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Les vitraux de Josef Albers

Musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis

Exposition du 6 juillet - 29 septembre 2008




Les vitraux de Josef Albers, lumière et couleur au Bauhaus (1920-1933), est la première exposition exclusivement consacrée à Josef Albers pendant sa période au Bauhaus de 1920 à 1933. Elle comprend environ 260 oeuvres, dont la majorité des vitraux - soit 58 vitraux - en verre dépoli, noir et blanc, ou noir blanc et rouge. L’exposition présente pour la première fois certains vitraux avec leurs études préparatoires. Les vitraux d’Albers avaient été rassemblés et montrés il y a 15 ans au Guggenheim de Venise et à IVAM de Valencia, mais depuis, de nombreuses nouvelles pièces ont été découvertes. Pour la première fois, ces oeuvres sont associées aux gravures, aux photographies, aux meubles et à l’enseignement que Josef Albers prodigua au Bauhaus en ayant la responsabilité du cours préparatoire obligatoire pour tous les élèves, complétés par des catalogues, des lettres, des documents souvent inédits.

Afin de comprendre le contexte de l’école du Bauhaus, une section de l’exposition présente des oeuvres de sa femme Anni (considérée comme l’une des plus importantes créatrices textiles du siècle dernier) et de ses amis et collègues du Bauhaus, en particulier de Paul Klee, Vassily Kandinsky et Marcel Breuer.

S’il fut l’un des plus influents théoriciens de la couleur au vingtième siècle, Josef Albers est davantage connu pour ses séries de peintures beaucoup plus tardives intitulées "Hommage au carré" qu’il peint à partir de 1948 dans des gammes infinies de couleurs franches, posant les principes de l’art optique. Les Hommages au carré sont visibles dans les musées du monde entier.

La présentation de cette exposition est unique et d’autant plus significative qu’elle a lieu au musée départemental Matisse. L’opportunité de voir l’oeuvre de Josef Albers dans le contexte du musée a une signification particulière due au fait qu’Albers était un grand admirateur d'Henri Matisse. Il découvrit ses oeuvres pour la première fois en 1908 chez le collectionneur allemand Osthaus qui avait créé le musée Folkwang à Hagen où il exposait Les Asphodèles de Matisse, trois dessins de nus et la céramique qu’il avait commandée à Matisse pour son musée.

La filiation entre la couleur de Matisse, son traitement de la lumière et l’oeuvre de Josef Albers peut être étudiée en particulier dans les vitraux d’Albers qui précèdent les recherches qu’entreprendra Matisse avec cette technique. Il s’avère que le musée départemental Matisse vient de recevoir un vitrail de Matisse dans la donation Alice Tériade, Les Poissons chinois, qu’il expose, en outre, le monumental vitrail d’Auguste Herbin Joie et que la ville du Cateau possède le vitrail les Abeilles que Matisse installa dans une école maternelle et qui est en cours de restauration. Les conditions sont ainsi réunies pour comprendre la fascination d’Albers pour le verre en tant que matériau.

Josef Albers au Bauhaus, 1920-1933

L’exposition est la première manifestation entièrement consacrée à l’oeuvre que Josef Albers réalisa dans la célèbre école allemande du Bauhaus pendant treize années de 1920 à 1933. Après avoir été l’élève de Johannes Itten, il fut l’un des principaux professeurs du Bauhaus au côté de Paul Klee et de Wassily Kandinsky, et marqua de son enseignement des générations d’artistes. Surtout il réalisa des oeuvres, en particulier des vitraux sans plomb, faits de formes géométriques de deux ou trois couleurs, qui sont de conception résolument nouvelle et une avancée importante dans la modernité. L’exposition comprend plus de 260 oeuvres dont la presque totalité des pièces en verre soit 58 vitraux conçus pour être des « tableaux » sur un mur ou pour s’inscrire dans l’architecture que prônait le Bauhaus. L’exposition croise toutes les recherches de l’artiste qui créa des meubles, fit des photographies, inventa des typographies, conçut des gravures noires et blanches dont les rythmes annoncent l’Op art. Grâce à des photographies, il est possible de comprendre la vie au Bauhaus et son enseignement particulièrement original et inventif.

Le Manifeste du Bauhaus créé par Gropius en Allemagne à Weimar en 1919 promettait une école d’art nouvelle formule, dont les visées et l’enseignement devaient nettement se distinguer des formes traditionnelles de formation. Josef Albers entra comme étudiant au Bauhaus de Weimar en 1920. "J’avais 32 ans, écrit Albers [...] j’ai balancé tout ce vieux fatras par-dessus bord et j’ai recommencé encore une fois à zéro. C’est ce que j’ai fait de mieux de toute ma vie.". Il suit le cours préparatoire Itten qui avait lieu deux demi-journées par semaine. Il abandonne complètement le dessin et la peinture figuratifs pour utiliser des formes géométriques abstraites et travailler le verre.

Ses premiers vitraux sont faits à partir de moyens des plus rudimentaires, de débris et de récupérations de verre et de fils de fer. Il crée des assemblages colorés et lumineux très éloignés des vitraux traditionnels. "Je partais à la voirie chercher des bouteilles, les cassais. Je faisais des assemblages avec des morceaux de verre. Curieux tableaux. Personne ne voulait les exposer."

Il devient professeur trois ans plus tard et a la charge du cours préparatoire avec Moholy- Nagy. Il y reste jusqu’à la fermeture de l’école par les nazis en 1933 et son départ pour les Etats-Unis.

Dans les grandes révolutions artistiques de la première moitié du XX° siècle, l’école du Bauhaus marque l’avancée définitive de la modernité en mettant en oeuvre la synthèse des arts, l’union entre l’art et l’artisanat.

"Notre éducation artistique cherche avant tout à enseigner comment voir au sens large : ouvrir ses yeux sur son environnement et -plus important encore-, s’ouvrir à la Vie, à l’Etre, au Faire..."

Albers s’engage dans cette philosophie dès ses premiers jours d’étudiant au Bauhaus. Cette règle devient la première motivation de son oeuvre et peu après de son enseignement. Toute sa vie il s’est posé la question : "Comment animer un tableau fixe et comment accorder la réalité psychologique qui est derrière l’image avec le dynamisme qu’elle contient." Malgré les difficultés qui en découlent, il en développe le principe qui mena son travail pendant toute sa vie.

"...créons une nouvelle confrérie d’artisans... une nouvelle construction pour l’avenir qui englobera l’architecture, la sculpture et la peinture en un seul ensemble."

Albers et l’atelier du vitrail

Durant sa formation au Bauhaus, chaque étudiant intégrait un atelier de son choix et, sous la direction d’un maître du design et d’un maître d’artisanat, il recevait conjointement une formation technique et une culture artistique qui avait pour objectif de lui donner une connaissance approfondie des matériaux et une méthode de travail. Albers qui avait suivi antérieurement des études avec le maître verrier, Thorn Prikker, l’un des premier a intégré un langage purement abstrait dans ses vitraux, entra tout naturellement dans l’atelier du vitrail et travailla sous la direction de Paul Klee qui y enseigne surtout la couleur, jusqu’au moment où il fut lui-même promu maître verrier en 1923.

Il reçoit des commandes de vitraux monumentaux qui seront tous démolis pendant la guerre : vitraux pour les maisons Sommerfeld, et Otte à Berlin et pour le musée Grassi de Leipzig qui sont des assemblages de formes asymétriques ou des compositions basées sur des structures strictement géométriques et sérielles.

En parallèle, il se lance dans une production d’oeuvres en verre, d’une conception absolument nouvelle, qu’il considérait comme des peintures à accrocher au mur ou comme des éléments d’architecture à intégrer dans une construction. Il abandonne la technique traditionnelle du verre enchâssé dans du plomb ou tout autre support pour, à partir de 1925, composer des oeuvres faites de verre plaqué, constitué de plusieurs couches de couleur, dans lesquelles il découpe, à l’aide d’un gabarit et d’un jet de sable, des motifs réguliers aux contours nets et qu’il colle par fusion. Les procédés mécaniques étaient en conformité avec les principes du Bauhaus qui rejetaient les procédés de fabrication artisanale.

Albers réalisa environ 60 compositions de petit format, en contraste de verre dépoli blanc et de noir ou de rouge brillant, exceptionnellement jaune, orange ou bleu. Aujourd’hui ces oeuvres en verre sont rares et peu connues. Elles annoncent ce qu’ensuite il laissa comme enseignement ou ses célèbres tableaux Hommages au carré.

Photographies, lettrage et meubles d’Albers

Artiste complet, Albers travailla d’autre matériaux que le verre. Il réalisa de nombreuses photographies dans la nature, s’intéressant particulièrement aux rendus de matières (terre, eau, arbres, plantes), aux contrastes de lumière et à la mise en perspective. Il fit des montages de photographies avec des portraits de ses condisciples, Paul Klee, Wassily Kandinsky, Ozenfant, El Lissitzky, Schlemmer... Dans les années 20, sous l’influence du constructivisme russe et des films d’Eisenstein, apparut un nouveau style de photographie caractérisé par des perspectives extrêmes, des obliques dynamiques et une fragmentation de l’objet. Albers était intéressé par le regard technique de l’oeil froid de l’appareil photo, la mécanique de la production d’images par delà toute facture individuelle propre à un artiste. La photographie devint le média adéquat pour créer un langage imagé pour le monde moderne et donner une vision objective.

Albers travailla la gravure sur bois qui lui permet d’obtenir de forts contrastes de noir et de blanc dans des formes abstraites au dessin précis en parallèle aux effets de matières et de contrastes qu’il obtenait avec ses vitraux.

Ses créations de meubles sont encore éditées aujourd’hui, telles que ses tables gigognes, une lampe de forme cubique, son fauteuil en bois et tissus ou une étagère très simple et structurée. Ils sont conçus selon les principes prônés par Walter Gropius qui avait repris la direction de l’atelier en 1921. L’objectif est de répondre à la demande de standardisation et de production industrielle. L’étude des projets se fait à partir de l’analyse fonctionnelle : assise confortable et construction la plus simple.

Il inventa aussi un lettrage en verre aux formes géométriques basiques qui fut repris dans la publicité et pour des objets en verre comme une coupe de fruits qui associe le verre, le métal et le bois.

Professeur à l’école du Bauhaus

Professeur du cours préparatoire qui se déroulait cinq matinées par semaine, parallèlement au cours sur la forme et la théorie de Kandinsky et de Klee. Il préparait les étudiants au travail en atelier par des exercices pratiques sur les matériaux, la fabrication d’objets utilitaires des plus simples avec des moyens artisanaux élémentaires et par la visite de sites de production, et enfin les habituait à une organisation plus stricte du travail.

Il partage jusqu’en 1928 le cours préparatoire avec Moholy-Nagy puis le dirige seul. Josef Albers était fasciné par les propriétés des matériaux et par leurs possibilités une fois mises en forme comme le papier. L’exposition présente des photographies des réalisations des étudiants d’art de la classe d’Albers et quelques productions caractéristiques du découpage et de la mise en volume particulièrement spectaculaires de feuilles de papier. « La matière doit être travaillée de telle sorte qu’il n’y ait pas de déchets, écrit Josef Albers. L’économie est le principe directeur. La forme définitive découle des tensions de la matière coupée et pliée ». Il s’intéresse à l’analyse de la structure des oeuvres et à la recherche des règles qui régissent le monde de la forme et celui de la couleur.

Après 1933, les Etats-Unis

Josef Albers fut l’un des enseignants qui resta le plus longtemps au Bauhaus (1920-1933) qu’il fut obligé de quitter à sa fermeture par les nazis pour trouver refuge aux Etats-Unis et fuir la persécution contre les juifs. Albers et sa femme Anni Albers enseignèrent alors au Black Mountain College en Caroline du Nord de 1933 à 1949 où ils devinrent des éléments majeurs de l’expérimentation de ce collège voué à l’enseignement artistique. En 1950, les Albers, déménagèrent dans le Connecticut où Josef avait été nommé à la chaire du Département de design à la Yale University, fonction qu’il conserva jusqu’en 1958.

Josef Albers est aussi le premier artiste vivant aux Etats-Unis à avoir eu une rétrospective de son oeuvre au Metropolitan Museum de New York en 1971.



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