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Silvia Bächli |
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Silvia Bächli partage son temps entre Bâle, Paris et, depuis 1993, Karlsruhe où elle enseigne à la
Staatlichen Akademie der Künste. L’artiste pratique le dessin de manière quotidienne, à la manière
d’un carnet de bord ou d’un journal intime. Elle restitue au noir sur le papier ses impressions du jour,
nourries de ballades régulières et d’une attention particulière portée à toutes ces petites choses
éphémères et anodines de la vie intime, gardées secrètement cachées. Son travail a fait l’objet
d’importantes expositions personnelles en Allemagne, en Suisse et en France et il est documenté
par de nombreuses publications.
Silvia Bächli présente "Poèmes sans prénoms 1999-2006", une exposition réunissant plus d’une centaine de dessins inédits. L’artiste Silvia Bächli profite de l’invitation du Mamco pour expérimenter de nouveaux modes d’accrochage, partie prenante du processus de création. Selon une disposition minutieuse et définitive, elle regroupe ses dessins en ensembles où chaque élément entre en dialogue avec les autres.
Silvia Bächli emprunte le titre de son exposition à trois dessins réalisés par Sophie Taeuber-Arp en 1939 et destinés à illustrer le poème du même nom de Hans Arp. Ces dessins témoignent d’un changement important dans le travail de Sophie Taeuber-Arp. Le trait libre y est traité comme un thème en soi et comme un support autonome du mouvement. On peut en voir un écho dans le travail de Silvia Bächli et interpréter cette citation comme un hommage à une artiste qu’elle admire. Ce qui est moins évident, c’est la coïncidence (auto) biographique qui a retenu son attention : Sophie Taeuber-Arp avait entrepris ce travail dans sa cinquantième année, l’âge qu’elle a aujourd’hui. Cette observation, a priori anecdotique, en dit long sur son mode de fonctionnement. Car toute l’oeuvre de Silvia Bächli s’élabore à partir d’expériences personnelles, de moments qui semblent anodins mais auxquels elle sait donner une résonnance particulière. Ses dessins sont aussi des annotations, des souvenirs de sensations ou des fragments d’une mémoire en construction.
Le travail de Silvia Bächli ne peut néanmoins pas se réduire à la seule expression du personnel et de l’intime, puisqu’il s’élabore en trois phases d’égale importance. Elle procède d’abord par une exécution rapide et libre surlaquelle elle n’exerce aucun jugement. Dans un second temps, elle porte un regard critique sur ses dessins, choisit ceux qui seront conservés et écarte ceux qui seront détruits. Enfin, elle élabore les différents modes de présentation : certaines oeuvres intègrent un ensemble qui détermine très précisément la place et la relation entre les dessins. D’autres, autonomes, peuvent, au contraire, être traitées dans une multitude de configurations au gré des circonstances et des lieux d’exposition.
L’architecture des espaces du Mamco proposés à Silvia Bächli induit une circulation continue. Partant de
cette observation, elle choisit de ne pas traiter chaque salle de manière autonome, mais au contraire
dans sa relation à l’ensemble, imaginant l’accrochage comme une ligne qui se déploie sur la totalité du
parcours. Elle articule les espaces d’exposition de manière à proposer un dialogue, une conversation,
qui se tiendrait entre les dessins, entre ceux-ci et le spectateur et enfin avec l’espace dans lequel ils se
trouvent. La ligne de l’installation entraîne également l’idée de déambulation et de flânerie. Les
photographies – prises lors d’un voyage dans le nord du Canada – qui ponctuent l’ensemble du
parcours, incitent à regarder une partie des dessins comme autant de réminiscences des chemins
parcourus, des espaces habités et des sensations enregistrées. Mais la ligne n’a pas qu’une dimension
métaphorique puisqu’elle est aussi traitée pour sa qualité essentielle et abstraite. Cette apparente
pauvreté du geste révèle la nature à la fois simple et complexe de ces oeuvres. Ces tracés se dérobent à
la description objective et convient à une autre forme d’appropriation. La force du travail de Silvia Bächli
réside précisément dans sa capacité à démultiplier les points de vue pour obliger le spectateur à
redéfinir constamment sa place et sa relation aux propositions qui lui sont offertes.