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William Kentridgecinq thèmes |
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"William Kentridge, cinq thèmes" regroupe 40 oeuvres environ, dont beaucoup sont postérieures à l'an 2000. Prises collectivement, elles mettent en évidence l’étendue de la pratique artistique de Kentridge dans des techniques très diverses : dessin, film, collage, gravure, sculpture, décor de scène. Son intérêt de longue date pour le théâtre — il l’a montré à Johannesburg dès les années 1970 en étant le cofondateur de la Junction Avenue Theatre Company, et l’a réaffirmé récemment en collaborant à plusieurs reprises avec la Handspring Puppet Company — a contribué à la dimension dramatique, et même dramaturgique, du travail de Kentridge, l’une des rares personnes aujourd’hui à pouvoir établir des passerelles entre les arts plastiques, le cinéma et les arts de la scène. En effet, loin d’alterner ces divers modes d’expression artistique, il navigue librement de l’un à l’autre, passant du théâtre au dessin et du dessin au film. Naturellement, son oeuvre fait écho à l’expérience sud-africaine, mais elle puise aussi dans des sources européennes très variées — notamment dans la littérature, l’opéra, le théâtre et les débuts du cinéma — dont l’artiste s’inspire pour construire les personnages archétypaux qui peuplent ses récits. Ces figures incarnent et mettent en scène un univers complexe dans lequel les forces du bien et du mal sont complémentaires et inséparables.
Ces dernières années, Kentridge a opéré un profond changement conceptuel en portant un regard réflexif et néanmoins amusé sur sa relation personnelle au monde. Alors que, dans ses premières animations au fusain, il mettait en scène toute une troupe de personnages de fiction, il est désormais le personnage principal — dessinateur et auteur cinématographique — de ses propres créations. Dans ses dernières productions, plus ambitieuses dans leur propos et plus variées dans leur forme, il continue d’introduire des transitions improvisées entre la caméra et le dessin ou entre les acteurs et les images qu’ils projettent. En même temps, faisant référence aux illusions d’optique et aux mécanismes de la perception, Kentridge va au-delà des manipulations habituelles de l’animation pour faire surgir un monde conçu comme un théâtre de la mémoire.
Cette exposition s’articule autour de cinq grands thèmes qui ont mobilisé William Kentridge depuis les trente dernières années, au travers d'une importante sélection de ses oeuvres, de la fin des années 1980 jusqu’à nos jours. Mettant l'accent sur ses productions les plus récentes comme Learning from the Absurd: The Nose (2008), l'exposition révèle, pour la première fois en France, le très large éventail de son oeuvre.
Avec la création de Johannesburg, 2nd Greatest City after Paris, en 1989, Kentridge entame un cycle de courts films d'animation qui nous présentent ses personnages emblématiques : Soho Eckstein, capitaliste avide et magnat de l’immobilier, dont la conscience trouble reflète certains aspects de l’Afrique du Sud de l’époque, et son alter ego sensible, Felix Teitlebaum, qui en pince pour la femme de Soho. Felix assume souvent le rôle de substitut de l’artiste, mais, comme le dit Kentridge : « Il y a quelque chose de moi dans chacun de mes personnages…, ou tous les deux sont en moi. » En neuf films, Soho et Felix vont poursuivre leur aventure, essayant de trouver leur place dans le climat politique et social du Johannesburg des dix dernières années de l’apartheid. C’est dans cette série que Kentridge met au point sa méthode de travail fondée sur l’improvisation et son recours caractéristique à l’animation image par image (stopmotion). Par le mouvement d’images successives exécutées au fusain, il évoque l’exploitation minière locale et suggère, dans sa manière d’effacer et de retravailler continuellement ses dessins, l’érosion constante des paysages. L’état final de chaque dessin est alors un véritable enregistrement de cette succession laborieuse d’effacements et d’additions, tel un palimpseste qui exprimerait la tension émotionnelle entre l’oubli et le souvenir.
En 1975, Kentridge joue dans Ubu Rex, adaptation anglaise d’Ubu roi (1888) d’Alfred Jarry, qui relate l’histoire satirique d’un despote lâche et corrompu. Vingt ans plus tard, il reprend ce même matériau dans un nouveau contexte : celui des audiences publiques de la Commission vérité et réconciliation, chargée, vers le milieu des années 1990, d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises durant l’apartheid. « D’un point de vue sud-africain, explique-t-il, Ubu est une métaphore particulièrement puissante de la politique absurde de l’apartheid, présentée par l’État comme un système rationnel. »
Sous un même titre, Ubu Tells the Truth, Kentridge réalise deux oeuvres différentes : une série d’eaux-fortes et un film animé en rapport avec sa production théâtrale de 1996, Ubu and the Truth Commission. Dans certains des dessins les plus grands qu’il ait exécutés à ce jour, il donne une dimension monumentale à Ubu. La figure d’Ubu est inspirée de photos que l’artiste a prises de lui-même en train de jouer le rôle dans son atelier. Sur chacune des eaux-fortes du portfolio se superposent des représentations à la craie d’Ubu (inspirées des dessins réalisés par Jarry de ce personnage bête et grossier), et des dessins aux traits figurant un homme nu (réalisés à partir des photos faites dans l’atelier). Dans les collages en polyptyques et les sculptures en bronze, le défilé des figures, qui font écho aux silhouettes des marionnettes animées du film Shadow Procession (1999), évoque la volatilité politique et culturelle de cette période de l’histoire de l’Afrique du Sud, tout en faisant allusion à des situations universelles de protestations et de migrations.
Dans ces oeuvres, Kentridge part du genre classique de l’autoportrait pour mettre en scène sa démarche artistique à l’intérieur du cadre de son atelier. Il devient lui-même le sujet, qui, en toute simplicité, présente et décrit son travail créatif. « L’atelier est un espace clos, fait-il remarquer, physiquement mais aussi psychiquement ; c’est comme une tête en plus grand. Les déplacements dans l’atelier sont l’équivalent des idées qui tournent dans la tête. »
Le processus invisible qui précède l’élaboration d’une oeuvre d’art est le thème de 7 Fragments for Georges Méliès (2003), hommage au célèbre cinéaste et prestidigitateur connu pour ses truquages cinématographiques. Kentridge rend hommage à des films muets comme Le Voyage dans la lune (1902), où Méliès joue lui-même devant des décors peints. Avec Day for Night et Journey to the Moon (2003), se crée un échange entre le processus et le produit, en écho à la manière dont l’artiste joue avec les inversions de temporalité ou de tonalité. Ainsi, une séquence avec des fourmis se transforme, par inversion, en une brillante constellation d’étoiles dans un ciel nocturne. Ailleurs, l’artiste déambule dans l’atelier, effectuant des allées et venues entre la caméra et le mur où sont épinglés les dessins qui deviennent ses animations.
Les oeuvres présentées ici s'inspirent d’une production de La Flûte enchantée de Mozart, par Kentridge en 2005. Au centre de la salle, trois objets sculpturaux — deux théâtres miniatures et une installation cinématographique — projettent des films en alternance pour constituer une sorte de grand cycle dramatique. Learning the Flute (2003) fait office d’ouverture ou d’acte introductif. Projeté sur un tableau noir, ce film devient un carnet d’esquisses pour l’ensemble du spectacle. Preparing the Flute (2005) est une oeuvre initialement créée sous la forme d’une maquette à grande échelle pour tester les projections, celles-ci jouant un rôle très important dans la mise en scène de l’opéra par Kentridge. En opposant le film positif et le film négatif et en mettant en relief le conflit symbolique entre la Reine de la nuit et le grand prêtre de la lumière Sarastro, ces oeuvres sont une réflexion sur le dualisme de la morale des Lumières tel qu’il s’exprime dans l’opéra de Mozart.
Si les oeuvres sur le thème de La Flûte enchantée font références aux Lumières et à leur dialectique, un second théâtre miniature, Black Box / Chambre noire (2005) illustre le côté plus sombre des politiques menées en leur nom. Pour Kentridge, en effet, cette installation est une réflexion sur « les dégâts du colonialisme, qui présentait ses prédations comme une façon d’apporter les Lumières au Continent noir ». Black Box fait référence à la révolte des Hereros dans les colonies allemandes de l’Afrique du Sud-Ouest (aujourd’hui la Namibie), de 1904 à 1907, et à leur extermination par les Allemands. En guise de coda à The Magic Flute, l’installation What will Come (has already come) de 2007, évoque l’invasion de l’Abyssinie (Éthiopie) par Mussolini en 1935, à l’époque de l’Italie fasciste. Des images déformées, projetées sur une surface plane, se reconstituent dans un miroir cylindrique : une façon de suggérer la nature cyclique de l’histoire et les distorsions auxquelles elle se prête.
La dernière oeuvre de Kentridge est liée à sa mise en scène de
The Nose, opéra produit par le Metropolitan Opera, et dont la
première a eu lieu à New York au printemps 2010. Créé en
1930, Le Nez est un opéra de Dmitri Chostakovitch d'après une
nouvelle, fondée sur l'absurde, écrite en 1936 par Nikolaï
Gogol. Son intrigue relate l’histoire d’un fonctionnaire de Saint-
Pétersbourg dont le nez, qui disparaît un beau matin pour se
transformer en un haut fonctionnaire de l’État, refuse de
retourner sur le visage auquel il appartient. I am not me, the horse
is not mine (2008) est une installation composée de huit
fragments de films. Prenant pour point de départ l’histoire de
Gogol, elle mène une réflexion sur l’avant-garde révolutionnaire
dans l’art russe et sur sa répression dans les années 1930. Selon
les mots mêmes de l’artiste, elle « prend pour base la nouvelle
de Gogol, ses antécédents littéraires et sa destinée possible
pour s’interroger sur l’inventivité formelle des différents courants
du modernisme russe et sur la fin calamiteuse de l’avant-garde
russe ». Le titre de l’oeuvre [« Je ne suis pas moi, le cheval n’est
pas à moi »] est un dicton russe traditionnellement utilisé pour
nier toute responsabilité, dicton que l’artiste a découvert dans le
procès-verbal de la déposition que Nikolaï Boukharine fit, en
1937, devant le plénum du Comité central du parti communiste
soviétique. Un des films présente des extraits de ce procèsverbal.
S’inspirant du graphisme très contrasté qui caractérise
l’art constructiviste russe, Kentridge crée une imagerie très
personnelle et pleine de vie, en combinant l’animation, image
par image, de figures découpées dans du papier avec des
fragments d’archives et des séquences filmées.