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Les Rencontres d'Arles 2011 |
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Edition 42Expositions du 4 juillet au 18 septembre 2011Cette année 2011 marque le dixième anniversaire de la nouvelle formule de notre festival. Nous éprouvons, je vous en fais confidence, quelque immodeste satisfaction à constater que Les Rencontres d’Arles, si chères aux photographes et, au premier rang, aux valeureux fondateurs Lucien Clergue, Michel Tournier et Jean-Maurice Rouquette, que les RIP, comme on disait à l’époque de ce renouveau, aient échappé alors au « Rest In Peace » auquel certains, adeptes d’un sinistre jeu de mots sur l’acronyme, les vouaient en ces temps lointains, les uns avec un chagrin sincère, les autres avec une commisération condescendante. Souvenons-nous qu’en 2001 la survie de cette belle entreprise, vieille de plus de trente ans, paraissait fort compromise. On n’accueillait que 9000 visiteurs et le budget était grevé de dettes, reposant pour 90% sur un financement public : les perspectives d’avenir étaient sombres si n’étaient pas redéfinis en profondeur les principes, la conception, le format de l’ensemble. C’est en 2002 que François Barré, mon prédécesseur jusqu’en 2009, puis François Hébel, appelés à la rescousse par le maire Hervé Schiavetti, mettent en oeuvre des transformations radicales qui permettent l’enchaînement d’heureuses réussites. Il me tient à coeur, moi qui suis tout neuf dans l’aventure, de rendre hommage à tous deux pour cela. Une nouvelle politique de programmation artistique s’appuie notamment sur de grands prix annuels de photographie qui prospèrent grâce au soutien de Maja Hoffmann, de retour à Arles, soutien qui s’affirmera comme de plus en plus généreux. Défricheur de nouveaux talents, le prix Découverte des Rencontres permet de varier les regards posés sur la création, grâce, en particulier, au renouvellement régulier des membres du jury. L’appel, selon le même principe, à une succession variée de commissaires et d’experts, d’année en année, pour composer le programme (songeons au concours prestigieux de Martin Parr en 2004, Raymond Depardon en 2006, Christian Lacroix en 2008 ou encore Nan Goldin en 2009), permet d’échapper au risque d’une vision par trop unilatérale qui ne s’ouvrirait pas généreusement à la diversité des talents. Autre signe de cette magnifique montée en puissance : le décuplement des surfaces d’exposition - on est passé de 3000 à 12 000 mètre carrés - et l’extension, en conséquence, du nombre des expositions. (On me permettra à ce propos de saluer, Olivier Etcheverry scénographe, Nicholas Champion régisseur, et leurs équipes qui rivalisent d’invention pour recevoir les oeuvres dans ces lieux qui ne les attendaient pas). La conquête des anciens ateliers de la SNCF a été, à cet égard, décisive. Cette friche industrielle était délaissée, repliée sur le souvenir douloureux et stérile d’un âge d’or ferroviaire révolu : nous lui avons redonné vie et avenir. L’Église des Frères Prêcheurs, redécouverte après des années de fermeture et de désintérêt, nous a apporté aussi le bénéfice de son prestige historique. La conviction de la nouvelle équipe dirigeante, -conviction instinctive mais confirmée par de savantes études ultérieures- était qu’il fallait atteindre un seuil critique dans la quantité des expositions afin que la densité de l’offre justifiât et motivât la venue à Arles de visiteurs français ou étrangers en grand nombre. Parallèlement, des efforts ardents ont été accomplis pour accompagner et accroître la notoriété du festival auprès d’un large public, au dedans et au dehors -malgré l’absence déplorable d’un budget de communication- via notamment les partenariats noués avec divers médias (tels Radio France, Arte, Le Point…). Nous avons recherché une forte identité visuelle, décalée et originale, diffusée grâce à d’autres partenariats privés (Metrobus, que préside mon ami Gérard Unger, La Fnac, Gares & Connexions…). Permettez-moi de saluer la contribution remarquable de Michel Bouvet, dont les affiches, nous entraînant du règne végétal au règne animal, constituent aujourd’hui notre emblème, notre image de marque. Nous lui rendons hommage à travers une exposition rétrospective de ses créations pour Arles, depuis le fameux piment des débuts jusqu’au zébu aux allures taurines que nous vous présentons aujourd’hui : on est passé de l’étrangeté à la familiarité sans rien perdre d’un sentiment de singularité qui demeure, me semble-t-il, de bon aloi.
Nous avons pu capitaliser de la sorte l’engouement croissant du public pour la photographie. L’usage des divers
appareils qui permettent de la capter n’a jamais été aussi massif depuis l’invention de ce procédé magique, voici
bientôt deux cents ans. Le téléphone portable joue désormais un rôle décisif et il n’est pas besoin des dramatiques
événements collectifs que nous vivons ces temps-ci pour en prendre la pleine mesure. La programmation
des Rencontres d’Arles se donne le devoir d’être à l’avant-garde des évolutions techniques et technologiques,
gage de leur attrait auprès d’un public neuf autant que de tous ceux qui lui sont fidèles de longue main. Sachez
qu’en moyenne un visiteur nous vient plus de trois fois sur cinq ans mais aussi que les « primo-visiteurs » constituent
actuellement 40% du total.
Vous noterez que le Village situé à l’atelier des Forges, dont j’ai suggéré l’apparition l’an dernier, est reconduit pour la semaine d’ouverture (du 4 au 10 juillet), selon un format que nous aurons redéfini de concert avec les professionnels présents en 2010, afin de permettre au plus grand nombre possible d’éditeurs et de libraires, petits et grands, d’y trouver confortablement et bénéfiquement leur place. Nous ne pouvons aujourd’hui que nous réjouir de résultats qui s’apprécient à l’aune de chiffres éloquents. Depuis 2001, avec une augmentation moyenne de 20% par an, le nombre de visiteurs du festival n’a cessé de croître, passant du chiffre de 9 000 que j’évoquais plus haut à 73 000 en 2010 ; les dix expositions proposées jadis sont maintenant soixante, le budget a été multiplié par cinq et les recettes propres ont crû de 10% à 60% du budget. Les coproductions avec d’autres institutions ont aussi été multipliées. Les expositions (dont je précise qu’elles sont produites par nous-même pour 80% d’entre elles) s’exportent désormais souvent à travers le monde. La « nouvelle formule » du festival -devrais-je dire notre « New Deal » ?- a prouvé de la sorte, après une décennie, son efficacité et relevé le défi. Au service des photographes et de la communauté photographique, tout autant qu’en contribuant à étancher la soif du public pour cet art majeur, le festival est parvenu à diversifier ses sources de revenu, par le biais d’une énergique politique tarifaire et commerciale (35% des recettes) et avec l’appui salutaire d’un groupe important de financeurs privés (25%) dont nous avons su attirer vers nous la considération et l’amitié; à quoi s’ajoutent les subventions des pouvoirs publics à hauteur municipale, départementale, régionale et nationale.: soutien moral précieux, apport matériel indispensable. Sur le programme de 2011, que je crois pouvoir dire toujours aussi dense, hétéroclite et audacieux qu’auparavant, vous me permettrez de jeter d’abord le regard de l’historien. En considérant, au premier rang, ce que nous avons à montrer du Mexique dans la longue durée. Le Mexique ! Vous me permettrez de ne pas exprimer, en ce lieu, de jugement sur l’enchaînement des circonstances qui ont conduit à mettre à bas, pour le chagrin de beaucoup, tant de beaux projets artistiques qui devaient manifester cette année, en France, l’amitié de deux grands pays. Mais j’ai à coeur de saluer et de remercier les nombreux partenaires et interlocuteurs qui nous ont soutenus dans un parcours malaisé pour permettre que soit à peu près sauvée des eaux la partie mexicaine de notre programme : je citerai seulement, ici, au premier rang, l’ambassadeur S.E. Carlos de Izaca, en dépit des contraintes douloureuses qui lui étaient imposées, et M. Xavier Darcos, qui préside l’Institut français. Si nous nous sommes rudement battus à cette fin, François Hébel et moi, c’est que nous étions animés par la volonté de démontrer, à contre courant de certains préjugés, combien le Mexique est riche d’une histoire républicaine et démocratique. L’exposition sur la révolution mexicaine, que nous allons réussir à présenter, en dépit de toutes les traverses rencontrées, grâce au soutien de la Fondación Televisa, s’annonce comme devant être hors de pair. Elle dévoile des clichés uniques et enrichit le répertoire photographique informant sur un événement majeur, et pas seulement pour l’Amérique latine, révélant beaucoup de nouvelles images en plus de celles déjà connues qui sont dues au fonds Casasolas. Comment ne pas être fasciné, dans un autre registre, par la fabuleuse histoire qui entoure la trouvaille de la valise mexicaine ayant appartenu à Robert Capa, rescapée et ressuscitée après des années d’errance, depuis qu’elle avait été égarée à l’époque de la guerre civile d’Espagne ? J’éprouve une tendresse particulière pour l’exposition de Chris Marker que nous avons la chance de pouvoir offrir. De ce témoin infatigable des soubresauts de la planète, de ce grand voyageur à la rencontre des peuples qu’il voudrait tant fraternels, les films et les photographies ont touché plusieurs générations, proposant du monde, sur le long terme, une vision lucide et, à la fin des fins, réconfortante.
Je laisserai le soin à François Hébel, comme il convient, de présenter en détail le programme qu’il a, soutenu
par la compétence de l’administratrice Alice Martin, imaginé avec son équipe de brillantes productrices. J’ajouterai
seulement que je suis particulièrement gourmand, ayant eu naguère à me mêler quelque peu des effets
sur la culture des nouvelles technologies, de découvrir l’exposition From Here On qui traite des usages de la
photographie via l’Internet. Cette exposition a été conçue par les hautes compétences de Clément Chéroux, Joan
Fontcuberta, Erik Kessels, Martin Parr, et Joachim Schmid et elle ouvrira la voie vers un avenir fascinant et de
nouveaux champs du processus créatif.
Dans cette situation d’équilibre si précaire, nous exprimons notre pleine gratitude envers les partenaires privés dont la fidélité ne nous a pas fait défaut : la Fondation LUMA, que nous ne remercierons jamais assez pour les projets ambitieux qu’elle dessine et qui devraient, sous le sceau de Frank Gehry, commencer de se concrétiser à l’automne, en assurant aux Rencontres la mise à disposition de nouveaux locaux, SFR, qui avait l’an dernier renouvelé et augmenté sa participation selon un nouveau contrat triennal, la Fnac, Olympus, BMW qui a rejoint le Festival l’an dernier et revient cette année, la banque Pictet dont nous avons le privilège de présenter le prix sur le développement durable –sans compter bien d’autres encore que je ne peux citer tous mais qui savent combien nous leur devons. Il me revient de m’adresser enfin aux pouvoirs publics pour leur témoigner notre reconnaissance, en premier lieu au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. Clairement conscient des nouveaux enjeux liés à la photographie, il nous a témoigné, sur place comme à Paris, de sa conviction que notre Festival mérite d’être consolidé et de son intention d’y pourvoir. Sa confiance et son intérêt nous sont précieux, utilement relayés sur place par la Direction régionale des affaires culturelles. Nous savons gré au ministère de l’Éducation Nationale de souhaiter, parce qu’il est conscient de ce que nous apportons à la formation artistique et civique des jeunes citoyens, s’affirmer davantage aux côtés des Rencontres, en signant une nouvelle convention triennale. Je remercie également les collectivités locales, le Conseil régional, le Conseil général des Bouches-du-Rhône et la Ville d’Arles, sans le soutien régulier desquels le festival n’aurait pu perdurer depuis quarante-deux ans.
Jean-Noël Jeanneney, président des Rencontres d’Arles.
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