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Raoul et Jean DufyComplicité et rupture |
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Musée Marmottan Monet, ParisExposition du 14 avril au 26 juin 2011Profondément marqué par la peinture nouvelle exposée au Salon d’Automne en 1905, Raoul Dufy rejoint les fauves. Ses oeuvres – qui décrivent le midi (Marseille, Martigues) et sa Normandie natale – se distinguent de celles des autres membres du groupe par leur portée narrative (14 juillet, 1906, collection particulière). À partir de 1908, Raoul s’intéresse au cubisme dont il propose vers 1910-1914 une interprétation personnelle fondée sur le rendu des volumes, la simplification des formes et la réintroduction de la couleur et des courbes (Le Casino Marie-Christine, 1910).
Les premières peintures de Jean qui nous sont parvenues datent de l’immédiat après guerre. Les vues de la campagne limousine témoignent de son intérêt pour Cézanne dont il retient la touche fragmentée, la schématisation des formes et la palette aux teintes terreuses. L’équilibre de la composition, l’étagement des plans et l’alternance de zones sombres et claires suggérant la profondeur, le rattachent en revanche à une conception plus classique du paysage. Cette tendance à opérer la synthèse entre tradition et avant-garde s’affirme comme l’une des principales caractéristiques de son oeuvre.
La mer est au coeur de l’oeuvre des Dufy. « Raoul est le peintre du balnéaire, Jean celui du portuaire » comme l’écrit Didier Decoin. Leurs paysages côtiers de la Manche et de la Méditerranée illustrent à merveille la place prépondérante du bleu dans leur oeuvre, dont ils déclinent, l’un et l’autre, les nuances, des plus profondes aux plus claires. Leurs tableaux servent une même vision hédoniste du monde maritime dont seul Raoul se départit à la fin de sa vie avec la série des cargos noirs. Ces marines illustrent également à partir de 1920 leurs conceptions différentes de la lumière et de l’espace et par là même l’originalité de l’oeuvre de chacun.
L’aquarelle occupe une place majeure dans l’oeuvre des frères Dufy. Marines, champs de courses, fenêtres ouvertes, scènes de la vie parisienne et « les fleurs qui portent naturellement la couleur », pour citer Raoul, sont l’occasion d’innombrables aquarelles. C’est aussi à l’aquarelle que les deux frères conçoivent des modèles de décors pour tissus et céramiques, ce qui leur garantit des revenus réguliers jusqu’au milieu des années 1930.
En hommage à Matisse, qui le premier avait aboli la représentation des limites entre intérieur et extérieur, les Dufy adaptent le thème des fenêtres ouvertes. Vérandas et terrasses déclinent la même idée et mettent en évidence l’usage singulier que chacun des frères fait de la couleur. Raoul simplifie sa peinture et définit sa théorie de la « couleur – lumière ». Il réduit sa palette, dispose ses aplats de couleurs pures en bandes verticales et horizontales, pour structurer l’espace et diffuser la « lumière de la peinture » qu’il oppose à la lumière solaire. Jean, au contraire, complexifie sa peinture selon un procédé que l’on pourrait qualifier « d’espace – couleur ». À travers un réseau de damier coloré, il fait éclater la couleur et démultiplie l’espace. Le blanc qui nuance les teintes évoque les reflets du soleil et illustre l’attachement de Jean à une conception naturaliste de la lumière.
Le cirque est l’un des thèmes majeurs de Jean. Ces oeuvres, empreintes de poésie, décrivent un spectacle vivant dont Jean cherche à restituer l’authenticité et l’exigence. « Les documents sur le cirque, je les ai pris sur la piste », écrit-il dans ses carnets. Il en découle des oeuvres rares où l’armature sous-jacente de ses tableaux, souvent dominée par des obliques et des droites, cède la place à des jeux de courbes et contre-courbes évoquant l’arabesque du corps des Trapézistes (vers 1923-24, collection particulière) ou le mouvement fougueux d’un cheval cabré (Le Cirque, 1927, collection particulière). Jaunes et ocres de la piste se combinent aux rouges et bleus des tentes et des costumes et composent une palette nouvelle.
À l’occasion de l’Exposition Internationale de Paris, la Compagnie parisienne de distribution d’électricité commande à Raoul en 1936 la décoration du Palais de l’électricité et de la lumière. Pour réaliser en moins d’un an cette « fresque » de 600 m2 ayant pour thème l’histoire de la découverte de l’électricité, Raoul sollicite la collaboration de son frère. Jean est chargé de constituer la documentation iconographique et de retrouver les portraits de savants. Durant cette période, il se consacre entièrement au projet et met entre parenthèses son oeuvre personnelle. Lors de la présentation de l’oeuvre à la presse, Raoul omet de mentionner la participation de son frère, ce que Jean ne lui pardonnera jamais. Dès lors, les relations des deux frères deviennent aussi distantes qu’elles avaient été proches.
Source d’une abondante production, les oeuvres « équestres » de Raoul et Jean sont pourtant très singulières et décrivent des univers différents. Raoul s’intéresse aux sports hippiques et se fait une spécialité de la représentation de courses, paddocks et haras. Le motif des chevaux lancés au galop, rapidement esquissé, rend particulièrement lisible son évolution stylistique vers un graphisme indépendant. Pour sa part, Jean peint les promenades à cheval et restitue l’atmosphère huppée de la Porte Dauphine et du bois de Boulogne. Les allées cavalières des années 1927-1930 témoignent de ses qualités de coloriste et de son intérêt pour la représentation de la nature.
À partir de 1945, Raoul Dufy consacre une importante série de peintures au thème musical. Il en représente toutes les variantes, du violon jusqu’à l’orchestre, offrant un ensemble aux significations multiples et intimes. Portrait emblématique du peintre musicien, Le Violon rouge (1948, MNAM) signé « musique et peinture de Raoul Dufy » rappelle que Raoul est issu d’une famille de musiciens et laisse deviner l’importance de la musique dans sa vie et dans son art. Ces oeuvres réalisées au soir de sa vie illustrent l’évolution de sa palette vers la monochromie.
Paris, ses monuments et ses perspectives, offre aux deux frères un thème inépuisable,
particulièrement prisé des collectionneurs. Raoul et Jean déclinent à
l’envie les vues de la capitale auxquelles s’ajoutent – dans le cas de Raoul – celles
de sa ville d’adoption, Nice. Les versions postérieures à 1945 sont nombreuses
et reflètent la dernière manière des Dufy. Pour la première fois, alors que Raoul
et Jean ne se côtoient plus, leurs styles convergent vers un graphisme initié par
Raoul et subtilement réinterprété par Jean.
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