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peinture

Monet et l’abstraction

Musée Marmottan Monet, Paris

Exposition du 17 juin au 26 septembre 2010




L’héritage de Claude Monet continue de susciter de nouveaux rapprochements : son influence auprès des peintres abstraits de la seconde moitié du vingtième siècle, est, depuis quelques années, l’objet de nombreuses recherches. Interrogeant cette filiation moderniste, l’exposition présentée par le Musée Marmottan Monet se propose de mettre en regard, à travers un éclairant face à face, quelque 44 tableaux impressionnistes et abstraits provenant pour la plupart des collections conjointes du musée Marmottan Monet et de la fondation Thyssen-Bornemisza.

En rompant avec les modèles du passé, l’impressionnisme a ouvert la voie de la dissidence. Une brèche que les artistes expressionnistes américains n’auront de cesse d’agrandir, tout comme les informalistes européens. L’idée s’impose d’une autonomie de l’art dont les formes et les buts n’ont d’autres référents que le langage qu’il crée. Le sujet de la peinture, ce n’est plus la représentation mais la peinture elle-même dans sa matérialité, la toile, la touche, la couleur.

Jacques Taddei, directeur du musée Marmottan Monet et Paloma Alarcó, directrice du département des peintures du musée Thyssen, sont les commissaires de cette exposition qui révèle l’influence cruciale de Monet à travers l’interprétation qu’en ont fait certains peintres abstraits, notamment américains.

Parcours de l’exposition

  • Brumes et variations

    Depuis la fenêtre de sa chambre de l’hôtel Savoy à Londres, dans laquelle Monet passait ses hivers de 1899 à 1901, il réalisa plusieurs toiles, s’intéressant tout particulièrement à la lumière, différente selon les heures de la journée. Ces toiles, retravaillées par la suite dans son atelier de Giverny, font de la lumière, et de l’atmosphère embrumée qui se dégageait de la Tamise, un motif de choix pour le peintre : il y montre la subtilité vaporeuse des paysages urbains plongés dans la brume londonienne. Pour Richter, chaque représentation du réel n’en est qu’une simple interprétation, par conséquent subjective... réalité qu’il révèle dans toute son immatérialité, à travers ses "toiles abstraites", sans référent.

  • Effets de lumière

    Les couchers de soleil de Monet témoignent de son attirance pour la représentation éphémère et changeante des reflets de la lumière crépusculaire sur la surface picturale. La façon dont Monet transforme les rythmes de la nature en l’expression de ses propres sentiments, grâce à une technique fluide et libre permettant à l’étude de la couleur d’acquérir le rôle principal, anticipe les abstractions chromatiques d’artistes ultérieurs tels que Rothko, Hofmann, Kandinsky, Gottlieb ou encore Vicente.

    - Monet / Kandinsky

    "Découvrant la peinture de Monet à Moscou en 1895 à l’occasion d’une exposition de peinture française, Kandinsky tombe en arrêt devant une toile de la série des Meules. La surprise se veut totale : «[...] je remarquai avec étonnement et trouble que le tableau non seulement vous empoignait mais encore imprimait à la conscience une marque indélébile, et qu’aux moments toujours les plus inattendus, on le voyait avec ses moindres détails, flotter devant ses yeux. Tout ceci étant confus pour moi et je fus incapable de tirer les conclusions élémentaires de cette expérience. Mais ce qui m’était parfaitement clair, c’était la puissance insoupçonnée de la palette qui m’avait jusque-là été cachée et qui allait au-delà de tous mes rêves. La peinture en reçut une force et un éclat fabuleux. Mais inconsciemment aussi, l’objet en tant qu’élément indispensable au tableau en fut discrédité.» Michel Draguet, "Monet aux origines de l’abstraction", in Monet et l’abstraction, catalogue officiel de l’exposition, éd. Hazan

    - Monet / Rothko

    "[...] chez Rothko, la nature se nappe dans son devenir-peinture, et [...] ses vastes panneaux ne font plus de détail. L’élémentaire s’incarne dans une réduction chromatique où l’état personnel (l’âme) de l’artiste se voile dans l’état du monde." Thierry Dufrêne, "Monet et l’impressionnisme-abstrait des années 1950-1960", in Monet et l’abstraction, catalogue officiel de l’exposition, éd. Hazan

  • Contrastes de formes

    Les variations de lumière, de temps et d’atmosphère, de même que les contrastes produits par le reflet de la végétation sur les eaux calmes, captés par Monet dans plusieurs de ses séries, ont exercé une influence capitale sur des artistes postérieurs tels que Clyfford Still. Ses formes aux couleurs brillantes, alliées à de puissants effets de contre-jour, affichent une parenté évidente avec les oeuvres de Monet.

    - Monet / Still

    "La peinture [de Clyfford Still] propose un style inclusif où des tracés colorés sinueux, qui font figure d’anfractuosités dans la muraille de matière picturale, effrangent les nappes de couleur, cisèlent des silhouettes et des architectures dans le all over, dépassant l’abstraction du côté de la suggestion optique." Thierry Dufrêne

  • De la touche au geste

    Dans les oeuvres de ses dernières années, Monet crée un nouveau langage pictural, une expérience esthétique qui s’écarte de la peinture sur chevalet conventionnelle. La contemplation des toiles de la dernière période Monet, de même que l’observation des oeuvres de Pollock, Krasner, Tobey, procure un sentiment similaire : la peinture semble nous envelopper.

    - Monet / Pollock

    "[Greenberg fut] frappé par la manière dont les grandes toiles all-over de Jackson Pollock se mettent à partir de 1949-1950 à évoquer par leur dimension et leur grande unité tonale les Nymphéas de Monet." Thierry Dufrêne

    - Monet / Tobey

    "Par le white writing, la calligraphie blanche qui le caractérise, Tobey retrouve la façon dont Monet se servait du chapelet d’îles blanches (nénuphars) qui unit le nymphée pour unir le tableau d’une ligne d’énergie spirituelle, à cette différence près que ce qu’applique Monet à la nature, Tobey le veut appliquer à la ville moderne : «Le white writing est apparu en moi comme les fleurs jaillissent du sol en un instant. Avec cette méthode j’ai trouvé que je pouvais peindre les rythmes frénétiques de la cité moderne [...].» Quand en 1956, il écrit : «Quand on peut trouver l’abstrait dans la nature, on touche au plus profond de l’art», il est proche de Monet, mais lorsqu’il précise : «J’ai cherché un monde «un» dans mes peintures mais pour le réaliser j’ai utilisé une masse tourbillonnante», il accélère le principe de modulation circulaire qu’on trouve chez Monet." Thierry Dufrêne

  • Dans le jardin de Monet

    Dans la série d’oeuvres consacrées au thème des Nymphéas l’artiste se montre de plus en plus désireux de réconcilier son art représentatif avec la revendication des aspects matériels de la surface picturale. De même que les Nymphéas, les fleurs, les arbres et le pont japonais de son jardin seront les thèmes picturaux favoris de Monet durant ses dix dernières années. Sur ces toiles, la fluidité de sa technique, qui évoque parfois des gouttes de pluie glissant sur la toile, préfigure le style adopté plusieurs décennies plus tard par les expressionnistes abstraits. Pour bon nombre d’entre eux, la maison du peintre à Giverny devient un véritable lieu de pèlerinage. Joan Mitchell, Jean-Paul Riopelle, ou Sam Francis voyagent en France dans les années 50 et, fascinés par Monet, visitent sa maison et son jardin. Cette découverte aura une influence cruciale sur leur oeuvre postérieure, la peinture de Monet épousant à la perfection leur idée du geste spontané comme point de départ d’une oeuvre d’art.

    - Monet / Mitchell

    "Chez Mitchell, la représentation abstraite du paysage laisse percevoir un dessin sous-jacent qui pourrait donner l’impression d’un relevé d’observation et aurait tendance à “localiser” la sensation, si au cours de la contemplation, le spectateur ne se rendait bien vite compte que les modalités chromatiques et leur distribution spatiale, par paquets et zones que distinguent les directions des coups de brosse, des mouvements du pinceau, ont une valeur beaucoup plus générale. Il s’agit d’un parcours intuitif dans l’esprit des Nymphéas, mais il ne faudrait pas ramener cela à l’expressionnisme : au contraire, il me semble que Mitchell accepte l’aléa, même si elle ne l’organise pas méthodiquement [...]." Thierry Dufrêne

    - Monet / Francis

    "Alors que les premières toiles parisiennes de Francis étaient pratiquement des monochromes blancs ou gris, l’émotion qu’il ressent à sa première visite à l’Orangerie le convertit à la couleur avant qu’il n’opte pour le noir comme dans Deep Orange and Black commencé en 1953 et dont Peter Selz décrit la genèse : «D’abord, Francis couvrit la surface de la toile d’un voile de brume aux contours indistincts qui rappelle le cycle de peintures murales de Monet à l’Orangerie. Mais ensuite, il délimita à nouveau cet espace plutôt imprécis en peignant un cadre noir. Le noir ici est comme la coulée de lave qui projette sur la fenêtre des particules sombres et incandescentes. [...]» Inclassable, Francis l’est sans aucun doute, mais il a puisé au cours de sa décennie parisienne (1950-1960) et largement au contact de la peinture de Monet, cette dialectique de la couleur vive qui se répand et du noir qui dissout. [...]" Thierry Dufrêne

    - Monet / Riopelle

    "Avec Riopelle, on est [...] très proche de l’informel, et s’il parle de mosaïque, c’est bien parce qu’il a mis le tableau en morceaux, en tasseaux et micro-surfaces qui se contorsionnent, s’enchevêtrent pour s’abouter sans ordre préconçu, faisant de leur alliance d’un moment, d’une humeur et d’un allant, un alliage non-compositionnel. L’oeuvre, dans la lignée de celle de Monet qui s’imposait de peindre sans ombres portées, devient une mosaïque de formes et de taches colorées." Thierry Dufrêne

  • L’empreinte de Monet

    Pour plusieurs motifs différents, l’influence de Monet peut être retrouvée chez de nombreux artistes abstraits de la deuxième moitié du siècle. Les créations de Jean Bazaine, Maria Elena Vieira da Silva ou Gerhard Richter exposées ici possèdent des affinités évidentes avec l’oeuvre du peintre impressionniste français.

    - Monet / Staël

    "Pour Nicolas de Staël, la vision se construit en pans colorés apposés sur la toile au couteau. Moins sensible au Monet modulateur, il a en revanche su reconnaître – un peu comme l’avait fait Hans Hofmann – sa capacité à créer du relief ou à tout le moins une sensation spatiale (une manière d’espace tridimensionnel) sans peindre d’ombre, simplement au moyen des contrastes de couleurs. C’est ce simili-espace qui fait que de Staël oscille en permanence entre abstraction et figuration." Thierry Dufrêne

    - Monet / Vieira da Silva

    "Vieira da Silva a opté à la façon de Monet pour une modulation infinie, trame continue de la matière picturale qui traduit les inflexions de l’imprégnation vitale du sujet." Thierry Dufrêne

    - Monet / Bazaine

    "[...] Jean Bazaine s’empare d’un motif cher à Monet, l’eau, s’efforçant, selon les leçons de Gaston Bachelard et de Merleau-Ponty, de saisir la complexité organique de cet élément à travers ses mouvements, son rythme, sa lumière et sa profondeur. La peinture de Bazaine articule la durée de la conscience, le temps court des humeurs de l’âme (joie, colère) et le rythme de la nature et du temps qui passe. Son sens de la matière qui incarne l’élément sur la toile produit une technique intrigante, virtuose ou rugueuse, selon les cas." Thierry Dufrêne



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