Erró, le fou d’images

Le choix de présenter l’oeuvre d’Erró tient à ce qu’elle est emblématique d’une époque où l’image est reine. Figure majeure de cette tendance que l’on désigne sous le label de « Figuration narrative » et que vient d’historiciser une très importante exposition au Grand Palais à Paris, Erró s’est inventé un style « pop baroque » tout à fait personnel. Son art qui en appelle aux pratiques mêlées du collage, du dessin et de la peinture emprunte ses structures et schémas narratifs aux sources iconographiques les plus diverses.

Fasciné par le monde des images issues des cultures les plus diverses, il collectionne tout ce qu’il peut glaner ici et là au travers de la bande dessinée, des comics, de la presse alternative, de la publicité, des dessins d’illustration et autres publications marginales. Il exploite ce réservoir d’images pour réaliser tout un monde de petites saynètes tour à tour drolatiques, ironiques ou militantes qu’il transpose sur la toile et où tout se télescope dans une détonante jubilation formelle et chromatique.

Les trois ensembles de travaux présentés au musée de Louviers ponctuent les trois dernières décennies permettant au regard d’appréhender l’oeuvre du peintre dans son invention plastique. Faites d’après des collages, Les Lettres d’amour japonais (1979-1980) sont le fruit de la découverte par Erró au cours d’un voyage qu’il effectua au Japon d’archives relatives à des figures rebelles qui ont marqué l’histoire de leur pays. La série Target Practice (1995), réalisée à partir d’aquarelles, ne repose pas sur une idée précise mais accumule toutes sortes de références visuelles qui sont autant de témoignages de l’époque. Enfin, les peintures réunies sous le titre E-mail breakfast (2000-2001) qui offrent à voir des compositions très fluides où tout est intriqué procèdent d’une pratique plus libre s’apparentant à celle du puzzle. Peintures à l’huile ou glycérophtaliques, toutes les oeuvres réunies à Louviers sont directement issues de l’atelier de l’artiste et reflètent bien cette folle invasion d’images qui en fait un lieu unique au monde.