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Maison Européenne de la Photographie, ParisExposition du 17 janvier 2012 au 6 mai 2012
Laetitia Casta © photo Dominique Issermann
La Maison Européenne de la Photographie présente l'exposition "Dominique Issermann : Laetitia Casta". Un livre éponyme, publié aux éditions Xavier Barral, accompagne l'exposition. A voir à Paris à partir du 17 janvier 2012.
Pendant trois jours Dominique Issermann a photographié Laetitia Casta, à Vals, dans les Thermes construits par l'architecte Peter Zumthor
en Suisse.
C'est un travail à deux, un pas de deux, une chorégraphie photographique. Ce projet fait suite au livre de Dominique Issermann sur Anne
Rohart publié aux éditions Schirmer et Mosel en 1987.
Trois respirations, celle de Laetitia Casta dans l'émotion de la découverte, dans l'abandon à l'inconnu, celle de Dominique Issermann
qui retient son souffle pour saisir les instants où Laetitia Casta s'inscrit, fugitive, dans le bâtiment, et celle de Peter Zumthor qui
respire à travers les murs, les marches, les bassins, les couloirs.
33 photographies enroulées et déroulées, comme on forge une seule image, une image définitive de Laetitia Casta, archétypale,
dans une nudité souveraine et libre.
Une biographie, en quelques décennies...
1950 : A la campagne, j'étais petite, la guerre revenait en fin de repas, c'était
des traces de brûlures sur le thorax gazé de mon grand père et mes parents qui
avaient mangé des rutabagas pendant leur adolescence. La politique, c'était De
Gaulle qui parlait haut. Les salades poussaient sous nos fenêtres. Plus tard, des
cousins plus âgés ne revenaient pas d'Algérie et des enfants Vietnamiens courant
devant les flammes de l'enfer mouraient sur nos téléviseurs. Au fond du jardin,
je vise dans le Brownie Flash de mon père, j'ai quatre ans, je photographie ma
mère qui étend des draps, ma première photo.
1960 : Je fais des photos de ma soeur, mon frère, mes voisins, des gens qui
passent dans la rue. Je sentais bien qu'il fallait partir. L'école publique qui
m'avait appris beaucoup de choses, et que je remercie au passage pour les délices
de la petite école Saint Joseph à Aubigné Racan, la beauté du lycée Marie Curie
à Sceaux, les cerveaux agités des élèves et des professeurs d'hypokhâgne, la
bienveillance du professeur à l'énoncé de mon choix de maîtrise "Les rapports
familiaux dans le monde de Mickey Mouse", m'a sans le vouloir, mais sûrement,
ouvert les portes pour le grand chahut idéaliste de mai 68.
Laetitia Casta © photo Dominique Issermann
1970 : L'Italie : le cinéma. Cinq ans à Rome avec Cohn-Bendit en exil et une
belle bande d'agitateurs inoubliables. Travail collectif pour le film de Jean-Luc
Godard "Vent d'est" et réalisation de deux longs métrages avec Marc'O. La ville
est un brasero de rencontres qui changent la vie définitivement, de Pasolini aux
Straub. Puis la révolution des oeillets au Portugal, avec nos appareils photos on
traque les visages épuisées des opposants qu'on vient de tirer des prisons-mouroirs
de Salazar. Je sens qu'au milieu des blessés je pourrais devenir infirmière
et que seule l'émotion devant la beauté peut me faire devenir photographe.
Je me lance dans un concours de photos de mode, pour décrocher le premier prix
qui me permettrait de payer ma note de téléphone, je gagne. Avant ce concours, il
y avait les vrais gens dans la vraie rue et après il y a eu les vrais mannequins
dans les vrais studios de mode.
1980 : Je me gave de films à la Cinémathèque et je commence à photographier des
actrices et des acteurs qui deviendront vite célèbres, les premiers étant Isabelle
Adjani et Gérard Depardieu. Puis viendront Catherine Deneuve, Simone Signoret,
Yves Montand, Jeanne Moreau, Fanny Ardant, Serge Gainsbourg, Jane Birkin, Robert
de Niro, Anouk Aimée, Sir Lawrence Olivier, Isabella Rossellini, Marguerite Duras,
Balthus, Leonard Cohen, Bob Dylan, Isabelle Huppert, Françoise Sagan…
Sonia Rykiel, regardant dans la petite valise où j'entassais mes portraits me
dit : "Vous êtes libre la semaine prochaine ? Pouvez-vous photographier ma collection
pour 18 pages dans Vogue? Connaissez–vous un mannequin ?". J'ai répondu
OUI aux trois questions. Je ne connaissais personne, j'avais vu en couverture
de Elle Anne Rohart qui venait de remporter un concours pour devenir mannequin.
"Parfait" dit Sonia. Je photographie toutes ses collections pendant plus de dix
ans et réalise avec Anne Rohart un livre de nus au château de Maisons-Lafitte,
30 photos dans le même lieu avec la même personne, et juste un drap. Le livre
porte son nom.
1990 : Il s'ensuit de longues années d'une sorte de rap intensif avec ceux que
je photographie, ceux qui commandent les photographies, ceux qui fabriquent les
photographies avec moi, long rap essoufflant qui ne cesse que pendant les brefs
instants magiques des déclics qui font mouche. Christian Dior, Nina Ricci, Yves
St Laurent, Montana, Hermes, Chanel…
Je travaille main dans la main avec les créateurs, ils me tiennent la main et
me laissent faire, Eau Sauvage, Dolce Vita, Dune chez Dior, Tiffany, Trésor de
Lancôme avec Isabella Rossellini, Chanel N°5 avec Carole Bouquet, Coco Mademoiselle
avec Kate Moss puis Kiera Knightley, Allure avec Anna Mouglalis, N° 5 avec
Audrey Tautou.
Je vis avec un groupe que j'aime, presque toujours les mêmes mannequins, coiffeurs,
maquilleurs, stylistes, voyageant d'aéroports en hôtels, au gré des saisons
inversées des collections de mode, pour Vogue USA, Vogue France, The New
York Times Magazine, Elle France, USA, UK et bien d'autres.
2000 : On change de siècle, mais je travaille toujours avec la même famille de
magazines et de grandes marques. Mon bureau s'agrandit, les machines débarquent,
je passe au numérique. Je commence à travailler dans mes archives pour éditer des
cartes postales, faire une grande exposition à Arles dans la vertigineuse Église
des Frères Prêcheurs.
Je découvre l'architecture de Peter Zumthor, aux Thermes de Vals. J'y entraîne
Laetitia Casta dans la chorégraphie d'un nouveau livre, une femme magnifique,
nue, qui se place dans la perspective généreuse et fuyante d'un bâtiment parfait.
Un nouveau livre.
L'expérience Romaine m'a laissée le goût du cinéma. Leonard Cohen dans les années
90 m'a confiée la réalisation de ses clips "Dance me" et "Manhattan", ainsi
que Catherine Deneuve, Renaud et Patricia Kaas. C'est ainsi que Bob Dylan débarque
un jour devant ma caméra, convié par Victoria's Secret à faire une unique
et légendaire apparition dans le monde du film publicitaire.
2010 : J'ai toujours aimé faire des photos pour le papier, les pages de journaux,
ça me plaisait de savoir que mes photos pourraient emballer du poisson ou empêcher
les chaussures de perdre leur forme. Mes expositions étaient toujours des
projections de photos. Je ne voulais rien d'autre, je n'aimais pas les cadres.
Un tirage était pour moi, pendant longtemps, du matériel pour l'impression du
journal, de l'affiche, du livre. Mais je regarde depuis peu mes boîtes de papier
photographique d'un autre oeil.
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