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Miró sculpteur"Penser à l’idée de sculpture", défier la sculpture : les années 40 |
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Musée Maillol, ParisExposition du 16 mars - 31 juillet 2011"Rien de plus paradoxal – mais Miró a toujours adopté une démarche créatrice en zigzag (« toujours cette passion brûlante me conduit, qui me fait marcher de droite à gauche », écrivait-il déjà en 1929 à Michel Leiris ) – que l’« idée de sculpture » qui hante son esprit dans les années 1940-1941, alors même qu’il atteint, avec la série des 23 gouaches des « Constellations » peintes à Varengeville puis à Palma de Majorque et Montroig – suite admirable, presque abstraite, de modulations d’idéogrammes colorés libérés dans l’espace –, ce que l’on s’accorde à considérer comme le sommet de sa « peinture/poésie », et qui sont autant d’évasions de la réalité dans la mélodie de signes purs. Il mène alors un intense – et long, puisqu’il ne reprendra véritablement ses outils qu’en 1944 – travail de réflexion et de gestation, dans une grande solitude, et qui atteste une crise des plus aiguës, qui amorce un tournant radical. C’est de ces longues années de guerre que date, selon Jacques Dupin, « la véritable naissance d’un Miró sculpteur » : les premières « sculptures » apparaîtront dans les années 1945-1946, immédiatement après les premières céramiques, réalisées avec Josep Llorens Artigas, qui leur sont indissociables . D’elles découle tout l’oeuvre sculpté de Miró, qui prendra un essor considérable après la construction en 1956 de son atelier de Palma. Fin 1940-début 1941, les nombreuses notes rédigées par Miró font preuve d’un souci ouvertement plastique, qui reste cependant encore celui d’un peintre pensant à ses futures toiles. Retrouvant à Montroig ses anciens carnets de dessins, en particulier celui de 1933-1935 truffé de projets, il choisit de retravailler ceux portant des figures vigoureusement modelées – « Daphnis et Chloé », « Danseuse espagnole », « La Tempête », « Le Port », « La Famille », « Femme » – en manifestant son souhait de « les humaniser davantage / davantage plastique, tout en étant moins abstrait // penser à l’idée de sculpture, que ces formes tournent et puissent être palpées ». Ce qui s’accomplira en 1945-1946 est des plus surprenants, et on pourra s’interroger sur les raisons, les circonstances et le sens de cette très nouvelle orientation de Miró : aux grandes toiles peintes nées de ces esquisses (« Danseuse entendant jouer de l’orgue dans une cathédrale gothique », « Le Port », « Danseuse espagnole », « La Course de taureaux »), opposant des figures en filigrane, désincarnées, simplement dessinées, à un fond merveilleusement modulé, font face, en contrepoint et pour la première fois, des équivalents « sculptés » en trois dimensions, des figures aux volumes massifs, noirs, bientôt en effet fondus dans le bronze (« L’Oiseau lunaire », bois d’olivier, 1945, bronze, 1946, granit poli, 1947 ; « L’Oiseau solaire », bronze, 1946 ; « Femme », marbre noir, 1949 ; et d’autres « Femmes » bronze, 1949). Comme si « penser à l’idée de sculpture » dans une optique de peinture était devenu caduc, et possible, nécessaire, un partage des moyens d’expression entre peinture et sculpture (même si les frontières ne cesseront jusqu’à la fin d’être brouillées), celle-ci libérant celle-là de sa fonction de réalité magique qu’elle assumait auparavant. « C’est dans la sculpture que je créerai un monde véritablement fantasmagorique, de monstres vivants / ce que je fais en peinture est plus conventionnel », ira jusqu’à dire Miró. À la peinture désormais (pour schématiser à l’extrême), l’esprit de méditation, d’intériorité, d’évocation mélodique – avec, de plus en plus, le vide, le silence et le signe pur, simplifié, issu du langage hiéroglyphique des « Constellations ». À la sculpture, la charge d’une invention et d’une incarnation d’êtres ou d’objets, libres de toute fable et qui s’érigent aux yeux de tous avec la puissance atavique, première, de figures mythiques et totémiques. « Palper » enfin pleinement la matière, se laisser guider par la main, sentir sous ses doigts vivre les formes : cette pratique très tactile et sensualiste, qui s’accomplit pleinement avec le travail de la « terre de feu » entamé en 1944 avec son vieil ami Artigas et avec le modelage des premières sculptures en terre glaise, est, on le sait, essentielle, fondatrice même de la construction de son identité de peintre.
Extrait du texte de Agnès de la Beaumelle publié dans le catalogue de l’exposition Miró sculpteur.
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