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Giorgio Morandi

Hôtel des Arts, Toulon

Exposition du 5/6 au 26/9 2010


Si Giorgio Morandi, qui n’a pratiquement jamais quitté la ville de Bologne où il est né en 1890, n’a pas subi l’attraction des grands mouvements du XXe siècle, il n’a en aucune façon vécu en ermite comme une légende tendrait à l’accréditer, mais au contraire a toujours suivi de très près les débats qui ont agité le monde de l’art. Il a fugacement flirté avec le futurisme sans jamais y adhérer ainsi qu’avec la peinture métaphysique, car la voie qu’il voulait explorer et dont il a obstinément creusé le sillon au long de sa vie était trop intime et personnelle pour qu’il subisse de telles attractions.

D’une certaine manière il occupe en Italie une place assez équivalente à celle d’Edward Hopper aux États-Unis. Ses influences, il faut essentiellement les chercher chez Cézanne, qui laissera chez lui des traces profondes et durables par la vision qu’il offre d’une réalité reconstruite, déjà marquée du sceau de l’abstraction, par le caractère monumental qu’il confère aux objets simples du quotidien et par l’utilisation d’une palette souvent limitée à des couleurs naturelles. En remontant plus haut dans le temps il faut évoquer l’ombre tutélaire de Chardin, avec qui Morandi entretient des liens si étroits que Charles Sterling en 1952 n’hésite pas à le qualifier de Chardin du XXe siècle. Mais on connaît aussi son admiration pour Giotto, Piero della Francesca et Paolo Uccello – trois peintres de référence aux yeux des artistes qui ont fait l’histoire de l’art moderne – et enfin pour Masaccio.

Certes sa vie s’est écoulée de façon apparemment monotone entre l’appartement de la via Fondazza où il a vécu à partir de 1910 en compagnie de ses trois soeurs et dans lequel il avait son atelier, et l’académie des Beaux-arts où il a étudié jusqu’en 1913 pour ensuite y enseigner la gravure jusqu’à sa retraite.

Cette vie rangée et lisse s’est doublée d’une oeuvre apparemment à l’image de celle-ci, sans crise majeure ni ruptures dramatiques, comme si la première était la condition de la seconde.

N’imaginons pourtant pas que Morandi ait vécu à l’écart du monde et que son oeuvre n’ait fait que le bonheur de quelques initiés. Il a au contraire occupé une position importante dans la vie artistique du siècle, participant à plusieurs reprises à la biennale de Venise dont il a obtenu le 1er prix pour la peinture en 1948, et a été exposé dès 1951 à la première biennale de São Paulo où étaient présentées dix peintures dans la section italienne. En 1955 les organisateurs de la première Documenta de Kassel qui entendaient présenter les maîtres fondateurs de l’art moderne occidental lui avaient réservé une salle dans laquelle étaient exposées onze natures mortes et en 1957 il obtenait le 1er prix de la biennale de São Paulo.

Présence de Morandi aussi au cinéma puisque dans le film La Dolce Vita de Federico Fellini on voit une de ses peintures dans le salon du personnage interprété par Alain Cuny, de même que dans La Notte de Michelangelo Antonioni ; un choix particulièrement emblématique car dans les films de ce dernier l’architecture et les espaces urbains souvent déserts que structure le découpage des ombres et de la lumière nous paraît tenir une place aussi importante que ses personnages, transposant au langage cinématographique l’univers mental et plastique de Morandi.

De même qu’en Jazz il y a des musiciens pour musiciens, il existe dans le domaine de la peinture des peintres pour peintres, dont fait incontestablement partie Giorgio Morandi qui jouit auprès de ceux-ci d’un prestige quasi religieux ; Karen Wilkin écrit avec justesse qu’il est parfois tentant de considérer la manière de réagir à l’oeuvre de Morandi comme une mesure de la capacité de percevoir les questions fondamentales de la peinture.

Pourtant de son temps Morandi a été l’objet de controverses en Italie, certains considérant sa peinture comme la fin de programme d’un genre en extinction, d’autres au contraire voyant en lui l’annonciateur d’un courant artistique à venir.

Aujourd’hui, quarante-six ans après sa disparition, nous avons le sentiment que la deuxième hypothèse était la bonne. On observe en effet que de nombreux artistes en activité – toutes générations confondues – s’inscrivent consciemment ou non dans le sillon qu’il a tracé, chacun utilisant le vocabulaire et le médium qui lui sont propres.

L’oeuvre du maître de Bologne est en effet largement ouverte, offrant de multiples accès, soit par les thématiques qu’il a explorées – natures mortes et paysages – mais aussi par la forte charge émotionnelle et spirituelle que dégagent ses oeuvres à l’instar de Rembrandt, Vermeer, Alberto Giacometti, Mondrian et Rothko.

On compte ainsi aujourd’hui parmi ses possibles héritiers des artistes aussi différents qu’Alexandre Hollan, Lawrence Carroll, Luc Tuymans, Liliane Tomasko, Koen van den Broek, Sean Scully, James Bishop ou Philippe de Gobert pour n’en citer que quelques-uns, auxquels on pourrait associer les artistes minimalistes.

Il existe un lien particulièrement intéressant à établir entre Giorgio Morandi et Robert Ryman, un autre artiste fondamental du XXe siècle, par "le peu" que ces deux artistes donnent à voir et l’intense spiritualité qu’il génère.

Le Corbusier avait fait sienne une phrase puisée chez Renan selon laquelle pour Jésus la matière n’est que le signe de l’idée ; chez Morandi il est difficile de décider laquelle est le signe de l’autre tellement matière et pensée semblent consubstantielles. Mais il est loisible de constater que l’extrême concentration de Morandi tout au long de sa vie autour des trois seuls sujets qu’il a traités – les bouquets de fleurs, les paysages et les natures mortes composées de quelques objets récurrents – s’est traduite par un poids croissant accordé au fil du temps à la géométrie dans la structuration de ses compositions. On sait que Morandi aimait à citer la phrase de Pascal "la géométrie explique presque tout".

Ainsi, à partir des années cinquante organise-t-il ses natures mortes en séries au caractère abstrait de plus en plus affirmé. Dans certaines d’entre elles, les objets sont étroitement agrégés en blocs rectangulaires verticaux ou horizontaux, eux-mêmes divisés en pavés de couleur aux tons un peu assourdis dans les gammes des beiges et des ocres avec un ou deux pans de couleurs plus lumineux. Dans certaines huiles et plus souvent dans les aquarelles il est même difficile d’identifier quels sont les objets représentés, leurs formes indécises flottant dans un bain de lumière où pointent seulement quelques signes les rattachant à une possible figure.

Le caractère monumental des natures mortes de Morandi – en dépit de la petite taille des tableaux – et la déréalisation qu’il obtient par la suppression de toute référence à l’identité initiale des objets qui les composent (Morandi supprimait les étiquettes et les noms de marques sur les objets composant son petit univers, avant de les enduire de peinture et laisser la poussière les recouvrir), rapprochent fortement celles-ci de ses paysages presque monochromes réduits à quelques éléments structurants.

La lumière mystérieuse et magique qui baigne les peintures de Morandi produit chez l’observateur un effet bienfaisant renforcé par la sensualité de sa pâte, car chez Morandi la simplicité des compositions et l’économie chromatique de sa palette ne se traduisent pas par une austérité sévère, mais par une spiritualité sensible. La chair chez lui se fait esprit.

Parler de Morandi en négligeant ses oeuvres sur papier, dans les trois dimensions expressives qu’il a explorées, dessin, aquarelle et gravure, serait l’amputer de trois organes essentiels à sa compréhension tant ces trois techniques forment avec sa peinture un tout indissociable et établissent avec elle un échange qui les enrichit mutuellement. Ses dessins, outre leur extraordinaire qualité, sont le meilleur guide pour accéder à la compréhension de sa peinture. Mais plus que des esquisses ou des croquis préparatoires de ses huiles, ils possèdent un langage autonome et constituent un terrain d’expérience inépuisable. Chez les artistes – et particulièrement pour Morandi dont le trait tremblé et inspiré se « contente » de tracer les contours du sujet qu’il dessine – il y a dans la pratique du dessin l’espoir que quelque chose de miraculeusement exact et définitif va survenir, que chaque point déposé sur le papier par la mine de plomb sera d’une justesse absolue.

Lorsque le miracle se produit – et chez Morandi il s’est souvent produit – le dessin égale alors les oeuvres les plus ambitieuses. Il en va de même de l’aquarelle laquelle, comme chez Turner, représente la quintessence de l’esprit morandien.

La gravure qu’il a enseignée durant toute sa carrière occupe également une position centrale dans son oeuvre et traduit chez Morandi le goût pour un travail lentement et savamment élaboré, tout à l’opposé des dessins et des aquarelles faites dans l’instant. Il est d’ailleurs fascinant d’observer l’étonnante faculté de Morandi à comprendre et assimiler la nature intime et les caractéristiques expressives des différentes techniques qu’il emploie pour les porter à leur plus haut niveau de spécificité tout en les fondant dans l’univers mental qui lui est propre.

Si Morandi a bénéficié de son vivant et après sa mort de très nombreuses expositions collectives et personnelles en Europe et aux États- Unis, telle la rétrospective du Metropolitan de New York en 2008 et du Mambo de Bologne en 2009, et fait l’objet de multiples publications, la France l’a relativement peu montré peut-être en raison du fait que son oeuvre s’inscrit difficilement dans la grille rassurante des grands récits composant l’histoire de l’art moderne du XXe siècle, et de ce fait dérange notre esprit cartésien toujours soucieux, comme l’a souligné Borges, d’apprécier d’abord un artiste ou un écrivain par la place qu’il occupe dans l’histoire de l’art avant de s’intéresser à sonoeuvre ; la dernière exposition en France étant dans notre souvenir la rétrospective que lui avait consacrée la fondation Dina Vierny-Musée Maillol en 1996.

L’exposition de l’Hôtel des Arts dont le commissariat est assuré par Laura Mattioli, une grande spécialiste de Giorgio Morandi, s’attache à montrer l’unité profonde de son oeuvre et le processus d’abstraction qu’il opère dans son appropriation du réel, à travers plus de quarante oeuvres qu’elle a rigoureusement sélectionnées, composées d’huiles, d’aquarelles, de gravures et de dessins.

L’exposition pose un regard particulier sur le thème du bouquet de fleurs qui jusqu’à présent a été moins étudié que celui de la nature morte et du paysage. Il s’agit pourtant d’une partie considérable de l’oeuvre de Morandi qu’il a travaillée à toutes les périodes de sa vie de peintre. Un thème, souvent mineur, même traité par les plus grands artistes, mais qui, sous la main de Morandi, acquiert la même dimension poétique et monumentale que le reste de l’oeuvre.

GILLES ALTIERI, directeur de l’Hôtel des Arts



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