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Traces de rêves
Peintures sur écorce des Aborigènes d’Australie

Musée d’ethnographie de Genève

Exposition du 17 septembre 2010 au 27 février 2011


L’Australie, une grande île, découverte au XVIIIe siècle et décrétée Terra nullius par les nouveaux arrivants. Depuis 60 000 ans, des populations habitaient cette terre immense qui avait été façonnée au Temps du Rêve par des êtres ancestraux.

La rencontre de ces deux visions du monde fut brutale et implacable. Les Aborigènes d’Australie, opprimés et débordés par la colonisation, n’ont cessé depuis de lutter pour faire entendre leur voix et reconnaître leurs valeurs.

Pour atteindre ce but, les Aborigènes se servent de leur art et notamment d’écorces d’eucalyptus sur lesquelles les artistes représentent leur réalité, quotidienne et mythologique. Ces peintures sont exposées non seulement dans les musées d’ethnographie mais aussi dans les musées d’art et les galeries du monde entier, elles sont devenues les «porte-parole» de leurs revendications et elles sont aussi la preuve de la vitalité et de la flexibilité de leur culture.

L’exposition «Traces de rêves» réunit la fascinante collection de peintures sur écorce du MEG – 43 peintures récoltées entre 1955 et 2010 – ainsi que 30 oeuvres empruntées à d’autres musées suisses de Bâle, Neuchâtel et Môtiers. Ces peintures – directement collectées dans le nord de l’Australie – sont présentées à travers sept thèmes entre vie profane et vie sacrée, bestiaires, esprits et mythes, pour mieux questionner la relation entre art, identité, politique et marché.

Pourquoi les esprits Wandjina n’ont-ils pas de bouche, pourquoi faut-il se méfier des symboles qui ressemblent à de petites fleurs, pourquoi certaines écorces ne peuvent-elles pas être montrées au public et comment une femme mit le feu à son mari, le crocodile Bäru, et à toute une région? Autant de mystères à découvrir dans l’exposition et le catalogue qui l’accompagne.



"La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas." Georges Duby

Le 26 août 1768, le capitaine James Cook, avec un équipage de près de cent personnes dont quelques scientifiques, quitta le port de Plymouth (Royaume-Uni) à bord de l’Endeavour pour se diriger vers le Sud. C’était son premier voyage d’exploration dans l’océan Pacifique (1768-1771) qui avait pour but d’observer le transit de Vénus du 3 juin 1769 et de trouver un hypothétique continent austral. Longeant la côte sud-est de l’Australie, l’Endeavour jeta l’ancre le 20 avril 1770 dans une vaste baie baptisée tout d’abord Stingray Bay – en allusion aux nombreuses raies observées – puis renommée Botany Bay à cause des innombrables espèces découvertes par les botanistes Joseph Banks, Daniel Solander et Herman Spöring. James Cook prit alors possession des terres australes orientales (Nouvelle-Galles du Sud) au nom du roi Georges III pour le compte de la Cour royale d’Angleterre. Le rapport de l’explorateur à Londres déclarait l’Australie Terra nullius, principe qui justifia la colonisation de l’Australie par les Britanniques et l’expropriation des terres aborigènes.

Au siècle suivant, les anthropologues évolutionnistes se fixèrent comme but de reconstituer l’histoire de l’humanité. Tout en reconnaissant que l’espèce humaine ne faisait qu’une, ils partirent de l’hypothèse que chaque société passait par des stades évolutifs identiques – la sauvagerie, la barbarie et enfin la civilisation – dont la société victorienne était l’étape la plus avancée. Dans la classification faite par Lewis Henry Morgan dans Ancient Society en 1877, les Aborigènes, ainsi que les Polynésiens, étaient classés comme appartenant au stade moyen de l’état sauvage, le plus ancien que comptaient les sociétés vivantes, donc comme les peuples les plus primitifs de la Terre. Ne pratiquant ni l’agriculture, ni l’élevage, ni la métallurgie, ni le tissage, ces chasseurs-cueilleurs étaient également jugés dépourvus de toute sensibilité artistique. Plus tard, des recherches anthropologiques menées sur le terrain ont montré que la réalité était bien différente. Un premier pas sur le chemin de la reconnaissance de la richesse de la culture aborigène fut franchi quand, en 1912, l’anthropologue Baldwin Spencer passa commande d’une série d’écorces peintes à des habitants de la Terre d’Arnhem. Jusque-là, les écorces constituaient les murs d’abris temporaires sur lesquels on s’exerçait à peindre soit les motifs reproduits ensuite sur les corps au cours de rituels, soit des représentations du monde environnant, tant réel que mythique. Les peintures sur écorce, tout en conservant des qualités symboliques et rituelles accessibles aux seuls initiés, servirent dès lors de monnaie d’échange et entrèrent progressivement sur le marché de l’art.

Ainsi, les musées occidentaux ont pu récolter des écorces grâce à l’intérêt précoce d’anthropologues, de missionnaires et au cours d’expéditions de recherches comme seule la découverte de mondes inconnus en a engendré. Dans les années 1950, on découvre les peintures des Aborigènes et on commence à les apprécier pour leurs qualités esthétiques. Mais elles revêtent également une importance politique. Au cours des dernières décennies, elles ont été employées pour exprimer les droits des Aborigènes et leurs revendications territoriales. Des peintures représentant des cartes géographiques de lieux et d’événements mythiques furent produites devant les tribunaux pour soutenir leurs requêtes: c’est ainsi que de nombreux groupes aborigènes ont pu retourner vivre sur les terres de leurs ancêtres.

Ces peintures, en s’adressant aux non-Aborigènes, véhiculent aussi d’autres messages: elles nous rappellent que les Aborigènes vivent dans des conditions où il est difficile d’exister avec dignité. Elles témoignent de ce qui est important pour eux et de ce qui fait leur identité. Les Aborigènes souhaitent que l'on entende une autre version de leur histoire, de leur vision du monde et veulent participer aux discours tenus sur leur culture et sur leur art. Depuis 60'000 ans, ils se transmettent ces précieux récits, expériences et perceptions de génération en génération. Leur peinture rupestre était en effet déjà pratiquée bien avant l’époque des fresques paléolithiques d’Altamira et de Lascaux.

Aujourd’hui, la culture des Aborigènes d’Australie, et en particulier leur production artistique, suscite l’intérêt et l’admiration des spécialistes et du grand public. Entre-deux, la route fut longue et parfois brutale pour cette population privée de territoires, d’identité, de respect ou de tout autre attribut positif et à qui on imposait de vivre dans un contexte et selon une logique qui n’étaient pas les siens.

Tout comme la signification des écorces peintes se décline sur plusieurs niveaux, la lecture qu’on peut en faire mène en différents lieux symboliques, thématiques, historiques, géographiques ou académiques. Les écorces parlent d’un peuple, d’une histoire, d’un continent, d’une pratique mais aussi, comme un miroir en retour, de ceux qui ont consacré une partie de leur vie à découvrir et à étudier l’«Autre». Dans ce processus de reconnaissance de «l’Autre aborigène», Genève et la Suisse, qui très tôt se sont intéressées à cette forme d’art, occupent une position privilégiée. Nous faisons référence à Georges Barbey, Maurice Bastian, André Jeanneret, Marguerite Lobsiger-Dellenbach et plus récemment Claude Presset. Et nous ne devons pas oublier que Karel Kupka a réuni une importante collection de peintures sur écorce pour le Museum für Völkerkunde de Bâle, sous l’impulsion d’Alfred Bühler, alors directeur du musée et professeur d’ethnologie à l’Université de Bâle. Dans le même sens, le musée Rath de Genève oeuvra en précurseur, en inaugurant, le 13 mai 1960, une importante exposition sur l’Australie et ses premiers habitants. Cette exposition, organisée par Marguerite Lobsiger-Dellenbach, alors directrice du Musée d’ethnographie, présentait pour la première fois à Genève plus de 600 objets – tous issus de ses propres collections – témoignant de la culture des Aborigènes d’Australie.

Nous sommes honorés d’avoir pu organiser cette exposition «Trace de rêves. Peintures sur écorce des Aborigènes d’Australie» au sein de laquelle nous présentons une sélection de peintures sur écorce du MEG, enrichie d’oeuvres généreusement prêtées par d’autres institutions suisses (le Museum der Kulturen de Bâle, le Musée d’ethnographie de Neuchâtel et le Musée d’art aborigène australien «La grange» à Môtiers).

Un mot de ce titre revêt une signification essentielle: «trace», qui indique quelque chose que l’on laisse derrière soi, volontairement ou pas. La trace témoigne de l’existence des Aborigènes auprès de leurs concitoyens, des autres peuples indigènes, de la communauté artistique et du monde en général. Elle est une des manifestations visibles de la trajectoire du peuple aborigène. Les écorces peintes sont une preuve matérielle de l’existence des populations aborigènes, de la vitalité et de la flexibilité de leur culture. Elles viennent du passé, un passé réel et un passé mythique qu’elles signifient, et s’adressent au futur vers lequel elles sont résolument tournées. Les écorces, comme d’autres médias artistiques utilisés par les Aborigènes, sont les empreintes d’un peuple sur le monde, qui sèment et transmettent différents messages dans leur sillage.

Dans ce magnifique voyage à la découverte de la peinture sur écorce aborigène, de nombreuses personnes nous ont accompagnés, guidés, aidés: nous aimerions remercier cinq d’entre elles en particulier, les membres du comité scientifique réuni pour cette exposition. Il s’agit de Jessica De Largy Healy, anthropologue franco-australienne affiliée au Laboratoire d’anthropologie sociale à Paris, qui a vécu plusieurs années en Australie; Barbara Glowczewski, directrice de recherche au CNRS et professeure à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris); Luke Taylor, directeur adjoint de l’AIATSIS (Australian Institute of Aboriginal and Torres Strait Islander Studies) et professeur adjoint à l’Université de Canberra; Howard Morphy professeur d’anthropologie et directeur de la Research School of Humanities à l’Australian National University de Canberra. Ces spécialistes de renommée internationale ont accepté de nous soutenir dans ce projet et nous ont guidés dans la compréhension d’une culture dont le raffinement égale la complexité. Et, dulcis in fundo, nous tenons à remercier chaleureusement Joseph (Joe) Neparrnga Gumbula dirigeant yolngu et chercheur à l’Université de Sydney, descendant d’une famille de leaders et d’artistes dont les peintures sur écorce sont représentées depuis les années 1920 dans les principales collections ethnographiques du monde. Avec sa sensibilité et sa conscience, il nous a permis d’entamer une collaboration avec son peuple pour que notre exposition puisse être organisée dans le respect de leur culture.

Nous espérons, à travers cette exposition et le catalogue qui l’accompagne, avoir ajouté une petite pièce au puzzle de la compréhension que nous avons de l’art et de la culture aborigènes d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que de la nôtre.



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