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peinture

Pierre Alechinsky
Pavane pour Octavio Paz

Instituto de México, Paris - 2008




Est-ce dans les lettres dispersées comme autant de bombes par le Volcan alphabétique que Pierre Alechinsky pensa trouver un jour le nom d’Octavio Paz ? Est-ce plutôt à New York, au détour d’un des chemins sinueux de Central Park, que se serait faite la rencontre fortuite du jeune peintre belge et du poète mexicain ? L’une ou l’autre histoire serait belle pour ces deux admirateurs d’André Breton, tenants, chacun à sa manière, des surprises du "hasard objectif". Force est pourtant de constater qu’aucune coïncidence de cette nature ne donna à la proximité du peintre et du poète cet apparat mythique. Plus que de coïncidence, c’est d’incidences communes qu’il convient donc de parler entre le peintre et le poète.

Dès son premier voyage au Mexique en 1965, avant même de peindre, quelques mois plus tard, à New York, l’oeuvre décisive que représente dans son travail Central Park, Pierre Alechinsky reçut de plein fouet la découverte d’un pays et d’une civilisation à la fois si fondamentalement différente et cependant si proche. Octavio Paz note justement dans Le Signe et le grimoire comment la culture mexicaine reçut, pendant la période de la colonisation, la double influence de l’Espagne et des Flandres alors unies en un même empire. Celle-ci ne manqua pas, selon un schéma classique, de conquérir en retour ses propres conquérants : "L’art de la fête et le culte de la mort – comme un autre art luxueux, où se convient la sensualité et l’imagination – furent des dons légués par la Bourgogne à l’Espagne. Ils passèrent ensuite au Mexique avec les troupes de Charles-Quint et là, ils rencontrèrent la danse indienne, les manteaux de plumes, les masques de jade et les crânes de turquoise. Le Mexique et les Flandres : les deux pôles de l’Espagne."

Pour un peintre hanté par les échos, les relations inattendues, les brusques surgissements de sens, comment ne pas être alors sensible à ce qui reliait les coiffures de plumes aztèques aux heaumes emplumés des Gilles perpétuant jusqu’aujourd’hui la tradition médiévale du Carnaval de Binche ? Comment, par delà cette similitude, ne pas voir que ces gerbes de plumes retombantes étaient à leur tour l’image même de ces projections – fusées et bombes – par lesquelles se manifestait justement cette activité volcanique qui est une marque du Mexique ? Rien dès lors ne pouvait empêcher de venir à la mémoire du peintre, au milieu de ces munificents feux et eaux d’artifices, l’expérience intime, celle de l’image éruptive du jet d’encre jaillissant de l’encrier renversé.

Il en était de même pour ces coulées de laves qui, dans leur imprévisible cheminement, leurs détours et leurs méandres, rappelaient au jeune peintre transfuge du Groupe Cobra le mythe du serpent primordial caché au centre de la terre. (Si une lithographie de Vulcanologies verra jaillir de nombreux serpents en place de fumeroles, un dessin ultérieur transcrira très exactement la gueule de l’animal émergeant du cratère.)

Est-ce justement cette analogie entre les chemins de lave du volcan, le tracé souple de l’encre et le serpent qui rendra évident pour Alechinsky, quelques mois plus tard, à New York, en contemplant Central Park depuis la fenêtre de ses amis Jérome et Marlene Brody, le monstre annelé tapi au coeur du jardin et d’autant mieux caché que ses ondulations épousaient les courbes des sentiers et que sa tête apparaissait dans les contours du lac ? Même dans ce tableau, qui marque l’émancipation totale du peintre (de la peinture à l’huile, de l’influence d'Asger Jorn, de l’esthétique expressionniste) se retrouve pourtant la fascination initiale pour le surréalisme – des décalcomanies de Max Ernst à la paranoïa-critique de Dali – et sa capacité à faire apparaître, fidèle en cela à la leçon de Vinci sur les nuages et les taches des vieux murs, ces images de la rêverie créatrice cachées dans les signes du réel. "L’inspiré, note justement Octavio Paz à propos d’André Breton, l’homme qui vraiment parle, ne dit rien qui soit sien : par sa bouche parle le langage."

Ces "signes dispersés d’un langage en perpétuel mouvement et qui déploie devant nos yeux un éventail de significations contradictoires – lequel se résout finalement en un sens unique et ultime » par lesquels « l’univers nous parle et parle avec lui-même" - et dans lesquels Paz voit la base de la pensée d’André Breton – sont ceux-là même qui, dans le tableau d’Alechinsky, forment autour du motif central peint à l’acrylique la première des remarques marginales. Ces dessins à l’encre reprenant une forme fortuite, née du libre cours de la main et inaperçue dans le tableau, pour lui donner sens, s’en faire la glose, lui donner soudain uneimportance dérisoire, Alechinsky en fera, à partir de Central Park, le commentaire presque obligé des tableaux.

Don’t cross Central Park at night... Dans la reprise lancinante de cette phrase qui scande le poème par lequel Octavio Paz ouvrait le catalogue de la rétrospective du peintre au Musée Guggenheim en 1987, dans les éblouissantes gerbes de mots qui précèdent chacune de ces relances, le poète reprenait à son compte, dans sa langue même, l’effet de répétition systématique et systématiquement différente que le peintre utilisait par la juxtaposition de ses cases dessinées. Paz ne notait-il pas précisément, ailleurs, à propos du poème : "Le rythme est relation d’altérité et de ressemblance : ce son n’est pas cet autre, ce son est comme cet autre."

Du Mexique, Alechinsky ne se contenta pas de rapporter des volcans et des serpents, des plumes et le goût des gravures de Posada. Il en revint aussi avec de solides amitiés : celle de Tamayo mais d’abord celle de Gironella, complice dans la réalisation d’oeuvres communes autour du taureau, de l’arène et de la corrida. Que le peintre se soit justement lié avec ceux qui représentaient pour Octavio Paz deux des plus importants novateurs de l’art mexicain est significatif de ces affinités électives qui se tissent instinctivement entre créateurs. Tout alors s’enchaîne : comme ce vieux banc circulaire où aimait s’asseoir à l’ombre dans ses dernières années le peintre Bram Van Velde. A la mort de celui-ci, l’ami qui l’hébergeait l’offrit en guise de souvenir à Pierre Alechinsky. L’auteur de Roue libre y découvrit alors, une fois celui-ci redressé à la verticale, l’image d’un disque solaire qui, empreinté, vint bientôt nourrir ses peintures. Il baptisa naturellement la première de ces toiles Octave, croyant ainsi rendre compte des huit cercles métalliques concentriques qui en formait la structure. Il lui apparut plus tard que cette notation musicale prenait tout son sens dans cette Pavane pour Octavio Paz."

© Daniel Abadie, 2008

Spécialiste de l’art contemporain, Daniel Abadie a travaillé dans l’équipe initiale du Centre Georges Pompidou et a été responsable du service des expositions à l’Association Française d’Action Artistique avant d’être nommé Directeur de la Galerie Nationale du Jeu de Paume (1993-2002), haut lieu de découverte de l’art contemporain de la capitale où il organisa de nombreuses rétrospectives, notamment celles consacrées à Olivier Debré, César, Arman, Pierre Alechinsky, Antoni Tápies, Jesús Rafael Soto, Eduardo Chillida, Richard Meier ou encore Oscar Niemeyer. Conseiller du Directeur des Musées de France, il est aussi professeur à l’Université Libre de Bruxelles. Fin connaisseur de l’oeuvre d’Alechinsky, il lui a consacré de nombreux écrits, dont le très bel ouvrage Pierre Alechinsky, sources et résurgences (Hazan, 2006).

Cette exposition, présentée dans le cadre de la Semaine des Cultures Etrangères, organisée par le FICEP, Forum des Instituts Culturels Etrangers à Paris, s’inscrit dans le cadre de la manifestation Hommage à Octavio Paz (1914-1998), organisée conjointement avec la Maison de l’Amérique Latine et l’Institut Cervantes, juin-octobre 2008.

Dans le cadre de la Semaine des Cultures Etrangères, placée sous le thème de "L’autre voyage. A la croisée de l’Europe et du monde", l’Instituto de México à Paris a choisi de rendre hommage à une icône nationale disparue il y a dix ans, le grand poète Octavio Paz, à travers l’amitié qui le liait au peintre belge Pierre Alechinsky.

Octavio Paz est considéré comme l’un des plus grands poètes hispaniques du XXe siècle. Or, ce Mexicain, prix Nobel de littérature, disparu en 1998, n’était pas seulement poète. Il était aussi théoricien de la littérature, essayiste et diplomate. Ecrivain prolifique et multidimensionnel, Octavio Paz était un homme à la fois passionné et profondément lucide sur lui-même, sur son siècle et ses contemporains.



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