Monique de Roux

Monique de Roux représente des scènes archétypales, comme vues à travers un demi sommeil, si loin et si proche en même temps. Dans une étrange accalmie presque surréelle, quelques personnages hiératiques - baigneuses, joueurs de ballons, pêcheurs - déambulent au milieu d'une nature harmonieuse. Leurs mouvements lents semblent le reflet de gestes ancestraux, ayant traversés les siècles, mais toujours à recommencer au lever du jour. Comme une allusion au mythe de Sisyphe à la différence près que les personnages de Monique de Roux semblent vivre dans un à-côté étrange. Ils vivent au rythme de besoins élémentaires, au milieu d'une nature pleine d'offrande mais d'un insondable mystère.

Dans une explosion de couleurs pures, magnifiée par la vibration de fragiles contours, tout un monde de sensations s'y déploie. Des notes changeantes de couleur accentuent la précision du dessin. Ses natures mortes procurent presque un immense plaisir tactile, ses couleurs si pures laissent entendre une musique suave... C'est une synesthésie jouissive qui instaure un dialogue des émotions.

Sous le vernis de cet Eden équatorial, une tristesse fige les gestes de ces personnages en une pose énigmatique. Les figures anonymes semblent céder sous une pesanteur indéfinie, une conscience d'un devenir incertain, une mélancolie qui ne dit pas son nom. De cette subtile tension entre une nature opulente et une tristesse diaphane naît une ambiguïté, une confusion harmonieuse.

Ces œuvres peuvent rappeler Gauguin ou les Picasso des années 20 mais aussi, plus subtilement, Piero della Francesca, Botticelli ou encore Cézanne. Monique de Roux évoque une zone indéfinie, un interstice dans lequel la réalité et les songes s'effleurent. Suspendant le temps. Son symbolisme délicieusement troublant distille une intuition d'éternité.