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Voyages pendulaires
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Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, LyonExposition du 17 juin au 24 décembre 2010En 2007, "Peuple tsigane, le silence et l’oubli" retraçait l’histoire de l’internement des Tsiganes français pendant la Seconde Guerre mondiale, autour du reportage photographique et du travail en archives réalisés par Mathieu Pernot. Nombreux furent alors les visiteurs à avoir manifesté leur intérêt pour la situation de ceux qui vivent, aujourd’hui, dans des bidonvilles à la périphérie et parfois au coeur des villes. Ces autres Tsiganes que sont les Roms, comme des dizaines de milliers de personnes de l’Est en quête de travail et de vie décente en Occident, sillonnent depuis vingt ans les sociétés européennes. La méconnaissance que nous avons de ces populations semble pourtant les condamner à passer pour des êtres singuliers, catalyseurs des peurs endémiques ressenties face à l’altérité. Avec "Voyages pendulaires", exposition centrée sur les Roms de Roumanie, Bruno Amsellem nous offre l’opportunité de délivrer une information sensible sur les conditions de vie de ces hommes et de ces femmes ici traités avec mépris ou indifférence. Le périple des Roms, de leurs villages roumains à nos bidonvilles et squats français, les politiques d’aide au retour, les changements engendrés par l’entrée de leur pays dans l’Union européenne, les mécanismes de cette migration seront au coeur de l’exposition.
Une exposition organisée en partenariat avec la maison de photographes Signatures. "Les raisons de l’exil sont toutes différentes sans doute. Mais elles sont surtout propres à chacun, à chaque parcours singulier, à chaque expérience humaine", entendait- on résonner dans l’exposition Tchétchènes hors-sol, que Maryvonne Arnaud présentait en 2009 au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. Racontant les périples et les points de chute de quelques familles roms entre la Roumanie et la France, le reportage photographique de Bruno Amsellem donne à voir un exil différent, à la fois permanent et intérieur. Car les hommes et les femmes que nous découvrons ici sont des citoyens européens à part entière qu’une misère immuable jette sur les routes d’Europe. Partir chercher là-bas le peu d’argent qui nous permettra d’exister socialement ici, telle est l’implacable logique et destin de ces familles, invariablement perçues comme des étrangers tout à la fois suspects et fascinants, où qu’elles se trouvent. Dénoncer le rejet, non pas dans ses mécanismes mais dans les effets qu’il produit sur la vie des gens, est une donnée fondamentale du travail de Bruno Amsellem, déjà auteur d’un reportage en Afrique sur des enfants cachés parce que malades du noma. Universellement asséné, administrativement organisé, le rejet est ce que partagent, en des lieux et des époques différentes, les migrants du monde entier. Nombreux sont les documentaires à s’être récemment penchés sur le thème de la migration. Chacun tente, autour de situations extrêmement diverses, de rendre compte de ces départs quotidiens, souvent définitifs, à la recherche d’une vie meilleure. Privilégiant l’image fixe, le photographe Olivier Jobard a travaillé en 2004 sur les migrants extraeuropéens, suivant dans Kingsley, carnet de route d’un immigrant clandestin l’épopée d’un jeune Camerounais. Il traversait à ses côtés le Nigeria, le désert du Sahara, l’Algérie et le Maroc avant de prendre la mer sur une embarcation de fortune pour les Canaries. La migration dont nous parle Bruno Amsellem est une migration économique, et de fait intra-européenne, mais son approche est bien la même que celle d’Olivier Jobard. Ressentant le besoin de comprendre les mobiles de certaines familles roms de Roumanie – ce qui les pousse à venir en France et à accepter des conditions de vie extrêmement précaires –, de donner à voir leurs difficultés mais aussi leur espoir, Bruno Amsellem et la journaliste Sophie Landrin sont partis avec elles "à la source", leur pays. Ils ont subi les départs contraints ou volontaires, l’attente, le voyage parfois reporté, souvent chaotique, vers un ailleurs incertain qui conduit ces personnes de squats en bidonvilles. Quand Sebastiao Salgado dans son projet Migrations : Humanity in transition ne mentionne pas le nom de ceux qu’il photographie pour offrir une image universelle de la détresse, Bruno Amsellem s’attache à des personnages et revendique leur singularité. Pour ces migrants étrangers de l’intérieur que sont les Roms et les Tsiganes, la globalisation a toujours eu l’effet pernicieux, rappelle Henriette Asséo, de masquer la diversité des conditions, des destins individuels et familiaux, contribuant de ce fait à les regrouper comme "indésirables". Voyages pendulaires ne rend pas compte de ce que vivent les Roms en général, mais de ce que vivent les deux familles que le photographe a suivies en un moment précis de leur histoire.
Les images du quotidien deviennent soudain troublantes
quand les gâteaux préparés en Roumanie dans la
perspective du voyage évoquent les gestes de nos propres
départs en vacances. Mettre de côté notre compassion
pour entamer une réflexion sur l’idée que nos privilèges
sont le pendant de leurs difficultés, "tout comme
la richesse de certains implique le dénuement des autres,
est une tâche à laquelle les images douloureuses,
émouvantes, ne font que donner l’impulsion initiale",
observe Susan Sontag. Les photographies de Bruno
Amsellem, portées par le récit de Sophie Landrin, nous
amènent ainsi à comprendre la nature, profondément
inégalitaire, du monde dans lequel nous vivons.
Voyages pendulaires est présentée dans la grande salle d’exposition temporaire du CHRD. Composée d’une centaine de photographies couleur, l’exposition est précédée d’un sas pédagogique. Celui-ci comprend une carte retraçant le trajet entre la région lyonnaise et le Bihor roumain, des interviews illustrant le point de vue de différentes personnes et/ou spécialistes du sujet (historien, ethnologue, journaliste, directrice du musée), enfin quelques textes offrant des clefs de lecture du reportage photographique (Tsiganes et Roms, entre stéréotypes et persécutions ; Histoire de la migration des Roms de Roumanie, depuis la chute du mur jusqu’à aujourd’hui ; La migration comme alternative à la misère et aux discriminations). L’exposition s’articule autour de 6 parties introduites par un texte.
Au début des années 2000 et quelque quarante ans après leur disparition promise, des bidonvilles renaissent aux portes de Lyon. Les conditions de vie de leurs habitants, nouveaux migrants venus de l’ex-Yougoslavie et de Roumanie, frappent l’opinion et mobilisent, en vue de leur expulsion, les pouvoirs publics. Friches de Vaulxen- Velin, installations à Saint-Priest, Pierre-Bénite et Jonage, terrains de la Soie à Villeurbanne et du Puizot à Vénissieux, bidonvilles de Surville et Paul-Bert, les photographies permettent d’illustrer dix années d’existences précaires dans les creux des villes occidentales.
La fin des régimes communistes d’Europe de l’Est a eu des conséquences dramatiques sur le niveau de vie des Roms, employés en nombre comme ouvriers dans les exploitations étatiques. Depuis la chute de Nicolae Ceausescu, la ferme d’État qui employait 60 % des Roms du Bihor, d’où sont originaires les deux familles suivies dans l’exposition, a fermé. Dans ce contexte de crise, propice au réveil des sentiments nationalistes et xénophobes, la migration revêt donc un caractère foncièrement économique, provoquée par la dégradation des conditions de vie et l’absence de perspectives d’avenir.
Anciens demandeurs d’asile, les Roms roumains deviennent à partir de 2007 des citoyens européens à part entière. Pourtant, cette même année, l’aide au retour déployée par le gouvernement français les invite à regagner durablement leur pays contre une prime de 147 euros par adulte et de 47 euros par enfant. Créé en 2005 pour gérer l’accueil des étrangers en France et l’aide au retour dans les pays d’origine, l’Anaem organise le rapatriement des familles en Roumanie. La couverture photographique du périple des familles roms depuis l’expulsion du bidonville de Vénissieux jusqu’à leur arrivée dans celui de Tinca, en Roumanie, est à l’origine du projet Voyages pendulaires.
Tarzan Covaci vit avec sa famille depuis plusieurs années entre la France et la Roumanie. Les suivre dans leur quotidien, dans leurs périples à travers l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie donne à comprendre cette logique d’immigration pendulaire, ce va-et-vient tout à la fois contraint et nécessaire. La recherche de moyens de survie en dehors des frontières nationales va de pair avec le maintien de liens étroits et réguliers avec son pays, que Tarzan regagne à la faveur d’événements particuliers, comme les fêtes de Pâques ou la naissance de sa fille. À l’image des migrants du monde entier, le voyage est entrepris avec l’idée d’investir au retour le fruit de son travail, il est porteur d’espoir.
Qu’on l’imagine au retour ou dans le pays d’accueil, la perspective d’une vie matérielle et sociale meilleure constitue une très puissante invitation au départ. Traian et Pamela Covaci, comme la très grande majorité des Roms présents à Lyon ces dernières années, sont originaires du judet de Bihor, à l’ouest de la Roumanie. L’image de ce jeune couple et de leurs deux enfants rentrant en fin de journée dans le bidonville Paul-Bert, jouxtant le centre commercial et d’affaires de la Part-Dieu, est saisissante. Distinct de celui de Tarzan, leur parcours permet d’évoquer un projet d’installation réussi, auquel la volonté de scolariser leur petit garçon n’est pas étrangère.
Vingt ans après le début des mouvements migratoires
des Roms d’Europe centrale et orientale, ces derniers
continuent d’être perçus comme une population à évacuer,
quel que soit le destin qui les attend dans leur pays
d’origine. La France dit disposer des moyens permettant
de sédentariser les familles, à travers des politiques de
codéveloppement et de réinsertion que l’Office français
de l’immigration et de l’intégration se charge désormais
d’orchestrer. Trois ans après leur premier voyage,
Sophie Landrin et Bruno Amsellem repartent en Roumanie
aux côtés de familles roms de l’agglomération
lyonnaise qui ont accepté l’aide au retour proposée par
la France.
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