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Gallimard |
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BnF, ParisExposition du 22 mars au 3 juillet 2011Seconde partie de l'exposition Gallimard à la BnF. La seconde partie du parcours relève plus strictement de l’histoire éditoriale, à savoir celle de l’entreprise, de la mise en oeuvre de ses choix, de ses réseaux, de ses enjeux commerciaux et industriels. C’est, au sens le plus large, l’espace de la fabrique éditoriale. Le visiteur peut explorer cette histoire à travers un double parcours chronologique et thématique : au centre, les grandes étapes de l’histoire de la maison et à la périphérie, les différentes fonctions de la pratique éditoriale. A mi-chemin, des colonnes se dressent pour assurer le lien entre ces deux approches indissociables. Véritables bibliothèques qui mettent les livres eux-mêmes au coeur de l’exposition, elles offrent une perception intuitive de la masse que représente le catalogue évoqué dans la première partie. En outre, elles mettent à l’honneur les grandes collections qui font l’image de marque d’un éditeur : la « Bibliothèque de la Pléiade », « Métamorphoses », la « Série noire », « Le Chemin », « Folio », « Découvertes », etc.
Les Editions de la Nouvelle Revue française naissent en 1911 dans le prolongement de la revue littéraire créée en 1909 par un groupe d’écrivains réunis autour d’André Gide. Il faut un homme pour gérer l’affaire et contribuer à son financement : Gaston Gallimard, un élégant représentant de la bohême bourgeoise de la rive droite, signe avec Gide et Jean Schlumberger l’acte qui donne naissance le 31 mai 1911 aux Éditions de la NRF. La proximité entre la revue et la maison d’édition est fructueuse, mais l’un des épisodes les plus mémorables de cette période est le refus de publier la première partie de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust, publiée fin1913 à compte d’auteur chez Bernard Grasset. Il faut l’action conjuguée de Gide, de Jacques Rivière, secrétaire de la revue, et de Gaston Gallimard pour obtenir de Proust qu’il poursuive la publication de La Recherche à la NRF, A l’ombre des jeunes filles en fleur lui valant son premier Prix Goncourt en 1919. Même ralentie par les contraintes de guerre, l’activité des Éditions se prolonge durant le conflit, notamment avec la publication de La Jeune Parque de Paul Valéry.
A son retour des Etats-Unis en 1919 (où il a suivi la troupe du Vieux Colombier), Gaston Gallimard considère qu’il doit diversifier son catalogue pour financer une littérature de qualité. Au terme d’un véritable « coup d’État », la maison est rebaptisée Librairie Gallimard, à laquelle il associe son frère Raymond et son ami Maney Couvreux. Les Éditions prennent leur essor et trouvent leur équilibre économique au début des années 1930 en confiant leur diffusion aux Messageries Hachette et en s’engageant, provisoirement, dans la presse populaire et politique. Les collections se multiplient et le comité de lecture s’organise. André Malraux est le grand « animateur » de la maison dans les années 1930 et l’un des promoteurs de la jeune littérature américaine qu’accueille alors la maison.
Avec l’Occupation, les autorités allemandes instaurent un régime de contrôle de l’édition, et la maison Gallimard est menacée de mise sous séquestre. Le 23 novembre 1940, un accord est trouvé : Gaston garde la maîtrise de son entreprise, mais accepte que soient confiées au collaborationniste Pierre Drieu la Rochelle la direction d’une NRF exclusivement littéraire et « une participation étendue » à la direction des Éditions. En parallèle, la résistance intellectuelle s’organise autour de Jean Paulhan au sein même des Éditions. Cette période douloureuse et complexe est marquée par la révélation des oeuvres d’Albert Camus et, sur fond de censure et de pénurie de papier, par la publication de textes importants de Louis Aragon ou Antoine de Saint-Exupéry. A la Libération, la revue est interdite par le comité d’épuration, alors que le dossier des Éditions est classé. La question de l’épuration des milieux littéraires domine alors la vie intellectuelle.
Les frères Gallimard ont installé leurs fils au sein de la maison, mais une sévère crise de succession éclate au milieu des années 1950. La mort accidentelle de Michel Gallimard, fils de Raymond, et d’Albert Camus en 1960 met un terme tragique à cette querelle. La maison sort de la guerre dans une situation économique favorable, ce qui permet à Claude Gallimard de mener une politique de développement éditorial et d’asseoir les fondations d’un groupe, avec le rachat de Denoël et du Mercure de France. Cette évolution, simultanée à celle du groupe Hachette, tend les relations entre l’éditeur et son diffuseur. La rupture intervient en 1970, Gallimard reprenant son autonomie commerciale. Claude Gallimard publie Jean-Marie Gustave Le Clézio, Michel Tournier, Patrick Modiano, Milan Kundera, lance « L’Univers des formes », les premières collections de poche, et développe le secteur des sciences humaines.
A la mort de son fondateur en 1975, Gallimard est un empire convoité, Claude Gallimard continue à le développer, tout en faisant entrer ses quatre enfants dans l’entreprise afin de commencer à organiser sa propre succession. C’est son fils cadet, Antoine, qui prend en 1988 la présidence de la société. Il s’ensuit une sévère crise familiale, dont le règlement intervient en 1991. Le début des années 1970 : la constitution d’une société de distribution, le lancement de la collection de poche « Folio » et la mise sur pied d’un département Jeunesse confié à Pierre Marchand. D’abord réticent à l’idée d’une régulation des prix, Claude Gallimard soutient la loi sur le prix unique du livre en 1981, avant que son fils ne s’engage plus avant dans la défense de la librairie et de la propriété intellectuelle. Le groupe accueille de nouvelles enseignes, à l’identité éditoriale très forte, comme POL, Joëlle Losfeld, Verticales ou Futuropolis. Des succès hors norme, comme ceux de Jonathan Littell ou Harry Potter, permettent à Antoine Gallimard et ses proches de conserver l’indépendance de la maison. Soulignant la vitalité du secteur Jeunesse, les illustrations originales d’Etienne Delessert, Georges Lemoine, Pef (pour Le Prince de Motordu), Quentin Blake, Antoon Krings et Jean-Claude Götting (pour Harry Potter) viennent conclure ce cheminement historique.
Il s’agit tout d’abord de montrer l’éditeur à l’oeuvre. Les bénéfices de la durée, ce sont les mécanismes d’une politique d’auteur destinée à assurer un développement à long terme, parfois sans espoir de rentabilité à court terme. Cet engagement dans la durée est symbolisé par une horloge atmosphérique offerte par Saint-Exupéry, qui signe en 1929 un contrat l’engageant pour plusieurs romans. La vie du fonds est alors assurée par le jeu des collections, de la « Pléiade » aux livres de poche, qui permettent d’exploiter les succès sous plusieurs formes. Pour constituer un tel catalogue, les Gallimard sont passés maîtres dans l’art de rassembler les auteurs au-delà des divisions politiques, morales ou esthétiques, « au nom de la suprématie de la chose littéraire », comme le rappelle Romain Gary en 1962. Leur force réside également dans leur capacité à traduire le meilleur de la littérature étrangère, de Joseph Conrad à Philip Roth, en passant par Franz Kafka, Julio Cortázar ou le Docteur Jivago de Pasternak, grâce à l’action de leurs « rabatteurs » à l’étranger. Du point de vue de la « mise en livre », une sélection de maquettes vient illustrer les problématiques d’identité visuelle des collections ou de choix de couvertures, et les étapes de la mise en page. Gallimard s’illustre également dans la production de « beaux livres », avec Macao et Cosmage, Banalité de Léon-Paul Fargue illustré de photographies de Roger Parry, ou les couvertures de Paul Bonet. En marge de l’édition mais au coeur de la vie culturelle parisienne, Gaston Gallimard s’investit également dans le théâtre, avec l’aventure du Vieux Colombier, l’art, la musique et le cinéma, pour le rayonnement de sa marque et de ses auteurs. La presse populaire et politique joue également un rôle non négligeable pour la trésorerie des éditions dans les années 1920-1930. Enfin, s’il est le support privilégié de la vie intellectuelle, le livre n’en est pas moins une marchandise, « qu’il faut bien vendre ». L’enjeu est donc celui de la publicité, par des supports promotionnels variés au sein desquels les affiches tiennent une place particulière. Dans ce commerce de l’esprit, Gallimard se trouve en concurrence avec ses confrères, dont il scrute l’activité et « débauche » au besoin les auteurs. Il est à son tour victime de cette compétition acharnée lorsqu’en 1923, Paul Morand cède aux propositions de Bernard Grasset, qui lui propose en 1923 une « somme énorme » pour Lewis et Irène. De la même façon, les affaires de prix littéraires apportent périodiquement leur lot de polémiques sur les jeux d’influence et le pouvoir de prescription. Les questions de censure sont tout aussi déterminantes dans le jeu éditorial : des scandales provoqués par L’Amant de Lady Chatterley ou le Journal du Voleur à l’interdiction d’Eden, Eden, Eden de Pierre Guyotat en 1970, les pressions extérieures comme intérieures sont nombreuses et parfois subtiles.
Comme une sorte de synthèse finale, le parcours se conclut par deux vitrines prenant un livre -
L’Etranger de Camus – de l’amont à l’aval : manuscrit, avis des lecteurs de la maison, fiche de lecture
par Jean Pauhlan, mise en fabrication, critique par Jean-Paul Sartre, édition originale et déclinaisons
dans différentes collections, etc. Ce coup de projecteur sur le deuxième titre le plus vendu par la
maison après Le Petit Prince permet de percevoir le métier, au plus près, dans toutes ses composantes.
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