documents menace celle de notre mémoire. Récemment, et en particulier pour son projet berckois, Bernard Clarisse renoue avec l’art du portrait en mélangeant relectures de pensionnaires de l’Asile Maritime peints par Francis Tattegrain et personnages vivants dans sa galerie des «Incurables» tandis que les «Mégalos» comme Francis Bacon affichent leur célébrité sur de plus grands formats...
Georges Dilly,
Conservateur du musée d’Opale-Sud