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L'Orientalisme et les juifs |
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Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, ParisExposition du 7 mars 2012 au 8 juillet 2012Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme de Paris présente l'exposition "L'Orientalisme et les juifs" du 7 mars 2012 au 8 juillet 2012. L'exposition "L'orientalisme et les Juifs" invite à se pencher sur la vision des Juifs comme orientaux, une image d'autant plus spécifique qu'elle renvoie à celle des Juifs occidentaux, et au souvenir du peuple, héros de la Bible. La visite invite à réfléchir à la notion même d'orientalisme définie comme la rencontre entre soi et l'autre, l'ici et l'ailleurs. Au-delà du cas particulier des Juifs d'Orient ou en Orient, l'exposition du MAHJ propose de réfléchir à l'ambivalence des représentations réalisées par les peintres des Juifs orientaux, balançant entre curiosité, fascination et perpétuation de certains stéréotypes visuels.
L'exposition présente des oeuvres d'Eugène Delacroix, Théodore Chassériau, Alfred
Dehodencq, Jean Lecomte du Nouÿ, Wilhelm Gentz, Charles Cordier, Lucien Lévy-
Dhurmer, David Roberts, Thomas Seddon, Jean-Léon Gérôme, Gustav Bauernfeind,
Alexandre Bida, Gustave Moreau, Alexandre Cabanel, Horace Vernet, Lawrence Alma-
Tadema, William Holman Hunt, James Tissot, Maurycy Gottlieb, Lesser Ury, Zeev Raban,
E.M. Lilien, Abel Pann, Reuven Rubin, Nahum Gutman...
La route vers l'Orient qu'empruntent les artistes au début du XIXe siècle leur donne l'occasion de découvrir les communautés juives des rives méditerranéennes. Cette rencontre inattendue offre un visage pittoresque à cet Orient souvent rêvé avant d'être visité. Eugène Delacroix au Maroc, Théodore Chassériau en Algérie emplissent leurs carnets d'esquisses de figures juives qui nourriront de grandes toiles, en particulier la Noce juive au Maroc de Delacroix qui occupe une place inaugurale. Ces Juifs ignorés en France et en Europe forment un groupe identifiable, car ségrégué, au sein des populations d'Afrique du Nord. Sans doute sont-ils plus accessibles aux voyageurs en raison des liens familiaux ou des réseaux qu'ils peuvent entretenir avec l'Occident. Peut-être sont-ils moins rétifs au portrait. Ils sont, dans tous les cas, des intercesseurs privilégiés du monde arabe. La synagogue, le cimetière, le Shabbat se prêtent à la mise en scène d'une dévotion traditionnelle, mais c'est sans doute la noce qui cristallise le plus l'attention. Le faste de la célébration, les danses, la richesse des costumes fascinent. L'exemple d'Alfred Dehodencq reste unique par la variété des peintures que lui inspirent les Juifs du Maroc, notamment ceux de Tanger et Tétouan dont il livre une vision passionnée et vibrante.
L'arrière-plan militaire de cette présence française en Afrique du Nord favorise cependant les
considérations raciologiques qui se développent au cours du siècle ; si le sculpteur Charles Cordier
contredit avec ses portraits algériens une ethnologie hiérarchisante des peuples, l'antisémitisme de
quelques artistes prolonge des schémas européens anciens.
L'affaiblissement de l'Empire ottoman, les intrusions militaires françaises et anglaises sur le pourtour de la Méditerranée ouvrent les portes de l'Orient à l'Europe. Dans ce "Grand Tour" des voyageurs occidentaux, célébré par les écrivains autant que par les peintres, qui les mène de l'Égypte à la Turquie, la Terre sainte occupe une place à part. Si le retour sur les sites mêmes du récit biblique répond souvent à des aspirations religieuses, un nouveau désir de connaissance guide les études philologiques et les fouilles archéologiques entreprises du pays Pharaons jusqu'à la Mésopotamie. L'Occident poursuit là une quête de ses origines. La Jérusalem révélée par les artistes est empreinte d'une grande charge symbolique. Les visions romantiques et théâtrales de Louis de Forbin ou de David Roberts traduisent l'éclat mythique de la ville et la mélancolie qu'inspire son long abandon. Si les commentaires des voyageurs sont parfois peu amènes sur le quartier juif, le spectacle du Mur des lamentations suscite plus d'empathie. Alexandre Bida ou Vassily Vereshchagin livrent des descriptions attentives et sensibles avant tout à la spiritualité du lieu. C'est une même vision spirituelle qui hante les paysages de Thomas Seddon, et un même souci d'exactitude que l'on retrouve chez Gustav Bauernfeind dans ses portraits des Juifs de Jérusalem.
Une meilleure connaissance des pays d'Orient et de leurs populations conduit à une évolution remarquable de l'iconographie biblique, où se mêlent étrangement les empreintes des mondes juif, musulman et chrétien, tout en prétendant à davantage d'authenticité. Cette quête de vérité ne s'embarrasse pas toujours de perspective historique et semble postuler que les coutumes et les costumes orientaux seraient demeurés figés dans le temps. En particulier, la difficulté à identifier des vestiges liés aux Hébreux et des royaumes d'Israël et de Judée génère d'improbables synthèses. Ainsi, Horace Vernet, imaginant Abraham tel un Bédouin contemporain, ouvre un nouveau chapitre de la représentation du monde de la Bible en opérant une "arabisation" pittoresque, mais discutée. Les découvertes de l'archéologie en Égypte et en Mésopotamie permettent à certains peintres, comme Lawrence Alma-Tadema ou Edward Armitage, de déployer de talentueuses mises en scène pour illustrer les épisodes de la vie de Joseph ou l'histoire d'Esther à la cour du grand roi des Perses et des Mèdes ; William Holman Hunt, qui place Jésus dans une synagogue au milieu de Juifs dont il a fait le portrait lors d'un voyage à Jérusalem, témoigne d'une autre manière de ces télescopages temporels propres à perpétuer des visions imaginaires. Les éditions illustrées de la Bible font alors l'objet d'un véritable engouement ; dans le sillage de Gustave Doré, James Tissot donne chair aux récits bibliques à travers un très large ensemble d'aquarelles nées d'une observation rigoureuse de la Terre sainte autant que du savoir le plus récent sur l'Orient antique. La confrontation avec la réalité de l'Orient ne parvient cependant pas à effacer les fantasmes s'exprimant à travers la figure récurrente de la belle Juive, héroïne guerrière ou femme fatale. Salomé, qui hante les artistes à la fin du siècle, résume à elle seule toute la dangereuse séduction de l'Orient faite femme.
Dans un contexte où la mission d'écrire l'épopée nationale échoit également à la peinture, quelques artistes juifs européens célèbrent les grandes heures et les tragédies de leur histoire. Ainsi le thème de l'exil à Babylone, réinterprété, devient emblématique de la dispersion juive et inspire des compositions académiques à Henri-Léopold Lévy et à Eduard Bendemann ; ce dernier réalise un tableau inspiré qui devient rapidement une référence incontournable de l'imagerie juive. Édouard Moyse aborde plus directement les scansions d'une histoire plus proche – Inquisition, Révolution, Empire – et s'attache à leur donner une hauteur classique, dans un espace intemporel mêlant Orient et Occident. Les peintres juifs, qui jouent leur intégration dans la sphère artistique au XIXe siècle, cumulent un souci de reconnaissance générale et une préoccupation vis-à-vis de leur propre histoire dans une période particulièrement agitée par les nationalismes. L'émancipation politique conduit également à un questionnement sur l'articulation entre judaïsme et christianisme, et trouve naturellement des déclinaisons nombreuses en peinture, en raison du poids des thématiques religieuses dans les diverses traditions européennes. L'oeuvre du Polonais Maurycy Gottlieb constitue le plus fascinant exemple de relecture de la douloureuse relation entre judaïsme et christianisme, et se nourrit des avatars littéraires de cette concurrence ou de cette détestation pour inverser la perspective et mettre en évidence l'histoire partagée des Juifs et des Chrétiens, dans une vision universaliste.
Conséquence de l'affaire Dreyfus et de l'antisémitisme qui se répand en Europe, le sionisme prôné
par Theodor Herzl revendique la création d'un "État des Juifs" susceptible de mettre un terme à un
exil de plus en plus cruel. Le mouvement politique s'accompagne rapidement d'une dimension
culturelle et artistique. Dès 1906, s'ouvre à Jérusalem, sous la direction d'artistes européens (Boris
Schatz, Abel Pann, Zeev Raban et Ephraïm Moses Lilien), une école d'art et d'artisanat portant le nom
de Bezalel – celui-là même qui dans la Bible fut désigné pour construire le sanctuaire du désert –,
ayant pour mission d'établir une continuité entre l'Israël antique et sa résurrection dans l'Orient
contemporain. Le projet national et le retour aux sources, alliés à l'influence des mouvements
artistiques en vogue – mouvement esthétique, Jugendstil et symbolisme, notamment –, confèrent aux
productions artistiques et artisanales de l'école un style qui se veut authentiquement "hébreu". Ce
style original trouve un nouveau développement avec l'esprit pionnier dont sont animés les artistes du
"foyer national juif" dans les années 1920, donnant lieu à une peinture volontiers teintée de
primitivisme, célébrant l'harmonie avec la terre et le paysage, et une paix rêvée entre les hommes,
tous attachés à un nouvel Orient.
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