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Jean-Michel Alberola |
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La Bibliothèque nationale de France organise la première exposition de l’oeuvre imprimé (1) de Jean-Michel Alberola. Présentant près de 150 pièces, estampes et livres, issues du département des Estampes et de la photographie et de la Réserve des livres rares, l'exposition de la BNF illustre la diversité du travail de Jean-Michel Alberola. "Le socle de cette exposition repose sur nos collections, enrichies régulièrement grâce au dépôt légal des éditeurs de Jean-Michel Alberola et à la générosité de l’artiste qui a procédé à un don important à cette occasion" déclare le président de la Bibliothèque nationale de France, Bruno Racine.
Peintures, dessins, films, photographies, objets et installations, l’oeuvre d'Alberola forme un ensemble composite. L'artiste manifeste dans ses créations son intention de bousculer les consciences, de tordre le cou aux images prêtes à consommer, aux mots prêts à penser et de faire ainsi émerger un sens caché. Outre une prédilection pour l’édition sous toutes ses formes (estampes, livres, cartes postales, tracts, affiches...) Jean-Michel Alberola affirme un goût prononcé pour la formule à décrypter ("Devenir grain de sable"), ou pour la citation pastichée ("La pauvreté est une idée neuve en Europe"). La lecture d’un texte, une peinture découverte dans un musée, une image trouvée dans une brocante sont les matériaux de créations qui explorent les infinies possibilités de l’association, de l’interprétation et du jeu des mots avec les images. Puisant son inspiration dans l’histoire de l’art, Alberola revendique aussi la double filiation de Marcel Duchamp et de Marcel Broodthaers.
Les estampes d'Alberola sont de nature très diverse. Il s’opère, dès le début, un partage entre les éditions réalisées au moyen de techniques de reproduction photomécanique et ses oeuvres en lithographie ou en taille-douce proches des dessins et des peintures. Avec le temps, ces deux orientations tendent à se fondre. Les premières éditions, datant du début des années 80, sont à compte d’auteur. A la même époque, Alberola rencontre Patrice Forest avec lequel il continue de travailler régulièrement pour le compte des éditions Item à Paris. En 1990, sollicité par Eric Linard, Jean Michel Alberola commence à pratiquer la sérigraphie par laquelle il retravaille des photographies. En 1991, commence sa collaboration avec Piero Crommelynck : dans son atelier, Alberola éxécute des gravures sur le thème du Repas des paysans des frères Le Nain qu’il décline en plusieurs planches et de la crucifixion qu’il aborde au même moment dans ses dessins.
Dès le début, l’estampe est envisagée par Jean Michel Alberola comme un moyen de diffuser et de faire circuler ses oeuvres, en raison du moindre coût des multiples par rapport aux peintures : "J’ai compris, dès mes premières lithos, que cela [les éditions] me permettrait de toucher plus de monde". Pour Jean Michel Alberola les éditions (estampes, livres, ephemera) sont "la seule activité permanente, noble, élégante et démocratique".
Si Alberola aborde la lithographie en 1981 à la demande de son marchand Daniel Templon qui l'envoie travailler chez Mourlot, c'est son passage à l'URDLA de Lyon qui lui fait découvrir les possibilités plastiques de cette technique proche de la peinture. C'est également à cette époque que Jean Michel Alberola rencontre Patrice Forest avec qui il continue à travailler dans le cadre des éditions Item que celui-ci dirige à Paris.
Les premières lithographies que réalise Jean-Michel Alberola dans les années 80 se situent dans le prolongement de sa peinture : on y retrouve des thématiques similiares, inspirées par l'histoire de l'art. Cette référence à l'art classique différencie Jean-Michel Alberola des artistes de la figuration libre avec lesquels on l'assimile parfois, artistes qui puisent leur inspiration dans la culture populaire véhiculée par les médias. Alberola pose comme socle de son oeuvre deux thèmes classiques, Suzanne et les vieillards et le mythe d'Acteon. Parmi ses premières lithographies, "Remake I" est une interprétation du tableau "Suzanne et les vieillards" de Véronèse.
"J'ai eu vraiment le sentiment, à la fin des années 1980, avec ma peinture mi abstraite mi figurative, que je venais après tout le monde. Je venais après les vénitiens, Cézanne, Matisse ... Je me suis dit qu'il fallait les remercier par le dessin, la peinture, l'estampe, même en les citant. Je n'apparais pas comme une génération spontanée dont on ne connaît pas l'origine. [...] Depuis 1983, je n'ai jamais perdu cette idée de citation. Je suis le dernier après tout le monde. Il y a un monde incroyable avant moi qui a fait des choses beaucoup plus éclatantes. Je fais des choses avec ce que j'ai. Je suis un peu dans les restes."
Cette référence à l'art classique est également très présente dans les tailles-douces de Jean-Michel Alberola. Les gravures réalisées dans l'atelier de Piero Crommelynck qu'il fréquente à partir de 1991, dans des gammes de noir-blanc-gris, sont de facture assez classique et s'inscrivent dans ses recherches plastiques du moment. Alberola y aborde le thème de la crucifixion, thème qu'il traite également dans ses dessins.
"La crucifixion est donc apparue par rapport à ce que je vivais à l'époque. J'ai commencé à faire un, puis deux, trois, dix, quinze dessins et je me suis soudain aperèu que c'était toujours la même histoire qui revenait. Ce n'était pas moi qui tenais le sujet mais lui qui me tenait. A partir de ce moment-là, cela devient vraiment intéressant mais c'est aussi plus difficile à vivre parce qu'on ne pense plus qu'à cela. On ne peut plus penser un tableau en dehors de ce sujet. Alors, bien sûr, les petits dessins ont aussi fonction d'exutoire. Les grands dessins sont venus après les petits, quand j'ai commencé à travailler sur la commande qui m'avait été faite pour l'illustration d'un évangéliaire et que, pour éviter d'aborder la crucifixion en tant que telle, j'abordais les instruments de la Passion. En tout cas, j'ai réalisé que c'était moi qui étais dans la demande d'un tel sujet. Je ne suis pas allé contre. Je ne vais jamais contre les sujets qui s'imposent à moi."
Le Christ aux outrages est le thème central de l'ouvrage intitulé "Avec la main gauche" : Piero Crommelynck avait, avec son frère Aldo, imprimé les dernières gravures de Picasso. Pour se libérer de la mémoire de Picasso qui plane dans l'atelier Crommelynck, Jean-Michel Alberola entreprend une série de gravures sur le thème du Christ aux outrages associées à des jurons espagnols qu'il adresse au maître. Alberola travaille aussi sur le tableau du "Repas des paysans" des frères Le Nain, qu'il décline en plusieurs planches et rebaptise "Frères Lénine."
Alberola aborde la sérigraphie en 1990, suite à l'invitation d'Eric Linard. Il reprend alors, dans des oeuvres comme "Sils Maria" en référence à Nietzsche ou "Une autarcie autoritaire", des photographies sur lesquelles il appose des couleurs, réalisant des planches de grandes dimensions.
Parallèlement, dès les années 80, Alberola réalise des multiples en offset et en typographie, revendiquant la filiation de Marcel Broodthaers et de Robert Filliou. Son travail dans ce domaine relève du jeu : il détourne des images ou des textes en en proposant une interprétation personnelle. Alberola reprend aussi des textes à son compte, citant notamment Kant, Hegel, Hemingway ou La Boétie.
La séparation entre les multiples d'une part et les estampes proches des dessins et des peintures de l'autre tend à disparaître avec le temps. La lithographie devient la technique dominante du travail de Jean-Michel Alberola à partir des années 1990 : elle lui permet de réaliser aussi bien des oeuvres très picturales, que des planches relevant plus de l'affiche, du placard ou encore des cartes postales.
Contrairement à la peinture et au dessin, Alberola pratique l'estampe de manière continue, cette forme de création étant en conformité avec sa conception de l'art. En effet, si l'artiste dénonce la société de consommation par le biais d'oeuvres inaccessibles au plus grand nombre, son message n'a pas de sens. L'édition, en raison de son moindre coût, permet de toucher un public plus large que le cercle restreint des collectionneurs de peintures. Alberola crée des multiples dans cette optique.
"[L'édition] est la seule chose qui soit permanente, car l'idée de l'édition est assez noble, élégante et démocratique. J'ai fait un petit tableau pour une exposition chez Daniel Templon sur lequel il est inscrit : "suis un objet visible de votre puissance d'achat". Le tableau s'est vendu à l'époque 20.000 francs et j'ai fait une édition de la reproduction du tableau à 50 exemplaires qui a été vendue 50 fois moins cher que le tableau lui-même: c'est la pièce la plus explicative sur cette question économico-politique."
Par les estampes, Alberola tente d'éveiller la conscience du spectateur. Telle est la fonction des phrases énigmatiques que l'on trouve aussi bien dans ses murs peints que dans ses éditions, Devenir chien d'aveugle, Devenir grain de sable, Eclairage en groupe : "Ce sont des phrases qui demandent aux gens d'être moins aliénés qu'ils ne le sont. Ils sont toujours aliénés, moi-même je le suis, mais je le suis un peu moins que d'autres. C'est parce que je suis dans la luxueuse position de l'artiste qui peut se lever à 11 heures du matin sans aller pointer. Beaucoup de personnes sont aliénées. Comment quitter cette aliénation. Toutes ces phrases tournent autour de cela : comment quitter cette position d'aliénation, comment réagir, comment avoir de la mémoire, ne pas se laisser faire. Ce sont des indications. Je pose des questions morales. Je suis un peu moraliste."
La lithographie permet également à Alberola de pérenniser ses murs peints qui sont éphémères. Les 11 planches intitulées" The little utopian house" (La petite maison utopique) sont en lien avec un projet réalisé au Japon pour la Triennale d'Etchigo-Tsumari de 2003 : il s'agit d'une construction ornée de fresques destinée à abriter la salle de réunion du village de Matsuda´, au nord-ouest de Tokyo, en pleine montagne. Toutes les phrases d'Alberola ont été traduites en japonais. Deux ha´kus complètent l'ensemble. Ici, les lithographies ont précédé la réalisation des fresques, contrairement à l'habitude d'Alberola qui conèoit les éditions comme le prolongement des murs peints. Jean Michel Alberola n'établit pas de hiérarchie entre ses éditions : une estampe créée au moyen de techniques traditionnelles a la même valeur, à ses yeux, qu'une carte postale réalisée en offset. De même, ses catalogues d'exposition dont il réalise toujours la maquette, deviennent de véritables livres d'artistes.
(1) oeuvre (nom masculin) : ensemble des ouvrages d'un artiste. Il n’y a pas de faute d’orthographe, on parle ici d’un oeuvre gravé et non pas d’une oeuvre gravée.