Bonnard en Normandie

Au cours des années 1910-1938, l’artiste porte un intérêt tout particulier au portrait et à l’autoportrait . Il n’est pas toujours possible de déterminer si ces oeuvres ont été peintes en Normandie ou ailleurs, mais cette section permet d’évoquer les figures qui jouent un rôle prépondérant dans la vie de Bonnard à cette époque où sa célébrité ne cesse de croître. Claude Monet, George Besson, Thadée et Reine Nantanson, les frères Josse et Gaston Bernheim, le couple Hahnloser… autant de figures qui, à des titres très divers, comptent dans la vie de Bonnard à cette époque. Si Marthe, rencontrée vers 1893, est constamment aux côtés de l’artiste qui l’épouse en 1925, d’autres figures féminines comme celle de la jeune Renée Monchaty font irruption dans son oeuvre et lui offrent de nouvelles sources d’inspiration.

En introduction, cette section présente une sélection d’oeuvres peintes de 1900 à 1909 dans la Vallée de la Seine et en Normandie. Elle montre l’intérêt grandissant de Bonnard pour la nature et l’évolution de sa conception du paysage au cours des années qui précèdent l’acquisition de La Roulotte.

Vue sous divers angles, la maison de Vernonnet devient dès 1910 un thème récurrent dans l’oeuvre de l’artiste. Elle est très reconnaissable avec son balcon de bois et la vue qu’elle offre sur le jardin et sur la Seine. Les espaces intérieurs de La Roulotte sont plus difficiles à identifier, car ils ont été modifiés. La datation des oeuvres, souvent longuement retravaillées, est imprécise. De plus, Bonnard voyage beaucoup à cette époque et nous ne savons pas toujours où il trouve l’inspiration. Un travail d’identification des différents espaces de la maison a permis de préciser le décor du salon, des deux salles à manger, du cabinet de toilette ou de la salle de bains… Cette section présentera des scènes d’intérieur, des nus et des natures mortes.

Le jardin, « sauvage » ou « inculte », devient un de ses sujets de prédilection. Progressivement, sa représentation évolue jusqu’à devenir un « puzzle » coloré, où l’espace unifié affirme ses deux dimensions. À l’inverse, la terrasse avec la vue qu’elle offre sur le jardin et la Seine inspire à l’artiste de vastes compositions longuement élaborées qui s’inscrivent dans la tradition des grands décors peints.

À Vernonnet, Bonnard conserve l’habitude prise à Paris de se promener quotidiennement, à pied ou en barque. Ces explorations le mènent à la ferme voisine, sur les coteaux qui surplombent la « grande vue de Vernon », dans les méandres de la Seine et de ses îles. Elles lui inspirent des tableaux qui évoquent une nature foisonnante, une Arcadie normande.

Comme Monet, et tant d’autres peintres contemporains, Bonnard manifeste alors un intérêt tout particulier pour la peinture décorative. Dès 1906, l’artiste a réalisé un important ensemble de toiles pour son amie Misia, devenue Madame Edwards. Au cours des années 1910- 1920, il peint encore plusieurs ensembles décoratifs destinés à une clientèle privée. Souvent, les paysages de Vernon et des environs servent de toile de fond à ces décors idylliques.

Quand Bonnard achète la maison du Bosquet au Cannet en 1926, il ne renonce pas à La Roulotte dont il ne se sépare qu’en 1938 et où il séjourne toujours régulièrement. Il se rend aussi sur le littoral normand, surtout après la mort de Monet. Il loue des maisons ou des appartements meublés près de Deauville. À cette époque où il alterne les séjours méditerranéens et normands, Bonnard atteint à la maîtrise d’un langage artistique prodigieusement original.

Au cours de la période qui nous intéresse, Bonnard dessine avec ardeur. Au-delà des nombreuses « notes », détails ou idées de compositions, qui constituent une documentation, un répertoire visuel, destiné à nourrir le lent travail d’élaboration de l’oeuvre à l’atelier, l’artiste signe aussi à cette époque des dessins plus poussés. Exigeant dans le domaine du graphisme comme dans celui de la peinture, il explore les diverses techniques du dessin et invente un langage très personnel. Réalisées à l’aquarelle, à la gouache, à la plume ou à la mine de plomb, ces oeuvres à part entière mêlent souvent des techniques diverses. Elles sont alors signées et destinées à être exposées, au même titre que les tableaux. Un important ensemble de dessins, souvent inédits, évoquera cette part encore trop négligée de l’oeuvre de Bonnard.