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Gérard Garouste et la Source |
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Le Carré Sainte-Anne, Montpellier |
Le Carré Sainte-Anne, lieu culturel tourné vers l’art contemporain s’est engagé sur une nouvelle ère et, désormais doté d’un comité artistique solide, mise sur une programmation internationale. Après Marc Desgrandchamps au printemps, c’est Gérard Garouste qui investit pendant tout l’été le site exceptionnel de l’église néogothique désacralisée, et y installera treize oeuvres spectaculaires. Neuf peintures, trois Indiennes et six toiles issues d’une prestigieuse collection privée, inconnues du grand public, témoigneront de son travail des années 1986- 1991. Elles seront mises en relation avec trois sculptures de bronze, les anges gardiens et l’arbre ange, à la parenté formelle troublante. Quant à la Dive Bacbuc, arène de six mètres de diamètre couverte de peinture, elle prendra sa place dans le choeur de l’église.
Cet ensemble exceptionnel inspiré des textes fondamentaux de notre littérature, Dante et Virgile, Cervantès et Rabelais, revêtiront sans doute dans le cadre néo-gothique du Carré Sainte-Anne une dimension spirituelle toute particulière.
Parallèlement, la galerie Saint-Ravy présentera pendant la même période une sélection d’oeuvres réalisées en commun par artistes et enfants dans le cadre de La Source. Grâce à cette association créée il y a tout juste vingt ans par Gérard Garouste, près de 3000 enfants et adolescents pratiquent chaque année des ateliers conduits par des artistes en résidence. Le projet développé par La Source, pour reprendre l’expression de son directeur général Robert Llorca, « correspond à un réel besoin d’accompagnement de l’individu par l’intermédiaire de l’art et de la culture ». On y croisera en particulier les noms de Robert Combas, Clément Bagot ou Hugo Miserey.
L’anamorphose Gargantua, installation émouvante réalisée par Gérard Garouste et les enfants, se placera
naturellement dans les espaces du Carré Sainte-Anne comme trait d’union entre deux expositions qui en
réalité n’en sont qu’une.
« Lorsqu’il crée La Source en 1991, Gérard Garouste s’inspire dans son travail, depuis plus de cinq ans, de la Divine Comédie de Dante, vécue moins comme un sujet qu’il s’agirait de citer ou d’illustrer, mais comme le point de départ d’un vagabondage, un chant créateur d’images et de symboles qui, au gré de son inspiration et de ses envies, conduisent le peintre ailleurs. Les oeuvres précédentes, celles du Classique et l’Indien, jouaient sur des mises en scène dont les personnages étaient faits de chair et de sang, d’une présence physique évidente. Elles laissent place à des toiles aux ambiances tourmentées et mystérieuses, traversées de personnages évanescents, fuyants, comme détachés de leur enveloppe charnelle, comme si, plus précisément, cette dernière avait perdu toute consistance. On songe parfois aux squelettes habillés de robes de bure que l’on voit au cimetière des pères capucins à Rome, silhouettes dont on se demande, en sortant de la crypte, si elles relèvent du souvenir ou de l’hallucination. De même les paysages, les décors, nous laissent sans repère, comme au sortir d’un rêve ou en plein mirage. Parfois du bleu pour le ciel, un éclair qui traverse l’obscurité, la forme d’un arbre, une couleur sombre pour le sol. Une peinture spectrale mais d’une intensité sans égale grâce à la richesse des jeux de matières et de tons. Pierre Cabanne, dans Gérard Garouste aux éditions de la Différence, nous la décrit : « Ainsi est apparue une succession d’oeuvres « sans titre », des chants parallèles à ceux de Dante issus de relais mentaux exprimés en peinture. Complexe, intemporelle, mais où se déploie en couleurs somptueuses, tout le « savoir » de la matière, les empâtements, les jus, les transparences, des alternances savantes entre la sérénité et la violence, les coups de pinceaux fouettés, les cernes appuyés ou indécis, les flous veloutés. Les âmes de l’au delà, sortes d’humanoïdes aux silhouettes inquiétantes, ou d’insectes aux élytres hérissées, des striges aux allures dévoreuses et des lémures spectraux surgis des brumes, autant d’êtres étranges qui semblent parfois prêts à se défaire, à se déliter, habitent ces régions du rêve dont le réveil ne garde, comme chez Goya, que des sédiments d’apparences imprécises. Les six toiles du collectionneur Bernard Massini appartiennent toutes à cette période si troublante du travail de l’artiste.
En parallèle, à partir de 1987, Gérard Garouste peint les Indiennes, libres toiles écrues travaillées au pinceau noir, à tel point graphiques que, si ce n’était le format, on les croirait dessins ou gravures. Elles nous rappellent quelque décor de théatre ambulant ou encore une tapisserie médiévale délavée par les intempéries et la lumière, dont il ne resterait que le souvenir d’une trame, le dessin primitif. Les sculptures en bronze, L’ange gardien ou L’arbre ange, semblent s’être extraites des peintures tant leurs formes, élancées et décharnées, nous font penser aux « insectes aux élytres hérissées » dont parle Pierre Cabanne. La Dive Bacbuc, installation réalisée en 1998, vaste arène de six mètres de diamètre pour plus de deux mètres de hauteur, associe le travail du fer forgé et la technique de peinture des Indiennes. Elle interroge la démesure et la jouissance rabelaisiennes - toujours les textes fondateurs - en même temps que notre regard. Les douze oculi qui la jalonnent ne nous permettent pas de l’envisager dans son ensemble en une fois. Le spectateur doit faire un effort, certes ludique, pour la saisir dans sa complexité et sa globalité. A l’image des grands écrits qui ne peuvent être abordés en faisant l’économie du temps et de la réflexion.
Si le dessein premier de La Source n’est pas à l’évidence de créer des oeuvres qui se suffiraient à elles-mêmes, destinées à entrer dans des collections publiques ou privées, il n’en demeure pas moins que certaines méritent d’être appréciées pour leurs qualités intrinsèques, en dehors même du projet – de l’utopie ? – portée par l’association. Ainsi le petit kiosque en vitrail imaginé par Sarkis et les enfants, qui se fond dans le paysage normand de La Guéroulde, près d’un étang. Il faut s’en approcher pour voir les empreintes sur le verre laissés par les doigts d’enfant, et comprendre donc sa véritable portée. Il ne peut malheureusement être déplacé. Robert Combas a également beaucoup travaillé avec les enfants de La Source. La grande bâche qu’il a peinte avec eux est une oeuvre symbole de l’association. Si les formes et les figures ne sont pas les siennes, la générosité de la composition et des couleurs cernées de noir rappellent immédiatement la main de l’artiste. Les enfants ont en quelque sorte étaient happés dans son univers. On pourrait avoir une réflexion semblable quant au « Régis » de Buddy Di Rosa, géant jaune, gentil et maladroit sur son pied unique, devenu mascotte de La Source. La Ville suspendue de Clément Bagot est l’une des sculptures les plus spectaculaires réalisées dans le cadre de l’association. Elle apparaît de loin comme un vaisseau énigmatique, fascinant lorsqu’on en admire de près les intestins. La pauvreté des matériaux de récup’ qui la composent, cotons tiges, touilleurs à café, pots de yaourt, petits animaux en plastique, contraste avec l’intelligence dans la superposition des plans et l’impression de cohérence générale. On hésite entre une fourmilière et une ville gérée par les Shadoks.
La photographie est un médium très apprécié des artistes intervenant à La Guéroulde ou à Villarceaux. Elle permet d’apprendre aux enfants l’art de la mise en scène et de la théatralité, elle permet de donner corps à des mythologies parfois abstraites. Ainsi, avec l’artiste Wanda Skoniecsny, les enfants de Villarceaux ont pu illustrer les contes Barbe Bleue et Peau d’Ane. Ou encore, avec Alain Nahmias et Juliette Heymann, Les Aventures de Gulliver. Quant au photographe Hugo Miserey, il a immortalisé les familles de La Source, dans le but de les rapprocher, à travers le projet « Portrait de Famille », la première série étant réalisée à La Guéroulde en 2007, la seconde s’achevant en 2009 à Villarceaux. Des photographies qui nous renvoient une image particulièrement émouvante de ces familles parfois marquées par les épreuves de la vie, mais la plupart du temps unies et heureuses. Un mot encore sur Anamorphose Gargantua, installation spectaculaire réalisée en 1998 dans le cadre de La Source par Gérard Garouste, Daniel Mayar et Amanda Pinto Da Silva, proche dans l’esprit de la Dive Bacbuc, avec son fer forgé et son jeu quant aux questions liées à la perception. Le théatre, la mise en abîme, les mystères du regard, les apparences, les mirages et les rêves, autant de symboles qu’elle soulève et qui font d’elle une oeuvre emblématique, à la croisée des chemins.»
Numa HAMBURSIN, Commissaire de l’exposition