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Rodin, le plaisir infini du dessin |
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Musée départemental Matisse, Le Cateau-CambrésisExposition du 13 mars au 13 juin 2011Rodin, sculpteur immense qui révolutionna le genre, dessina toute sa vie. Pendant ses vingt dernières années, il multiplia les dessins de nus féminins, sensuels et souvent érotiques, déchargeant son émotion comme le fera ensuite Matisse. Autant la sculpture de Rodin semble comme arrachée à la glaise, qu'il violente, malmène, tourmente pour en extraire le plus d'expressivité possible, autant ses dessins, aériens, sont exécutés rapidement, du bout de la plume ou du pinceau. D'abord inspiré par de grandes oeuvres poétiques telles L'Enfer de Dante ou Les Fleurs du Mal de Baudelaire - choisies aussi par Matisse -, Rodin dépouille progressivement son dessin de toute référence littéraire, comme il dénude peu à peu ses modèles. Parmi ces dessins, le musée Matisse a choisi de présenter les nus féminins, souvent voluptueux, que le poète allemand Rainer Maria Rilke citait comme le « point extrême » de l'oeuvre du sculpteur. Les modèles entrent en mouvement, dansent, tournent et s’élancent pendant que Rodin les capte, d’abord sans regarder sa feuille puis les retravaille, multiplie les traits, découpe les formes ou les revêt d’aquarelle. Les dessins sont présentés par séquences autour des huit sculptures Mouvements de danse, faisant jouer le regard du plan au volume, multipliant ainsi l’acuité et l’intensité de la perception du spectateur. Après le musée Matisse de Nice en 2009, c’est au musée départemental Matisse du Cateau-Cambrésis, qui possède l’exceptionnelle collection de dessins de Matisse donnée par l’artiste à sa ville natale, que le musée Rodin a accepté de prêter soixante-six dessins dont vingt deux sont inédits et neuf sculptures - mouvements de danses rarement montrés - et la célèbre sculpture Nijinski, le danseur admiré par Rodin, emblème de la danse au début du siècle. Cet ensemble est accompagné de photographies et de films sur la décomposition de mouvements de modèles féminins et de danseuses comme Loïe Fuller et Isadora Duncan, et de documents sur Rodin.
Pour la première fois, les propos et écrits de Rodin sur son dessin accompagneront
les oeuvres dans une mise en scène qui permettra aux visiteurs de comprendre la
démarche de l’artiste et d’entrer dans son monde onirique et poétique.
Rodin connaît sa plus grande période de dessin entre 1896 et 1914. Journellement, un ou plusieurs modèles nus, homme ou femme, entrent en mouvement, dansent, évoluent, devant lui pendant qu’il les dessine. Ils ne posent alors jamais statiquement, immobiles, soumis aux ordres de l’artiste. L’un des soucis de Rodin était de travailler « d’après nature » « Je prends sur le vif des mouvements que j’observe, mais ce n’est pas moi qui les impose […]. Je garde dans ma mémoire l’ensemble de la pose et je demande sans cesse au modèle de se conformer à mon souvenir. » (Gsell 1967, p. 16-17). A partir de l’été 1896, Rodin travaille le dessin selon une pratique tout à fait contraire aux habitudes traditionnelles du dessin d’après modèle. Pour aller au plus profond de la vérité, il part d’un dessin de premier jet. Il s’installe face à son modèle qu’il regarde sans le quitter des yeux. Il suit ses mouvements. Tout à coup, le geste, ou la position du corps l’intéresse et il jette sur son papier ce qu’il voit. Il ne regarde pas sa main qui dessine. Il multiplie les traits pour capter le mouvement et le volume, saisir la forme changeante, prendre l’invisible du trait en mouvement, la forme qui pivote, qui s’éloigne ou grossit, qui bascule en arrière ou tourne sur elle-même. Il acquiert ainsi une dextérité qui lui permet de saisir au vol la grâce d’une attitude, ce que résume G. Geffroy : « Ce qu’il y a dans ces dessins, c’est la nature surprise, ai-je dit, et c’est Rodin au travail (...) Il se saisit alors du papier et du crayon, et d’un coup, d’une seule arabesque, il tâche de signifier la forme qu’il a devant les yeux. Ses dessins actuels sont faits de ces lignes générales qu’il se soucie peu, en vérité, de plier à représenter des détails. Il a autre chose en tête, il poursuit un autre but : il veut représenter le volume principal d’une figure. Il veut des détails l’enclore en un trait représentatif ». Dans ces séquences, en demandant à ses modèles d’évoluer en toute liberté dans l’atelier, Rodin qui a acquis une connaissance approfondie du corps humain, arrive à capter l’âme par la succession des profils. L’estompe rappelle que le sculpteur n’est jamais loin, exagérant le trait pour donner de l’ampleur et obtenir plus de vie. Gsell écrit de Rodin en 1918 : ...la sculpture ne lui suffisait pas pour exprimer le mouvement. Il lui fallait un procédé plus rapide. Avec une vélocité prodigieuse, il enregistra dans des milliers de dessins des attitudes passagères... Les dessins de Rodin traduisent cette exceptionnelle capacité de l’artiste à saisir et rendre le mouvement, mais aussi à traduire la vie et l’âme du modèle.
Ses dessins de nus sont la traduction la plus directe de sa recherche de volupté. « Mes modèles sont ceux de tout le monde. C’est la femme nue comme on la voit dans tous les ateliers, y compris celui de M. Forain. D’après cette femme nue, je cherche la vie et le mouvement ; j’essaie de traduire la souplesse du corps humain et, bien arriérés sont ceux qui voient des obscénités dans mes productions. » Dans ses dessins érotiques, Rodin atteint « le point extrême » selon Rilke, mais Rodin se défendait de toute volonté licencieuse, il ne tendait qu’à célébrer l’éternel féminin. « Quelquefois, il fait prendre à ses modèles des poses extraordinaires pour en tirer quelques documents, des instantanés, des aspects dont il s’instruira. Il conserve ainsi des centaines d’amantes aux torses tordus, aux jambes allongées ou repliées, aux ventres gras, aux croupes larges... » (Léon Riotor)
Un dessin esquissé n’est que le premier temps qui sera suivi d’un long travail de reprise. « Mes dessins sont des éclairs de pensée ». Avec une main devenue très sûre, Rodin redessine ses modèles par des lignes nettes, pures, les rehaussant par l’aquarelle pour en souligner la vie. L’artiste le décalque par transparence, ce qui lui permet de passer à un dessin synthétique pour arriver à une ligne continue. Il dessine alors d’après un dessin et non d’après le modèle. Il considère que son oeuvre n’est jamais achevée et la reprend inlassablement puis la surcharge d’un lavis d’aquarelle qui finit par cacher le dessin d’origine. « Sa grande préoccupation en ce moment est de conserver et même d’amplifier l’impression de vie qu’il a obtenue par le croquis direct. » (Clément Janin)
Pour certaines feuilles, le processus évolue pour donner une nouvelle vie jusqu’au découpage et au collage. Il commence un dessin sur un petit bout de papier, le découpe, le colle sur une autre feuille et prolonge son dessin. Il choisit aussi de faire une réplique de ce premier dessin ou de le découper directement. Avec un autre dessin découpé, il crée un assemblage ou réalise une composition. Il assemble, bascule la figure de verticale à horizontale puis, quelquefois, la redessine ou en fait une nouvelle aquarelle. Déjà quand il était étudiant, il découpait ses dessins dont il remplissait des carnets et les collait dans des albums. Ainsi, vers 1880, pour la Porte de l’Enfer, pendant un an, ses dessins appelés des « noirs », faits avec une plume et de l’encre, vont donner naissance à des formes qui semblent noyées dans des brumes plus ou moins épaisses des lavis d’encre. Les thèmes de la couleur, les découpages et assemblages sont éminemment communs à Rodin et Matisse. Rodin se sert de la couleur dans ses dessins pour traduire la vie, pour appuyer la liberté d’un mouvement.
Rodin voit le spectacle de la troupe de danseuses cambodgiennes du roi Sisowath 1er au théâtre de verdure du Pré-Catelan à Paris, le 10 juillet 1906. Fasciné, il les suit à l’Exposition coloniale de Marseille tellement le charme des danseuses l’a impressionné et réalise une série d'aquarelles d'après elles. « Je les ai contemplées en extase...Quel vide elles m’ont laissé ! Quand elles partirent, je fus dans l’ombre et le froid, je crus qu’elles emportaient la beauté du monde...Je les suivis à Marseille ; je les aurais suivies jusqu’au Caire ! ». La découverte des Cambodgiennes et de leurs danses constitua pour Rodin une révélation qu’il traduisit par une série de dessins extraordinaires de grâce. « Qui a vu danser les Javanaises et les Cambodgiennes, comprend pourquoi les Orientaux nous appellent Barbares. Nos danses sont pleines de défaillance ; les leurs sont ordonnées comme des architectures : les lois mathématiques les gouvernent. Quelle profonde émotion dans les danses des petites Javanaises ! Tout ce qui est grâce chez les Japonaises, est grandeur chez elles. Ce sont des figures de marbre, conçues par Michel- Ange, qui dansent. Les genoux pliés se relèvent en des rythmes extraordinaires. Lorsque j’ai voulu les dessiner, j’ai vu qu’en ajoutant à leurs mains une statuette ou une couronne, on avait l’image parfaite de quelque Victoire, inconnue et toujours nouvelle. »
« Pendant ma jeunesse, en voyant nos ballets d’Opéra, je ne comprenais point comment les Grecs avaient pu placer la danse au-dessus de tout ; je l’ai compris en voyant les danses des Orientaux. Le corps qui danse peut, avec des mouvements, exprimer plus que ne le peut la parole. Et la Danse, qui a toujours été chez nous un apanage érotique, tend enfin de nos jours à devenir digne des autres arts, qu’elle résume. En cela, comme en d’autres manifestations de l’esprit moderne, c’est à la femme que nous devons le renouveau. » (Rainer Maria Rilke, (secrétaire de Rodin, de septembre 1905 à Mai 1906) « Lettre à Clara Rilke », 15 octobre 1907, Correspondance, Editions du Seuil, 1976, p.109-110.) Et à ses élèves, Rodin précise : « Souvenez-vous de ceci : il n’y a pas de traits, il n’y a que des volumes. Quand vous dessinez, ne vous préoccupez jamais du contour, mais du relief. C’est le relief qui régit le contour. » (Gsell, Auguste Rodin, L’art, Testament, édition 1911, réédition 2008, p. 161)
« L’art n’existe pas sans la vie (...) Or l’illusion de la vie s’obtient (...) par le bon modelé et par le mouvement. » Dans un chapitre intitulé «Le Dessin et la couleur», Gsell remarque : « Plus récemment encore (donc vers 1910 ?), Rodin continuant à faire usage du crayon, a cessé de modeler avec le pinceau. Il s’est contenté d’indiquer l’ombre en estompant avec le doigt les traits du contour. Ce frottis gris argenté enveloppe les formes comme d’un nuage : il les rend plus légères et comme irréelles : il les baigne de poésie et de mystère. Ce sont ces dernières études qui, je crois, sont les plus belles. »
L’initiative de cette exposition revient à Dominique Viéville, Directeur du musée Rodin, qui proposa de l’organiser
à partir des collections de dessins du musée Rodin.
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