Nicolas Rubinstein
Des souris et des os

Pourquoi s’attaquer à Mickey ? Parce que le but réel n’est pas la traque mais une observation où le modèle est aussi un sujet de laboratoire. Mickey n’est pas encore tombé exactement dans les pièges d’un laboratoire scientifique, mais le labyrinthe et la dissection le guettent.

Après avoir soumis Mickey à des épreuves dessinées qui ne correspondent en rien aux années cinquante, l’artiste est devenu en quelque sorte le redresseur de torts des illusions de son enfance. Il est vrai que confronter cet idéal moral, réduit à la forme d’une souris par le plus moraliste des cinéastes, avec la réalité la plus grossière, celle qui colportait la peste et qui hante maintenant nos sous-sols, a comme une dimension fantastique. Une allure de « Docteur Mickey et Mister Rat », tant il est injuste et insoutenable que tant de noirceur puissent être issu de tant de rondeur. La série de dessins où la bestiole disneyenne se fait sodomiser par un rat fantôme, entre squelette et vivant, est envisageable comme un passeport pour sortir de l’enfance, pour arrêter avec ce que la littérature populaire, et surtout la bande dessinée des années cinquante et soixante, pouvait avoir de protecteur et de modélisant. Que sait-on de tous les avatars de Mickey engendrés par trois-quarts de siècle d’art contemporain, chez Ronald Searle, Andy Warhol, Bertrand Lavier, Bernard Rancillac ou Sherry Levine ? Il y aurait une surprenante encyclopédie à faire avec pastiches, hommages, détournements et blasphèmes. Il se trouve que les travaux réunis ici par Nicolas Rubinstein tiennent un peu de tout cela.

Des souris et des rats ? Non, des souris et des os. Parce que la principale obsession de ce drôle d’animal qu’est Nicolas Rubinstein n’est pas, contre toute attente, le personnage de Mickey mais plutôt ce que l’on appelle l’ostéologie, l’exposition présente aux côtés de ses railleries et digressions fantasques autour du personnage disneyen, une production qui s’attaque et dissèque mythe et symbole moderne. Du Golden Bridge au Balloon Dog de Koons, vous allez forcément tomber sur un os !