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Artemisia |
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Musée Maillol, ParisExposition du 14 mars 2012 - 15 juillet 2012Le Musée Maillol présente l'exposition "Artemisia". A voir à Paris à partir du 14 mars 2012. A l'aube du XVIIe siècle dans la société italienne, les femmes sont considérées comme mineures à vie, appartenant à leur père, à leur mari, à leurs frères ou à leurs fils. Artemisia Gentileschi, fille d'Orazio Gentileschi, l'un des plus grands peintres de la Rome Baroque, brise alors toutes ces lois en n'appartenant qu'à son art. En quête de sa propre gloire et de sa liberté, Artemisia travaille pour des princes et des cardinaux, gagne sa vie à la force de son pinceau, et construit son oeuvre, inlassablement. Par son talent et sa force créatrice, Artemisia devient l'un des peintres les plus célèbres de son époque, l'une des plus grandes artistes de tous les temps. Le drame de sa vie personnelle, le viol qu'elle a subi dans sa jeunesse, et le retentissant procès que son père intentera par la suite à son agresseur, l'artiste Agostino Tassi, marquent profondément sa vie et sa carrière. Ce scandale contribue à occulter son génie.
Comme Le Caravage, il faudra attendre plus de trois siècles pour qu'Artemisia Gentileschi soit à
nouveau reconnue et universellement appréciée.
Quelle idée l'illustre peintre Orazio Gentileschi a-t-il eu de transmettre les secrets de son art à sa fille ? Quelle folie ? Certes, comme les artisans qui travaillent de leurs mains, les artistes se servent de leurs enfants, ils en font leurs apprentis et leur lèguent le métier. Certes, les malheureux qui ne comptent pas de garçons dans leur descendance utilisent ce que Dieu leur a donné, leurs filles, pour les seconder et les servir, oui. Elles tiennent leur maison, elles cuisinent, elles cousent, elles filent. Eventuellement elles broient leurs couleurs et font chauffer leurs huiles. Avant d'être placées au couvent, ou données en mariage à l'un des apprentis du maître, qui sera, lui, l'héritier du savoir et reprendra l'atelier. Vierge, épouse, religieuse ou prostituée : hors de ces quatre voies, point de salut. Une femme n'a pas d'autre place dans la société. Prétendre transformer une femme en artiste est une aberration. Et pour cause !
Faire carrière, sans l'autorité d'un homme au-dessus d'elle, lui sera totalement interdit. Considérée comme mineure à vie, une femme-peintre ne peut pas signer un contrat, sans la garantie masculine d'un tuteur. Elle ne peut pas acheter ses couleurs. Elle ne peut pas toucher un paiement. Elle ne peut pas détenir un passeport. Impossible pour elle de gagner sa vie, seule. Impossible de voyager, seule. Non seulement à Rome mais partout en Europe, même à Florence : pour qu'une artiste, musicienne, cantatrice ou peintre, figure sur la liste des salariés du Grand duc, elle doit être unie à un homme qui exerce la même profession qu'elle. Le mariage avec un confrère est une condition sine qua non. Une femme ne peut faire carrière qu'en association avec son époux. Le mariage. Ce sera exactement ce que promet Agostino Tassi à Artemisia, la fille de l'illustre Orazio Gentileschi, son collaborateur, après l'avoir violée et déflorée : réparer son déshonneur en l'épousant et en la faisant travailler avec lui. Le malheur voudra qu'il lui mente. Il ne peut pas l'épouser car il est déjà marié. En cette année 1610, Orazio Gentileschi, crie vengeance : il appelle la défloration de sa fille « mon assassinat ». Le mot n'est pas une vaine figure de style. Le déshonneur d'une fille signifie en effet la mort du père et la fin de toute sa lignée. Il réclame justice. Mais Orazio Gentileschi ne peut s'en prendre qu'à lui-même ! Sa fille a aujourd'hui dix-sept ans. Il ne la donne pas en mariage, il ne la met pas au couvent : il la garde pour lui. Artemisia est la seule « garzone » de sexe féminin - la seule apprentie - dans tout le quartier des artistes. L'étrangeté de son statut dans ce monde d'hommes, les bruits qui courent sur sa beauté et sur son talent suscitent la curiosité des peintres. Ils en rêvent et la convoitent. Eux-mêmes sont âpres, ambitieux, ils ne reculent devant aucune violence pour évincer un rival, ils ne fréquentent que des prostituées. En un temps où la justice interdit aux peintres de déshabiller leurs modèles et veut qu'on rende les subtilités des formes féminines en s'inspirant de l'anatomie de jeunes garçons, les courtisanes se répandent dans les ateliers et vendent grassement leur temps de pose. Leurs tarifs sont proportionnels aux risques... Faramineux ! Heureux le peintre tant aimé des hétaïres qu'il peut, lui, reproduire leur anatomie gratuitement. Mais bien plus heureux encore Orazio Gentileschi qui dispose de sa propre fille pour représenter Suzanne nue, et l'observer aussi longtemps qu'il lui plaira sans qu'il lui en coûte rien.
Cette fille, infiniment plus douée que ses garçons, il la forme depuis l'enfance afin qu'elle le soulage, lui, des commandes les plus pressées. Artemisia prépare ses toiles, elle brosse ses fonds, elle termine ses tableaux. Elle est le capital de ses vieux jours. Ce qu'il possède de plus précieux. Or ce bien, explique Orazio dans sa supplique au pape, son bien vient de lui être irrémédiablement abîmé. Le procès intenté par Orazio Gentileschi à son collaborateur s'ouvre. La descente aux enfers d'Artemisia commence. Pour elle, l'humiliation est totale. Elle va durer neuf mois et marquer profondément sa vie et sa carrière. Au terme de cette épreuve, dont père et fille sortiront légalement vainqueurs, Orazio va devoir la céder à un autre. Mais à qui ? À un peintre évidemment, un artiste très médiocre qui acceptera de la prendre à Florence, avec une dot assez substantielle pour lui faire accepter d'épouser cette femme déshonorée. Comme Orazio, celui-là a compris qu'Artemisia avait de l'or au bout des doigts. Mais pour se faire payer les oeuvres de sa femme, lui-même devra rappeler son propre métier de « peintre » aux Consuls de l'Academia del Disegno. Cette institution, conçue par Léonard de Vinci et Raphaël, est la seule qui pourrait se substituer légalement à sa tutelle. Sur ce point, le mari d'Artemisia ne risque pas grand-chose. En un demi siècle d'existence, l'Accademia del Disegno n'a jamais accepté aucune femme dans ses rangs. La raison est juridique : les élus jouissent d'un statut social qui entraîne leur émancipation des guildes d'artisans. Ils ont le droit de porter l'épée comme les gentilshommes et ne relèvent que de l'autorité du Grand-Duc et des consuls de l'Académie. De tels privilèges leur donnent une liberté d'action, interdite ipso facto au sexe faible. Le génie d'Artemisia va pourtant lui donner droit de cité : elle obtiendra, elle, l'honneur inouï d'appartenir à cette société. Elle a vingt-trois ans. Elle est la première Académicienne dans toute l'histoire de Florence. À cette appartenance, elle devra sa gloire. Elle devra surtout sa liberté. Désormais seule maître de son destin, elle peut revenir à Rome. Elle peut même pousser plus loin. Descendre à Naples et travailler pour l'Espagne. Monter jusqu'à Gênes, jusqu'à Venise, même jusqu'à Londres. Elle se décrira un jour par ces mots : « Vous trouverez en moi l'âme de César dans un corps de femme ». Elle se connaît. En un temps où une fille appartient à son père dans sa jeunesse, à son époux quand elle est femme ; à ses frères et à ses fils quand elle devient veuve, Artemisia Gentileschi a réussi, par l'éclat de son talent, à s'affranchir des lois de la société, pour devenir l'immense peintre dont elle rêve. Le peintre qu'elle est.
« Si j'avais été un homme, je doute fort que les choses aient tourné de cette façon. (…) Mais je
montrerai à Votre Seigneurie ce qu'une femme sait faire », écrira-t-elle de Naples à son dernier
mécène. « (...) Regardez mes oeuvres : elles parlent d'elles-mêmes ! »
Qu'il me soit permis de reconnaître ici que la réserve que j'ai parfois exprimé à propos de l'oeuvre d'Artemisia Gentileschi n'était guère justifiée. Je l'abordais avant tout sous l'angle de ses rapports avec Orazio Gentileschi, son père, avec les conséquences que l'on peut imaginer. En fait, Artemisia doit être considérée en elle-même, au fil d'une carrière longue, intense et passionnée, qui tient compte de la vigueur et de la fougue de son tempérament. C'est ce que souhaite démontrer cette exposition. Un louable effort a permis de réunir un grand nombre d'oeuvres d'Artemisia. Nous pouvons ainsi vérifier certaines attributions – telle celle d'Aurore, que j'ai, pour ma part, quelque difficulté à accepter – tout comme leurs datations. Artemisia avait appris de son père les fondements de l'art de Caravage et y avait puisé, de manière tout à fait personnelle, la violence et la cruauté d'une thématique bien connue. Elle avait aussi appris à les moduler en utilisant toutes les subtiles ressources des effets de lumière. Comme Orazio, Artemisia n'hésitait pas à se répéter tant dans ses compositions que dans les attitudes de ses personnages en faisant volontiers appel à un même modèle, et cela parfois à des années d'intervalle. Suzanne et les vieillards constitue un exemple significatif. À l'exception de quelques sujets qui s'inspirent directement de l'art de son père – je citerai au moins la Danaé du Saint Louis Art Museum, et la Cléopâtre conservée dans une collection particulière –, Artemisia suit un parcours à la fois différent et autonome en affirmant une personnalité qui ne peut se résumer au souvenir de son viol ou à un simple statut de disciple. Douée d'une personnalité forte et conquérante, elle parvint à ouvrir aux femmes un nouveau champ d'activité, au-delà même de ses mérites de peintre, ce qui est une raison supplémentaire de l'admirer. Toutefois, le temps n'était pas encore venu d'une telle reconnaissance, si bien qu'en dehors d'artistes manifestant leurs talents dans des domaines mineurs, il fallut attendre Mme Vigée-Lebrun pour trouver une femme capable d'exercer une activité aussi importante et de remporter un succès comparable. Déjà à Florence, où elle arriva en 1613 avec son mari, Pierantonio Stiattesi, et puis à Rome, Artemisia montra son aptitude à s'affirmer comme peintre au service de prestigieux commanditaires. On a souvent voulu associer la thématique de l'oeuvre d'Artemisia et son intérêt exclusivement porté aux figures féminines, ainsi que leur problématique, avec sa vie privée. Nous pouvons analyser ce point de vue généralement proposé de façon plus ou moins explicite. Dès les débuts de sa carrière, peignant sur le vif, Artemisia n'a probablement pu recourir qu'à des modèles féminins, une réalité que nous ne devons pas occulter. De fait, au XVIIe siècle les femmes sont la plupart du temps les protagonistes des thèmes dominants de la peinture à destination privée. Telle est la règle, de Guido Reni et ses suiveurs à Simon Vouet et aux Florentins qui s'imposèrent entre 1620 et 1640. Pour Artemisia, l'élément caravagesque, directement appréhendé sans passer par la médiation d'Orazio, déplace l'interprétation du thème féminin de la contemplation, de la beauté vers l'action, une particularité certainement due à son tempérament impétueux. Cela constitue aussi une explication – d'ordre artistique – qui tend à modérer l'importance accordée à son histoire personnelle dans le choix de ses thèmes. Les héroïnes – Judith, Cléopâtre, Bethsabée, Suzanne, Yaël, pour ne citer qu'elles – peuplent les toiles d'Artemisia destinées à des collectionneurs privés en offrant une thématique bien plus vaste que celle des oeuvres de piété et s'affirment comme des exemples auxquels il convient de se référer et qu'il est bon d'imiter. S'il est établi que c'est grâce à Artemisia que le thème des héroïnes se diffuse à Florence et à Rome, les conséquences de son séjour à Venise en revanche n'ont pas été assez étudiées. Installée à Naples, elle reçoit en 1637 – c'est-à-dire un an avant de travailler brièvement en Angleterre – une commande publique à l'intention de la cathédrale de Pozzuoli. On lui demande aussi de collaborer avec les plus brillants de ses collègues pour la décoration du Buen Retiro du roi d'Espagne et de réaliser ces grandes compositions sur des thèmes bibliques alors fort appréciées à Naples, en repensant le traitement de la lumière grâce à des contrastes plus accentués. Pour autant, dans Esther et Assuérus (New York, The Metropolitan Museum of Art), peint sans doute dans les premiers temps de son séjour à Naples, c'est une fois encore la femme qui est la protagoniste intense et dramatique.
Durant ces années, Artemisia aborde le thème de la femme en s'adaptant sans difficultés aux
variations du goût napolitain, toujours avec la force personnelle et la puissance d'expression que nous
lui connaissons. Dans la Madeleine de la cathédrale de Séville – que Keith Christiansen pense être
une copie –, ainsi que dans les différentes déclinaisons de ce thème, la sainte est représentée la tête
appuyée sur la main dans la pose de la Mélancolie : l'attention portée à sa vérité physique et
psychologique va à l'évidence bien au-delà du modèle. Le sujet de la Madeleine pénitente, conforme
au sévère et espagnolisant climat napolitain, s'exprime dans les variations sur le thème de la sainte
méditant sur le crâne, autrefois dans la collection Marc A. Seidner, à Los Angeles, comme dans la
pénitente, toute de tension bouleversante, du Museo Correale, à Sorrente.
Une fois évoqués ces quelques aspects de l'oeuvre d'Artemisia, soulignons le fait que, grâce à elle,
les sujets féminins ont eu, par leur présence active, une influence qui dépasse le cadre de la peinture
italienne du XVIIe siècle et s'imposent, au fil de son vaste parcours, comme une nouvelle projection
objective des « affects » de situations psychologiquement et physiquement réelles, ni troublées ni
amoindries par les tristes événements qui avaient marqué sa jeunesse, mais vues, grâce à sa
formation, selon une esthétique témoignant d'un naturalisme moderne.
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Ce qui donne : "Dès les débuts de sa carrière, peignant sur le vif, Artemisia n'a probablement pu recourir qu'à des modèles féminins, une réalité que nous ne devons pas occulter. De fait, au XVIIe siècle les femmes sont la plupart du temps les protagonistes des thèmes dominants de la peinture à destination privée. Telle est la règle, de Guido Reni et ses suiveurs à Simon Vouet et aux Florentins qui s'imposèrent entre 1620 et 1640. Pour Artemisia, l'élément caravagesque, directement appréhendé sans passer par la médiation d'Orazio, déplace l'interprétation du thème féminin de la contemplation, de la beauté vers l'action, une particularité certainement due à son tempérament impétueux. Cela constitue aussi une explication – d'ordre artistique – qui tend à modérer l'importance accordée à son histoire personnelle dans le choix de ses thèmes." ARTEMISIA GENTILESCHI ET LES HÉROÏNES par Mina Gregori - Extrait du catalogue de l'exposition Lire la suite sur Moreeuw.com : Exposition Artemisia. Site officiel de l'exposition Artemisia : Musée Maillol
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