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Eleanor AntinClassical Frieze |
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Galerie Erna Hecey, BruxellesExposition du 22 novembre 2009 – 9 janvier 2010"Classical Frieze" témoigne de l'attrait qu'exerce sur Eleanor Antin le genre de l'allégorie, la mythologie classique et l'interprétation d'identités d'emprunt – attirance qui s'exprime tour à tour par l'écriture, la performance, la photographie, la vidéo et le cinéma. Née et élevée à New York, Antin s'est établie à la fin des années 1960 en Californie du sud, où elle s'est mise à incarner des caractères stéréotypés de la Côte Ouest, tel ce Roi de Solana Beach, monarque bienveillant qui prend soin de ses sujets et qui défend la probité de son "royaume" contre la rapacité d'investisseurs immobilier. Depuis, Eleanor Antin n'a de cesse de mettre en scène, avec une bonne dose d'humour, la lutte entre le regard omniscient du patriarche supême (qu'il soit Roi de Solana Beach, dieu du panthéon ou Staline) et les intérêts à court terme d'individus motivés par l'appât du gain et de la luxure. Inévitablement, ces désirs contrecarrent tout espoir d'imposer un pouvoir centralisé et autocratique, puisqu'ils donnent naissance aux mythes dont la répétition et les variations au fil des siècles les empêchent de se conformer aux discours démagogiques et totalitaires. Dans les sept "tableaux" photographiques de "Classical Frieze", sélectionnés pour l'exposition Eleanor Antin poursuit sa cartographie transhistorique de (stéréo)typographies culturelles, où se voient superposés le bassin méditérranéen aux paysages ensoleillés de la Californie, l'antiquité classique à des aperçus de nos sociétés contemporaines. Les images s'attachent en particulier à illustrer la vie d'Hélène, qui, selon les auteurs, fait état des vicissitudes d'une femme dont la beauté déclencha la guerre de Troie, ou les exploits d'une héroïne dotée d'une volonté de fer qui lui permit de mener à bien ses ambitions politiques. Eleanor Antin montre les deux faces de la personnalité ambiguë d'Hélène, révélant la complexité d'une figure, qui, "après trois mille ans de renom », "reste curieusement muette, bien qu'étant la plus belle et désastreuse objectification de l'angoisse et du désir masculins." En mêlant, de surcroît, mythologie grecque et romaine et des références artistiques – soit de "grandes" références, comme Rubens, Géricault et Couture, soit des références "mineures", comme certains genres de photographie (Willhelm von Gloeden) ou de cinéma (de Cecil B. DeMille à Ridley Scott) – "Classical Frieze" raconte l'histoire d'un héritage culturel commun, appelé parfois "judéo-chrétienne" ou "du livre", tout en suggérant une symmétrie entre l'essor et le déclin d'empires et les bouleversements cycliques de nos systèmes politiques et financiers.
L'allégorie, pour Eleanor Antin, constitue "la méthode la mieux adaptée pour relater notre situation existentielle
désespérée." L'allégorie est aussi ce qui permet à ses photographies de fonctionner comme des radiographies
socio-culturelles, ramenant simultanément chaque couche narrative à la surface de l'image, avec une attention
minutieuse au détail "naturaliste" propre à la peinture académique, à la photographie picturale du tournant du
siècle dernier et au cinéma épique hollywoodien. Mais plutôt qu'un processus homogénisant de traduction
historique, ces images allégoriques engendrent un excès de sens, une multiplication au lieu d'une réduction de
choix d'interprétation – ce que l'historien de l'art Max Kozloff nomme la volonté de "métraduction"
("mistranslation") d'Eleanor Antin.
Proserpine Welcomes Helen (2007) revisite un autre épisode "imaginaire" de la vie d'Hélène – "imaginaire", car la scène restituée par Eleanor Antin ne figure dans aucun des récits antiques – lorsqu'elle est accueillie à bras ouverts aux enfers par Proserpine (ou Perséphone dans la tradition grecque, femme d'Hadès et maîtresse de ces lieux en principe inhospitaliers). Dans Plaisir d'Amour (2007), Eleanor Antin illustre une autre scène omise de la biographie officielle d'Hélène. Composé d'après la peinture de Thomas Couture de 1847, La décadence des Romains, maintenant au Musée d'Orsay, Plaisir d'Amour représente le couple de Pâris et d'Hélène au plus bas de leur relation : en attendant le siège de Troie par l'armée grecque, les deux amants essayent, en vain, de se distraire, en prenant part à contrecoeur à une orgie. Enfin, The Tourists (2007) accentue encore plus le brassage allégorique de références. On y voit un soldat blessé – emprunté au Radeau de la Méduse – suppliant les deux Hélènes ; mais les jumelles n'en ont cure : insouciantes, elle s'en vont au marché, portant le dernier cri en matière de toge, avec des paniers chics au bras.
L'ambivalence de la personnalité d'Hélène fait écho aux deux registres techniques entre lesquels les
compositions d'Eleanor Antin oscillent : celui du cinéma, où la vitesse de la pellicule à 24 images par seconde
produit un effet diachronique, et celui de la photographie, où l'effet de réel est assuré par la vitesse de l'ouverture du diaphragme. Entre la capacité qu'a le cinéma de raconter des histoires et celle de la photographie de convaincre de l'objectivité de son témoignage instantané, les images d'Eleanor Antin sont au médium ce que
l'hermaphrodisme est au genre : une unité instable de contraires, à la fois excessivement réelle et fictive. Un film court d' Eleanor Antin, intitulé lui-aussi Classical Frieze, fera partie de l'exposition : il décrit la manière – digne des superproductions hollywoodiennes – dont l'artiste photographie ses fresques historiques.
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