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Trônes en majesté

Château de Versailles

Exposition jusqu'au 19 juin 2011




Salon de Mercure


À l’exception d’Hercule, symbolisant la force triomphante, debout sur son char tiré par des putti, toutes les divinités du Parnasse sont représentées assises, comme on le voit dans la grande scène d’apothéose peinte par François Lemoine sur le plafond du Salon d’Hercule à Versailles, où s’ouvre cette exposition.

Tout comme les souverains temporels auxquels elles transmettent la légitimité et l’autorité, les divinités et leurs émanations sont habituellement figurées dans la position assise, et ceci de tous les temps et sous tous les cieux ; des divinités nippones séjournant au sommet du mont Fuji, au dieu aztèque de la pluie : Tlaloc. La forme et la nature de leurs sièges s’adaptent au gré du temps et des cultures.

Le monothéisme a, lui aussi, eu recours à l’usage universel du trône. Dans la Bible, Dieu est assis sur un trône. Curieusement, le Coran fixe, pour sa part, le théâtre de la majesté divine et son siège sur les eaux, sans doute en référence à un verset de la Genèse (« l’Esprit planait sur les eaux »). Quant à Jésus, enseignant ou bénissant, il est lui aussi souvent représenté assis, même au milieu des outrages dont il est victime durant la Passion.

  • Statue d’ancêtre, adu zatua

    Ce personnage de haut rang assis sur un siège tient dans ses mains une coupe d’offrandes. Il arbore les attributs que lui confère son rang élevé : un collier torsadé (nifatali), un pendant d’oreille réservé aux hommes et un bracelet (töla gasa) initialement sculpté dans un coquillage géant. La bouche, encadrée d’une fine moustache, la présence d’une barbe, incisée de rayures parallèles, témoignent d’un souci de réalisme dans l’exécution. Les arcades sourcilières s’achèvent avec l’amorce d’une volute, que l’on retrouve sur l’oreille au tragus et à l’hélix stylisés. Le modelé du corps rond est harmonieux et la différence de ton entre la patine du corps et celle du bas ventre laisse penser que la taille était ceinte d’une étoffe. La couronne « arbre de vie », à décor de fougères, s’élève au-dessus d’un bandeau de cabochons en pointe de diamant et lui confère un élan vital dynamique. Les chefs du nord de l’île de Nias, en Indonésie, portaient ce type de couronne en tissu tendu sur une armature végétale bordée de feuilles d’or ciselées.

    Une fois la sculpture achevée, l’adu zatua était consacré par les prêtres, au cours d’un rituel durant lequel la figurine, placée près d’une fenêtre, était reliée par des anneaux de palmes à un monument de pierre dressé devant la maison. Elles étaient destinées à accueillir l’âme du défunt et à lui redonner vie. Des rites appropriés étaient destinés aux adu zatua, comportant des sacrifices d’animaux et des offrandes, en contrepartie desquels leur bienveillance et leur protection étaient sollicitées. La présence de ces statuettes dans les maisons visait à maintenir un lien étroit entre le monde des vivants et celui des défunts.

  • Statuette votive du dieu Somtous

    Cette statuette votive, exceptionnelle par sa taille et la qualité de la fonte, représente le dieu Somtous, nom hellénisé du dieu Sema-taouy « Celui qui réunit les deux terres ». Somtous, représenté nu, le bras gauche le long du corps et portant la main droite à la bouche, faisait partie des quelques dieux-enfants du panthéon égyptien avec, par exemple, Harpocrate ou Harsomtous. Dieu d’Hérakléopolis, capitale du royaume de Haute Egypte, il était vénéré localement au sein d’une triade constituée par lui-même et ses parents : le dieu bélier Hérychef (son père) et la déesse Hathor (sa mère). à l’époque grecque, il était assimilé à Héraclès, héros et demi-dieu grec - d’où l’origine du nom de la ville - ce qui dans l’iconographie se traduisait par la présence d’une massue dans sa main, symbole de sa grande force.

    Somtous a deux aspects fondamentaux. Le premier, solaire, se devine dans les représentations le montrant assis sur un lotus, rappelant le jeune soleil en train de naître. Le second aspect est plutôt royal : la seule lecture de son nom suffit à le démontrer. Ici, ce caractère de souveraineté est renforcé par les attributs royaux. Le dieu porte le némès, la coiffe emblématique des pharaons, et la couronne hemhem, triple couronne atef attribuée aux rois défunts ou aux dieux-enfants. Une mèche de cheveux en dépasse, symbole de l’enfance. Enfin, Somtous est représenté assis sur un trône, indépendant de la statuette, présentant des pieds en forme de lions, dont les queues rejoignent le sommet du haut dossier. Ils sont réunis à l’arrière par un fourré de trois papyrus, probablement en rapport avec les marais de Chemnis.

    La base sur laquelle reposent les pieds de l’enfant est gravée d’une inscription hiéroglyphique : « Sema-taouy donne la vie à Tcha-Hapi-nefer, fils de Nakht-heneb ». Le trône porte la même dédicace que la statuette, ce qui prouve que des deux pièces appartiennent bien au même groupe.

  • Bouddha assis

    Ce Bouddha vêtu d’un manteau de moine jeté sur les deux épaules, est assis sur un trône hexagonal, lui-même posé sur un socle ajouré de même forme. Sa main droite est en abhayamudrâ, sa main gauche en bhûmisparsamudrâ. Il est représenté devant une auréole en forme de mandorle. En haut, parmi les nuages, on trouve cinq apsara volant. à droite et à gauche, les montants sont composés de bas en haut, d’une colonnette, d’un personnage aux bras levés, d’un quadrupède dressé (cheval et bélier) et d’une tête de makara. Le fond est orné de quatre rosaces. Au-dessus de la tête du Bouddha, figure la triade dhyani-buddha sur des lotus hissés sur des tiges.

  • Christ en majesté dit de Rausa

    À la représentation frontale de la Majesté romane est associée, dans cette oeuvre, une douceur des traits qui évoque les premiers accents du gothique dans l’ancien diocèse de Liège. D’une grande qualité, elle occupe une place importante dans l’histoire de la sculpture de cette région. L’effigie s’inscrit dans la tradition iconographique de la Majestas Domini présente dès le Xe siècle, notamment dans les ivoires, la miniature et la sculpture sur pierre de la vallée mosane. La silhouette, en particulier l’étroitesse des épaules, est encore tributaire des contraintes formelles qu’imposait alors autour du personnage la présence d’une mandorle fusiforme. L’effigie strictement frontale est marquée par un allongement du tronc ainsi que par l’importance accordée à la main bénissante. L’esquisse d’un sourire participe à l’humanisation du visage. Les yeux, pleins de vie, sont constitués de petites billes de verre rapportées. Le calamistrage de la barbe n’est pas sans rappeler la sculpture antique. S’il évoque encore dans ses grandes lignes les modèles romans, le drapé offre, cependant, une recherche de naturalisme qui l’inscrit résolument dans l’esthétique du gothique. En l’occurrence, le Christ en majesté ne montre plus une représentation de la justice divine : l’artiste donne ici l’image de Son humanité et, à travers celle-ci, de Sa clémence.

    Selon une tradition assez fondée, l’oeuvre proviendrait de l’ancienne chapelle de Rausa à Ombret, petite localité située entre Liège et Huy. Elle lui aurait été offerte vers 1770 par les chanoines de la collégiale d’Amay, dont elle dépendait. À cette date, ils entreprenaient un important chantier de modernisation de leur église, qui les amena à se débarrasser du mobilier. L’édifice, dédié à sainte Ode, abritait ses reliques dans une grande châsse, qui contrairement à la plupart de ses semblables de production mosane, ne présentait ni le Christ ni la Vierge en majesté sur ses pignons. Il ne serait dès lors pas exclu que la statue ait été conçue pour prendre place, dans cette église, comme élément iconographique associé au reliquaire. La polychromie originale, dont ne subsistent malheureusement que quelques traces, se composait d’or pour la robe et le manteau, de tons carnés pour les chairs, de noir pour la barbe, la chevelure et le siège. Une fissure accidentelle, mais déjà ancienne, traverse le visage.

  • Bodhisattva Guanyin

    Cette divinité est l’une des plus vénérées en Extrême-Orient. Bodhisattva protéiforme et syncrétique, il aide les êtres à atteindre l’illumination, incarnant la compassion ultime. Il porte l’image d’Amitabha dans sa coiffure et est fréquemment entouré de divers attributs : une fleur de lotus, une branche de saule, des pêches d’immortalité, un rosaire, un vase à eau lustrale, ou encore un jeune enfant. Dénommé Avalokiteshvara en sanscrit, littéralement « Seigneur qui observe depuis le haut », il est représenté sous une forme masculine dans l’Inde bouddhique mais revêt en Chine à partir des Song (960-1278) un aspect féminin.

    C’est sous cette apparence que l’icône est ici figurée, assise et méditant dans une grotte posée sur un socle ouvragé. Cette assise en surélévation souligne son caractère sacré, tandis que les anfractuosités rocheuses accentuent son mystère. Le visage nu est serein, coiffé d’un diadème. Les mains fines et élégantes ont été laissées en biscuit alors que les vêtements ainsi que les parures ont été nappés de glaçures polychromes. Ce revêtement d’origine alcaline remonte aux Tang (618-907). Il est appliqué sur un corps réfractaire et coloré, à l’aide d’oxydes, le jaune provenant du fer, le vert du cuivre, le violet du manganèse, le bleu du cobalt. Cette technique particulièrement appréciée sous les Ming servait à réaliser à la fois des poteries d’architecture et des objets plus raffinés utilisant du kaolin. La plupart des ateliers de production étaient situés dans la province septentrionale du Shanxi et furent actifs pendant plusieurs siècles. Les plus belles pièces ont été exécutées au cours de la première moitié des Ming. Elles se caractérisent à la fois par la vigueur de leur modelé et la luminosité de leurs couleurs, des critères particulièrement aboutis sur cette Guanyin du musée Guimet.

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