Mayombe. Maîtres de la magie

© K.U.Leuven, photo Hugo Maertens

L’exposition Mayombe. Maîtres de la magie présente un nombre important de sculptures et autres objets rares faisant partie d'une collection congolaise exceptionnelle, appartenant à la K.U.Leuven, au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren et à l'Université Catholique de Louvain (UCL). Cette collection a été constituée il y a cent ans au Mayombe, une région du Bas-Congo, et envoyée en Belgique par Leo Bittremieux, un missionnaire de Scheut. À l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance du Congo, M réunit toutes ces pièces dans une même exposition.

Le Mayombe est une région boisée au nord de l'embouchure du fleuve Congo. C'est là que vécut à partir de 1907 le missionnaire Belge Leo Bittremieux. Parlant couramment le Kiyombe, la langue de la région, il s'intéressa particulièrement à la population locale, les Yombe. Parallèlement à son travail de missionnaire, il étudia leur langue et leur culture et publia ses observations.

Au cours des décennies suivantes, Bittremieux expédia en Belgique des centaines de statues et autres fétiches accompagnés d'une importante documentation. Ils étaient destinés au musée d'ethnographie de l'Université de Louvain et servaient notamment à la formation des colons. La collection fut déménagée à plusieurs reprises au XXe siècle. Lors de la scission de l'université à la fin des années 60, une partie fut confiée à l'Université Catholique de Louvain (UCL). Le missionnaire envoya aussi un grand nombre de pièces ethnographiques au Musée du Congo belge à Tervuren. Grâce aux travaux de Bittremieux, cette collection est particulièrement bien documentée. Pour cette raison ainsi que pour l'ancienneté, la rareté et la qualité des objets, la collection atteint un niveau international.

Actuellement, ces témoins inestimables de la culture yombe sont conservés et exposés en partie dans les collections de la K.U.Leuven, du Musée de Louvain-la-Neuve (UCL) et du Musée royal de l'Afrique centrale. Servant de matériel d'étude et de référence aux chercheurs, ils sont régulièrement prêtés à des musées belges ou étrangers pour leurs expositions temporaires. À l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance du Congo, M, le musée de Leuven, propose la toute première exposition réunissant de nouveau ces objets remarquables qui, d'un point de vue historique et anthropologique, constituent un ensemble homogène.

L’exposition Mayombe. Maîtres de la magie veut avant tout faire découvrir la beauté fascinante des objets des Yombe. Elle s'ouvre sur une ensemble impressionnant de quatorze statues à pouvoirs anthropomorphes. En Kiyombe, ces fétiches sont désignés par les mots nkisi ou minkisi (plur.), qui font référence à la fois aux sculptures elles-mêmes et aux esprits qu'elles abritent. Il peut s'agir d'ancêtres qui reviennent dans le monde des vivants, mais aussi d'esprits chtonniens ou d'esprits agressifs qui peuplent l’univers. Ces derniers sont appelés minkisi nkondi. Les statues sont souvent couvertes de clous, de pointes, de lames et d’éclats de métal. À l'intérieur des sculptures et sur leur surface était appliquée une charge magique ou bilongo qui imprègne l'objet de sa puissance. Les ingrédients principaux du bilongo sont de l'argile blanche (kaolin) et un pigment rouge, que viennent compléter des matières diverses telles que des herbes, de la peau, des ongles, des dents, des minéraux et de la poudre. Si les réceptacles du bilongo ont parfois une apparence humaine ou animale, ce sont le plus souvent des récipients: sacs, paniers, calebasses, bouteilles, boîtes ou coquilles. Bien qu’ils aient été produits en plus grand nombre, les minkisi qui n’ont pas une forme humaine étaient peu conservés dans les collections occidentales qui leur accordaient moins de valeur esthétique. Or l'exposition illustre clairement la grande variété formelle de ces objets à pouvoirs.

L’exposition Mayombe. Maîtres de la magie explique comment les Yombe invoquaient les minkisi pour obtenir leur protection, une guérison, la richesse, la puissance ou pour se venger d'un ennemi. Les minkisi étaient le fruit de la collaboration entre un sculpteur et un nganga, un expert rituel. Ce dernier achetait ses objets au sculpteur, puis les « activait » en y ajoutant toute sorte d’éléments, métalliques ou autres, en faisant exploser de la poudre, en enduisant les fétiches de terre blanche ou en les arrosant d'alcool.

Grâce à des précisions sur le sens et le contexte de création des objets rituels, c’est un regard sur le fonctionnement de la société au Mayombe vers 1910, que propose aux visiteurs l’exposition Mayombe. Maîtres de la magie. Plusieurs objets évoquent ainsi l'initiation des garçons (khimba) et des filles (khumbi), leur préparation à la vie adulte et au mariage. Bittremieux a en effet décrit en détail l'initiation khimba, lors de laquelle les garçons s'isolaient parfois pendant trois ans dans la forêt. L'exposition s'intéresse également au lemba, une confrérie à l'autorité considérable, dont seuls pouvaient faire partie les chefs fortunés et les marchands aisés. L'exposition se termine par de grandes statues polychromes qui ornaient les tombes des ancêtres.

L’exposition Mayombe. Maîtres de la magie présente une collection qui appartient en grande partie au patrimoine universitaire. Elle est conservée principalement dans les réserves des universités à Leuven et Louvain-la-Neuve. Elle offre l’occasion d’évoquer les relations entre l’Université de Louvain et le Congo. En complément, l'exposition associe des images du campus universitaire louvaniste au Congo des années 50, Lovanium, à une sélection de photos récentes du photographe Belge Carl De Keyzer.