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Roger Ballen |
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2006 |
La préface de l'exposition, Dans la chambre d'ombres : le seuil présente des oeuvres graphiques ou photographiques que Roger Ballen apprécie, qui l'ont influencé. Choisies avec lui parmi les pièces conservées par le département des Estampes et de la photographie de la BnF, des photographies de Diane Arbus et Ralph Eugene Meatyard, des gravures de Dubuffet, permettent de comprendre sa manière d'interpréter les thèmes du portrait, de la photographie mise en scène, de la nature morte, et de saisir l'importance qu'il accorde par ailleurs au graphisme et au dessin. Figure également dans cette préface un cahier d'Antonin Artaud appartenant à la collection du département des Manuscrits, et ouvert sur l'un de ses dessins. Les textes d'Artaud jalonnent le parcours de l'exposition.
Le premier mouvement de la partie monographique, Dans la chambre d'ombres : les visages, est consacré au thème du portrait. Les premières photographies de Ballen furent prises à l'occasion de ses missions de géologue en Afrique du Sud. Il y rencontra les descendants de colons blancs, confinés dans de petites villes, victimes à la fois de conditions de vie précaires et des ravages de la consanguinité. Ces portraits reproduits dans les premiers livres de Ballen sont les photographies les plus anciennes présentées dans l'exposition. Le vocabulaire plastique de leur auteur y est déjà discrètement présent : frontalité, fermeture du cadre, disparition des lignes de fuite, représentation obsédante des fils de fer et des fils électriques, présence d'animaux familiers...
Dans la chambre d'ombres : le labyrinthe, deuxième étape de la partie monographique, montre l'avènement d'un univers intérieur, le déploiement d'une thématique propre, marque les phases de l'élaboration lucide d'un style et d'un vocabulaire. La fascination de Ballen pour la matière des murs, les objets de rebut, les environnements sans qualité et leurs matériaux pauvres se révèle à plein. Les personnages disparaissent dans des emballages ou des cartons, se confondent avec le décor, le graffiti et le dessin prennent la place de l'humain dans une démarche véritablement proche de l'art brut. Lorsque l'auteur focalise son attention sur les personnages, c'est parce qu'ils se livrent à des jeux énigmatiques ou à des exercices étranges, accomplissent des travaux abscons, parce que, tout simplement, leur raison d'être devient une énigme. L'intérêt de Ballen pour la nature morte et le thème classique de la Vanité se révèle dans une série de photographies vidées de tout personnage. C'est alors l'animal, lui aussi banal, sans qualité, qui assure un simulacre de vivante présence. L'ombre portée, la ligne dessinée ou solide, le volume créé dans du fil de fer, l'inscription manuscrite, tous les fondamentaux de la recherche de Ballen se répondent en écho pour nous faire entrer dans un monde de nonsense hérité de Lewis Carroll et de Beckett.
Dans la chambre d'ombre : l’autre côté, ultime étape de la visite, revient sur la
question du portrait. Les personnages y deviennent figures, symboles. Les
modèles habituels de Ballen semblent, à l'issue de cette traversée de l'apparence,
se mouvoir enfin dans la liberté d'un espace imaginaire, celui qui s'étend de
l'autre côté du miroir. Ils ont repris leurs activités absurdes, leur comportement
énigmatique, leurs exercices sans objet, mais cette fois sur un mode comique et
grinçant. "[...]Ce que je veux dire, ce que ces gens signifient, se rapproche des
personnages de Beckett. Ils symbolisent une forme de l’âme humaine et quantité
de gens ne savent pas s’ils doivent l’accepter ou le refuser, car c’est totalement
déconcertant."
Ainsi Ballen définit-il le théâtre dont ils sont les acteurs volontaires, proche de ce
"théâtre de la cruauté" inventé par Artaud.