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Arman |
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Musée Tinguely de BâleExposition du 16 février 2011 – 15 mai 2011"J’affirme que l’expression des détritus, des objets, possède sa valeur en soi, directement, sans volonté d’agencement esthétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d’une palette; en outre, j’introduis le sens du geste global sans rémission ni remords..." Arman, 1960 Le Musée Tinguely de Bâle est heureux de présenter une exposition consacrée à Arman. Arman était, comme Tinguely, l’un des membres fondateurs du Nouveau Réalisme mouvement préconisant de nouvelles "approches perceptives du réel". Arman développe une œuvre en lien direct avec son époque, utilisant comme matière artistique les objets manufacturés, produits par la société de consommation. L’exposition a été réalisée en collaboration avec le Centre Pompidou de Paris où, présentée au public à l’automne dernier, elle a connu un succès notoire. Avec quelques 80 oeuvres provenant de musées et collections particulières ainsi qu’une sélection de films projetés en grand format, de bandes sonores et de documents divers, cette deuxième étape de l’exposition à Bâle propose en sept volets un regard unique sur le travail de l’artiste, du début des années 1950 jusqu’à sa période tardive dans les années 1990. Cinq ans après la mort de l’artiste, c’est la première fois qu’un musée suisse lui consacre une telle rétrospective. Après Yves Klein (1999), Daniel Spoerri (2001) et Niki de Saint Phalle (2003), le Musée Tinguely présente désormais un autre membre des Nouveaux Réalistes. En sept parties l’exposition montre les principaux groupes d’oeuvres de l’artiste, à commencer par ceux peut-être moins connus que sont les Cachets et les Allures d’Objets, réalisés sur papier et sur toile dans la deuxième moitié des années 1950. Au coeur de l’exposition figurent les formulations artistiques provocantes avec lesquelles Arman réagit à la société de consommation : ce sont ses célèbres Poubelles et Accumulations, dans lesquelles il érige en oeuvres d’art des détritus et autres objets quotidiens usagés, placés sous verre ou plexiglas. On retrouvera également des travaux issus de la série des Coupes et des Colères, ainsi que des Combustions et des Inclusions dans lesquelles, à partir du début des années 1960, l’artiste aborde sous des angles divers les notions de destruction, de déconstruction et de transformation des objets quotidiens. L’exposition propose enfin une sélection des monumentales Accumulations Renault, commandées par Renault et réalisées à la fin des années 1960 à partir de pièces automobiles sorties d’usine, ainsi que quelques peintures d’Arman lui-même et des inclusions de tubes de peinture. Celles-ci exprimeront de la fin des années 1960 jusqu’à son oeuvre tardive à la fin des années 1990, ses questionnements sur la peinture abstraite et informelle.
Ses réalisations des années 1960 et 1970 sont d’une actualité frappante, dans la mesure
où les Accumulations, les Colères (qui procèdent à la destruction d’un objet), mais surtout
les Poubelles peuvent être comprises comme les traces archéologiques de notre société de
consommation – avant même que la dégradation de la planète ne devienne l’un des thèmes
majeurs de notre époque.
Arman comptait parmi les membres fondateurs des Nouveaux Réalistes, groupe d’artistes d’après-guerre sans doute le plus important, qui influencera longtemps l’art contemporain. Les artistes de la génération de Tinguely et d’Arman se situent en effet à un tournant où l’abstraction moderne dans la peinture est proclamée révolue. Aussi le manifeste du Nouveau Réalisme (1960) se dresse en des termes incisifs contre l’Informel et l’Expressionnisme abstrait, qui sont les tendances artistiques alors dominantes dans le monde de l’art parisien. Dans ce manifeste formulé par Restany, on peut lire entre autres : « Ce fut la peinture de chevalet qui accusa le coup, faisant s’évanouir les dernières illusions subsistantes quant au monopole des moyens d’expression traditionnels ». Le Nouveau Réalisme quant à lui prône « la passionnante aventure du réel perçu en soi », or cette aventure, toujours selon Restany, consiste en « l’introduction d’un relais sociologique au stade essentiel de la communication. La sociologie vient au secours de la conscience et du hasard, que ce soit au niveau de la ferraille compressée, du choix ou de la lacération de l’affiche, de l’allure d’un objet, d’une ordure de ménage ou d’un déchet de salon, du déchaînement de l’affectivité mécanique, de la diffusion de la sensibilité chromatique audelà des limites logiques de sa perception. » Arman lui-même qualifiait en 1960 l’objet et le geste comme ses principaux moyens d’expression : « J’affirme que l’expression des détritus, des objets, possède sa valeur en soi, directement, sans volonté d’agencement esthétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d’une palette ; en outre, j’introduis le sens du geste global sans rémission ni remords. »
Au sein de l’oeuvre qu’Arman réalise à ses débuts (dans la deuxième moitié des années 1950, peu considérée jusqu’à présent), apparaissent déjà les principaux procédés artistiques qui détermineront tout son travail : le geste répétitif ainsi que l’utilisation systématique d’objets manufacturés. L’intérêt qu’Arman porte à l’objet lui vient d’abord de la peinture et de la musique concrète, qu’il étudia en profondeur. Il est également influencé par des artistes des années 1920, notamment comme Kurt Schwitters, Hendrik Nicolaas Werkman ou Marcel Duchamp. Vers le milieu des années 1950, il est proche d’Yves Klein, l’inventeur de l’« International Klein Blue » et lui aussi originaire de Nice ; il conçoit alors des oeuvres sur papier et sur toile, les fameux Cachets et Allures d’objets. Dans ses Cachets, il renonce à la peinture de l’École de Paris et couvre sa toile d’empreintes tamponnées, à la manière du « all-over » et de l’« écriture automatique ». Dans les Allures d’objets – l’expression renvoie à la musique de Pierre Schaeffer –, il jette avec élan sur la toile des objets plongés dans la peinture, formant ainsi au hasard des tracés de compositions plastiques et abstraites. Avec ses Cachets et ses Allures d’objets, Arman apporte en quelque sorte une réponse provocante à l’informel et à l’expressionnisme abstrait alors prééminents.
Au cours du XXe siècle, l’histoire de l’art assiste à une esthétisation et muséalisation de l’objet quotidien. Ce phénomène est étroitement lié à l’évolution de la société de consommation et à la transformation de plus en plus rapide de nos univers visuels et virtuels. Considérablement influencé par Marcel Duchamp et son concept du ready-made, Arman fait des objets quotidiens son vecteur d’expression artistique ; il sonde au niveau esthétique les différences et analogies qui existent entre l’objet et la peinture. Les Poubelles et les Accumulations sont des entassements d’objets usés, inutilisés et jetés dans des contenants transparents auxquels l’artiste donne des titres poétiques et souvent polysémiques. Avec Le Plein, Arman réalise en 1960 une action-déchets révolutionnaire à la Galerie d’Iris Clert, dont les salles sont remplies jusqu’au plafond de détritus et d’objets courants. Dans les Coupes et les Colères, là aussi, il coupe, détruit et démonte l’objet quotidien. Les objets qu’il choisit (bien souvent des instruments de musique) relèvent clairement du mode de vie bourgeois. Comme dans les Accumulations, il met en scène le principe même de la présentation, de la chose montrée. Les couches superposées de ces objets qui nous sont familiers révèlent la teneur de ces derniers sous un angle étrange et nouveau. Dans ses Inclusions, Arman coule pour l’éternité des objets dans de la résine ; dans les Combustions, ils sont calcinés et figés, comme les symboles de la fugacité. L’artiste donne ainsi une représentation matérialisée du temps qui s’arrête : l’acte de la création, de la destruction et de la déconstruction ne sont plus qu’un seul et même geste. L’oeuvre d’Arman illustre à la perfection l’art de la destruction des années 1960 ; après les dadaïstes, cette rupture avec la tradition artistique au XXe siècle est sans doute la plus radicale.
L’oeuvre d’Arman montre le revers du consumérisme et du « tout jetable ». Son art marque
un refus fondamental des principes artistiques courants que sont à cette époque la reproduction
et la représentation de la réalité. Même aujourd’hui, alors que les limites de la
notion d’art sont encore repoussées, il nous arrive d’être troublés à la vue dans un musée
d’oeuvres puisant dans les éléments familiers de l’univers quotidien, présent ou passé :
instruments de musique, rasoirs, chaussures à talon, masques à gaz, vieilles machines à
écrire Underwood ou tubes de radio, voire le contenu d’une poubelle – tout cela, Arman le
présente sous forme d’oeuvres d’art et le met en vitrines.
Parmi les points forts de l’exposition, il convient de mentionner la projection grand format
de films comme Objets animés (1959-1960, de Jacques Brissot) ou Sanitation (1972, de
Jean-Pierre Mirouze), tous deux basés sur des idées d’Arman. Ces films entretiennent un
dialogue captivant avec les différentes oeuvres exposées et constituent à la fois une
parenthèse importante dans la conception de l’exposition. Non seulement ils nous montrent
l’intérêt obsessif qu’Arman voue à l’objet, avec tout ce que celui-ci a d’intrinsèque, mais ils
éclairent en outre les positions spirituelles qui sous-tendent le travail de l’artiste. Sanitation
retrace le mouvement des objets de consommation dans le Manhattan des années 1970 : la
caméra suit des marchandises, du lieu d’achat jusqu’au gigantesque dépôt d’ordures sur
Staten Island, avec la Statue de la Liberté se dressant au fond. Le visiteur peut ainsi
reconstituer dans le temps, et de façon tangible, le procédé artistique d’Arman, de la
fonctionnalité initiale de l’objet trouvé au sein de notre société de consommation jusqu’à
l’accomplissement de séries telles que Poubelles et Ordures organiques. L’extrait montré au
ralenti de NBC Rage (1961), une des actions de Colère où l’artiste fracasse une
contrebasse sur une planche en bois, permet par ailleurs de mieux saisir la signification
essentielle du geste physique virulent et éphémère qui s’exprime dans l’oeuvre. Un autre
film, Conscious Vandalism, montre une Colère réalisée en 1975 à la John Gibson Gallery de
New York avec la destruction d’un intérieur bourgeois, dont les restes sont montrés à Bâle
dans une salle à part. Ces actions spectaculaires font l’effet d’un épisode cathartique au
sein de l’oeuvre d’Arman.
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