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Franz Erhard Walther

Biographie Franz Erhard Walther




L'artiste allemand Franz Erhard Walther naît en 1939 à Fulda.

Après des études en Arts appliqués et aux Beaux-Arts, Franz Erhard Walther s'inscrit à la Kunstakademie de Düsseldorf. Il participe à des expositions historiques comme "When attitude becomes form" (1969-1970) organisée par Harald Szeemann à la Kunsthalle de Berne, ou "Spaces" au Moma (1969-1970), une exposition collective avec également Michael Asher, Larry Bell, Dan Flavin, Robert Morris et Pulsa Group.

À ce jour, Franz Erhard Walther compte plus d'une centaine d'expositions individuelles et il a participé à de très nombreuses expositions internationales dont la Dokumenta de Kassel, en 1977, 1982 et 1987.



Expositions Franz Erhard Walther (sélection)




  • 2010 : De l'origine de la sculpture, 1958-2009 - Mamco, Genève





    Franz Erhard Walther : l'oeuvre




  • Le corps à l'oeuvre

    « Le spectateur qui agit définit l'oeuvre et en répond ; il ne peut être impliqué seulement dans sa qualité de regardeur : son corps entier est engagé. » Cette déclaration de Franz Erhard Walther dessine le cadre dans lequel existe une partie de ses travaux, c'est-à-dire dans lequel ils sont véritablement mis en oeuvre ou mis en forme : c'est avec le corps de celle ou de celui qui active l'oeuvre, qui la fait véritablement vivre, que l'art prend pour lui tout son sens et toute sa place dans la somme globale des activités assumées par le sujet humain.

    Cette dimension physique et participative du travail, et plus précisément de la sculpture – ce que l'artiste qualifie d'« objets », soulignant ainsi leur caractère instrumental –, F. E. Walther l'établit dès 1963, date à laquelle il débute un ensemble de pièces réunies sous l'intitulé 1. Werksazt (Série d'oeuvres No 1). Pour ce faire, il choisit non plus d'opérer à partir d'un système de formes closes sur elles-mêmes – des artefacts qu'il s'agirait uniquement de contempler et dont il ne faudrait jamais se saisir – mais selon des processus, selon des gestes chaque fois singuliers et jamais fixés une fois pour toutes dont les objets qu'il produit sont les moyens d'impulsion. Ceux-ci ont des formes géométriques simples (rectangles, carrés, lignes, cercles, etc.) et sont faits en tissu ce qui les transforme en autant de gilets, tapis, bandes, etc. La façon dont le spectateur s'en empare lui appartient et reste indécidable : c'est chaque fois son corps qui devient le moyen d'activer, de révéler, d'inventer les potentialités plastiques propres à ces objets sculpturaux. C'est chaque fois l'individu agissant qui invente le profil, l'usage de ces formes disponibles.

    L'utilisation du tissu, matière malléable qui a certes une configuration mais qui peut aussi être façonnée suivant les actions de l'opérateur (pliage, dépliage, habillage de la personne), facilite l'appropriation physique de la sculpture. Elle permet ce « retour au point de départ, où rien n'a de forme et où tout recommence à se former » que cherche à encourager F. E. Walther, autrement dit elle permet au corps d'expérimenter l'origine de la sculpture, d'éprouver le processus même d'apparition d'une forme. Par cette relation corporelle encouragée, une action qui donne donc à l'oeuvre toute sa portée plastique, un acte qui crée la sculpture, l'artiste « montre que ce n'est pas seulement notre perception visuelle qui a une valeur mais le corps qui a un sens et une signification ». Autrement dit, pour reprendre le titre d'un ouvrage consacré à F. E. Walther, c'est bien ici avec le corps qu'il s'agit de voir (et de faire l'oeuvre). De cette situation découlent plusieurs conséquences importantes.

    Contrairement à toute une tradition occidentale, qui puise ses racines dans la philosophie platonicienne, pour laquelle l'art est une affaire de pur et simple regard, pour laquelle l'art est un champ exclusivement optique – c'est le sens de sa fameuse définition comme cosa mentale par Léonard de Vinci –, autrement dit, contrairement au statut réservé par l'histoire au spectateur occidental envisagé comme un oeil sans corps (l'oeil de l'âme), F. E. Walther lie l'exercice de la vision à la réalité de l'incarnation, rendant par là même fondamentale la dimension tactile des oeuvres. Il s'agit là d'une rupture esthétique et historique majeure. Ensuite, le fait que le corps, ses gestes et ses attitudes, fassent la pièce, transforment cette dernière en un dispositif processuel dans lequel le temps joue un rôle crucial : le corps à l'oeuvre insiste sur le caractère d'objet temporel de la sculpture.

    Enfin, avec ses travaux du début des années 1960, F. E. Walther rejoint un certain nombre d'artistes qui ont, durant cette période, produit des sculptures non seulement activées par le spectateur mais véritablement configurées par lui, telle la Brésilienne Lygia Clark qui a initié en 1960 sa série de Bichos, des structures métalliques manipulables qui n'ont pas de forme unique et définitivement fixée. Comme elle, F. E. Walther aura exploré et inventé les visages d'oeuvres destinées à demeurer éternellement disponibles, c'est-à-dire des formes qui ne cessent jamais de prendre forme et qui sont donc, pour peu que quelqu'un s'en saisisse, toujours en train d'être inventées ou réinventées. Ou encore, il aura créé des oeuvres ouvertes, désignation forgée par le sémioticien italien Umberto Eco dans un ouvrage fameux paru en 1962, soit un an tout juste avant que Franz Erhard Walther n'entame sa Série d'oeuvres No 1.

  • La déconstruction du tableau

    L'oeuvre de Franz Erhard Walther est aussi constituée d'un ensemble de dispositifs qui font manifestement référence à l'histoire de la peinture. Parmi eux, il y a les Formations murales à propos desquelles l'artiste dit que, « bien qu'elles aient quelque chose de pictural, [elles] ne sont pas des tableaux que, tel un peintre, j'accroche au mur ». C'est que toute une partie du travail de Walther consiste à interroger les ressources de l'objet tableau (et de la picturalité) sans pour autant en passer par la pratique (classique) de la peinture.

    La façon dont l'artiste explicite, d'ailleurs, l'accrochage ou la distribution dans l'espace de ces dispositifs désigne bien le statut délibérément instable c'est-à-dire flottant de cette partie de son travail : « la Formation murale appuyée ou accrochée au mur est comme un socle tourné à 90°, devant ou dans lequel je me place ». Liées de toute évidence au tableau du fait de leur présentation frontale et du rapport qu'elles établissent avec la cimaise, les Formations murales en tissu de Walther n'en demeurent pas moins et simultanément reliées à l'histoire de la sculpture : ce sont des manières de socles que l'on peut considérer pour eux-mêmes mais qui peuvent aussi accueillir l'action d'un sujet, d'un corps, selon des modalités diverses. Et ce sujet agissant, il est sculpture, il est la sculpture.

    Autant dire donc que l'objet tableau affirme également pour l'artiste son identité déplacée qui acquiert aussi son sens, comme c'est la plupart du temps le cas dans ce travail, à partir de l'utilisation de la forme inventée par le spectateur auquel F. E. Walther peut, par exemple, proposer de revêtir une combinaison colorée, elle-même incluse dans le dispositif pictural mural, pour faire l'oeuvre. Être devant ou dans la pièce créée, voilà l'alternative picturalement construite par F. E. Walther. On retrouve ici, comme ailleurs dans ce travail, l'idée que l'art est une question de processus physique à travers lequel du sens est produit (« l'oeuvre ne se crée que dans le processus de l'action », « le procès, les expériences sont l'oeuvre »), un sens qui disparaît dès que cesse l'effectuation des gestes (l'art comme et dans une somme de gestes).

    Mais cette revisitation de la frontalité et du format tableau passe aussi par des structures non manipulables par le spectateur, fixées sur la cimaise selon des rythmes divers. Ce sont alors des manières de boîtes, dotées de formes géométriques et recouvertes de tissu, qui sont visibles sur un mur. Toujours colorées, comme les Formations murales, la plupart du temps d'une manière vive (rouge, orange, brun, jaune, vert, bleu…), ce qui fait de la polychromie une dimension essentielle de cet oeuvre, elles font très souvent tableau tout en n'étant pas de la peinture au sens conventionnel du terme. Elles dessinent des rectangles et des carrés à partir des éléments qui les composent – et dans lesquels elles se décomposent – qui sont rapprochés les uns des autres sans être collés, à la manière de puzzles dont les pièces seraient orthogonales. Avec ces mêmes boîtes, F. E. Walther propose aussi des constellations d'éléments répartis sur la cimaise et dont le mode de présentation obéit toujours à la linéarité, évitant par la même le biomorphisme et l'absence de présentation construite, sans pour autant que ces oeuvres reprennent le format tableau. Enfin, il peut poser ces dispositifs à l'horizontale, sur de grands socles blancs, faisant ainsi voisiner picturalité et sculpturalité.

    Tous ces montages de formes participent de la déconstruction du tableau de deux manières. En fractionnant, tout d'abord, ce dernier en différentes composantes, ruinant son unité matérielle, élément essentiel de sa définition et de son histoire. En dispersant ensuite et éventuellement ces mêmes composantes dans l'espace, sur la cimaise, pour faire de la circulation de la forme colorée un élément clef de la picturalité. Par ces deux gestes, l'oeuvre de F. E. Walther – un artiste qui analyse l'objet tableau sans pour autant être un peintre au sens conventionnel du terme – participe de la déterritorialisation de la peinture. Il s'agit là d'un phénomène clef de l'art du XXe siècle auquel Mondrian, en spatialisant la couleur dans ses ateliers parisien et new-yorkais dès la fin des années 1920 et le milieu des années 1940, a donné une impulsion majeure.

  • Dessiner

    La pratique du dessin est fondamentale dans le travail de Franz Erhard Walther et cela avant même le début de son oeuvre (1958), lorsqu'il était encore étudiant en Allemagne à l'École d'arts appliqués d'Offenbach. Elle intervient à tous les stades de la création soit pour décrire des oeuvres, les désigner et leur donner une apparence, leur donner un contour, soit pour les mettre au point, conditionnant la genèse de travaux qui, tel son Nouvel Alphabet, existent pleinement dans et pour l'espace.

    Car dessiner est une pratique quasi quotidienne et structurante chez F. E. Walther. Elle est un système de notation qui fonctionne dans une dimension hautement cumulative. En ce sens l'artiste réalise pleinement la formule antique citée par Pline l'Ancien à partir de propos tenus par le peintre Apelle selon lesquels le créateur véritable ne doit pas laisser passer une journée sans tracer de ligne, « nulla dies sine linea ». Cette accumulation de traces obéit, dès la période des études et les premières années du travail, à un classement et à une dénomination précis. Ainsi existe-t-il les Wortzeichnungen (Dessins de mots), les Wortbilder (Images de mots), les Kritzelzeichnungen (Dessins griffonnés), mais aussi les Textzeichnungen (Dessins de textes) et les Textfelder (Champs de textes) sans oublier les Diagram-und Werkzeichnungen (Dessins diagrammatiques et Dessins de travail) dont près de 10'000 items ont été, à ce jour, répertoriés.

    À travers l'énoncé de ces différentes catégories de travaux graphiques apparaît immédiatement l'importance du texte et de l'écrit, l'importance de la trace comme signe dans le travail de l'artiste. En effet, comme Paul Klee pour lequel « écrire et dessiner sont identiques en leur fond », F. E. Walther considère l'écriture « seulement comme une autre forme de dessin » qui condense tout le sens et toute l'expressivité de son travail car « sans l'utilisation du langage et de l'écriture, je ressentirais mon art comme quelque chose d'absolument muet ». Ainsi certains de ces dessins ont-ils donné naissance à des Wortwerke (OEuvres de mots) et à des Wortformationen (Formations de mots) qui existent en référence à l'architecture. Ce sont donc bien le dessin comme écriture et l'écriture en tant que dessin qui s'affirment comme les véritables ferments de cet art.

    Ce lien se vérifie alors même que F. E. Walther est étudiant à l'École d'arts appliqués d'Offenbach, époque pendant laquelle il réalise ses Wortbilder (été 1957-automne 1958), 200 gouaches sur lesquelles ne sont visibles que des lettres ou des mots.

    Ces « mots-images » cherchent et inventent une nouvelle typographie, ils sont attentifs à produire un nouveau langage dans lequel le visible et le lisible, réconciliés, seraient, aux yeux du spectateur-lecteur, également actifs. Montré au Mamco dans son intégralité, Le Nouvel Alphabet (1990-1996) rassemble un ensemble de dispositifs picturaux et sculpturaux qui sont un prolongement spatial des lettres et des mots dessinés à la fin des années 1950. Il se compose de vingt-six éléments en tissu qui représentent les lettres de l'alphabet. Ceux-ci sont accrochés sur un mur ou disposés au sol sans respecter l'ordre alphabétique et les signes qu'ils décrivent ne sont pas forcément tous immédiatement lisibles. À la manière de Rimbaud attribuant une couleur différente à chaque voyelle, les lettres volumineuses imaginées par F. E. Walther puis construites par une couturière sont toutes faites en coton teinté (rouge, orange, marron, beige, jaune, vert…). Elles peuvent être montrées comme de purs et simples objets (tableaux sur un mur ou sculpture au sol) mais aussi dépliées et utilisées par l'artiste. Par exemple les tiges qui constituent le centre de la lettre Z sont démontables. Elles deviennent des bâtons qui accompagnent et induisent un certain nombre de gestes et d'attitudes.

    Comme dans beaucoup de dispositifs créés par F. E. Walther, le sens de l'oeuvre dépend alors de l'implication corporelle du sujet agissant qui donne à l'existence de ce signe une résonance spatiale, physique, temporelle c'est-à-dire processuelle. Tout se passe alors comme si l'objectif de cette série de vingt-six lettres était d'être incorporée au spectateur-acteur, comme si le langage (tout à la fois dessin, écriture, sculpture, peinture) était destiné à s'incarner. On aura donc compris que dans le Nouvel Alphabet résonnent l'ensemble des disciplines, des techniques et des procédures explorées par F. E. Walther. C'est la raison pour laquelle il est, au sens étymologique de ce terme, une oeuvre cruciale.



    Vidéo Franz Erhard Walther





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