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Titien, Tintoret, Véronèse... |
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Musée du Louvre, ParisExposition du 17 septembre 2009 – 4 janvier 2010Les plus grands peintres de Venise au XVIe siècle se donnent rendez-vous pour une exposition révélant à travers leurs oeuvres les rapports d’émulation ou de compétition qu’ils entretenaient. Composée de 86 tableaux, pour la plupart des chefs-d’oeuvre prêtés par les musées les plus prestigieux du monde, l’exposition entend éclairer cette noble rivalité en comparant des peintures de même sujet ou de sujet équivalent afin de montrer combien les artistes se sont influencés ou, au contraire, ont divergé pour proposer une vision personnelle d’un thème. Si Titien, peintre officiel de la République, domina toujours la scène, l’arrivée de nouvelles générations - Bassano, Tintoret, Véronèse, Palma le Jeune - et l’influence des évolutions artistiques de l’Italie centrale, entraînèrent des solutions originales dans le traitement des sujets chers aux Vénitiens dans la seconde moitié du XVIe siècle. "Parce qu’il avait en face de lui Véronèse, Tintoret dut apporter un soin particulier à ces peintures, car la présence d’un rival sert parfois de stimulant, dans la mesure où l’artiste met un point d’honneur à ne pas être surpassé." Ce qu’écrit Carlo Ridolfi en 1642 est loin de concerner les seuls Tintoret et Véronèse. Tout en cherchant chacun sa propre voie, les grands artistes vénitiens de l’époque modèlent leurs parcours en fonction de celui des autres, au premier rang desquels figure, bien entendu, le maître incontesté que reste Titien. La concurrence joue donc un rôle majeur dans la création et le renouvellement de la peinture à Venise. Le régime politique très particulier de la République de Venise et sa structure sociale favorisent grandement la diversité artistique. La présence de nombreuses familles riches, nobles ou pas, l’importance de l’Eglise, en pleine Contre-Réforme, et le réseau des puissantes confréries, dites scuole, multiplient les opportunités de travail pour les artistes, dans un contexte où une vraie liberté préside à l’attribution des commandes. Obtenir de travailler pour ces différents mécènes entretient donc à Venise, peut-être plus qu’ailleurs encore, une rivalité constante entre les peintres. Cette rivalité va jusqu’à s’inscrire dans le cadre de concours organisés pour les commandes les plus prestigieuses, à l’instar de ce qui se fait aujourd’hui pour les grands projets d’architecture. Ce fut notamment le cas pour le décor de la Bibliothèque Marciana, de la Scuola di San Rocco et, le plus important de tous, de la tribune du Doge dans la Salle du Maggior Consiglio du palais des Doges.
Les artistes vénitiens sont par ailleurs confrontés, en cette seconde
moitié du XVIe siècle aux nouveautés et donc aux défis apportées
par le maniérisme. L’exposition se propose de faire le point sur cet
aspect peu connu de la peinture vénitienne et sur ce qui a conduit les
artistes de la lagune à opérer une synthèse unique adaptant le
maniérisme de l’Italie centrale à leur vision naturaliste du monde.
La période couverte est particulièrement intéressante, parce qu’elle correspond à ce moment singulier où trois grands maîtres travaillent en même temps sur les sujets alors à la mode : Titien génie inventif, dont le style de vieillesse déroute par son renouvellement constant ; Tintoret génie dynamique, qui mûrit un art d’une énergie surhumaine ; Véronèse génie décoratif, dont la palette et la sérénité apolliniennes ont fasciné tous les artistes jusqu’au XXe siècle. Evoquant la situation de la peinture dans la Sérénissime entre 1540 et 1550, soit peu avant l’arrivée de Véronèse (1553), l’introduction de l’exposition rend compte de la suprématie de Titien et de l’ascension de Tintoret. Elle met en relation des oeuvres de ces deux artistes avec d’autres du jeune peintre de Vérone, dont on peut alors comprendre ce qui a retenu l’attention des commanditaires qui le font venir à Venise. Cette section permet de dresser un constat stylistique sur l’école vénitienne à travers la production de ces trois « grands ». Des chefs-d’oeuvre de Titien, alors en pleine maturité, accueillent les visiteurs, dont la Danaé et le Portrait du pape Paul III, tête nue (tous deux : Naples, Museo e Gallerie Nazionali di Capodimonte), accompagnés de tableaux de jeunesse de Tintoret et de Véronèse.
Les doges, amiraux, patriciens et patriciennes de la République de Venise habitent cette première partie. De toutes les salles de l’exposition, il s’agit probablement de la plus homogène : la réunion de ces portraits montre la permanence du modèle imposé par Titien (Le Doge Francesco Venier, Madrid, Museo Thyssen- Bornemisza). Ayant en effet profondément renouvelé la peinture vénitienne et réinterprété de nombreux thèmes, ce dernier a créé des images très fortes qui se sont imposées comme des archétypes pour les peintres qui ont suivi. La prééminence de Titien dans le domaine du portrait est telle qu’elle continue de poser aujourd’hui des problèmes d’attribution : les compositions sont souvent identiques et la proximité stylistique réelle (par exemple : Le Doge Venier de Titien déjà cité et Sebastiano Venier par Tintoret, Vienne, Kunsthistorisches Museum), ce qui témoigne de la force de la tradition et de la fonction du portrait à Venise.
L’époque est marqué par le paragone, c’est-à-dire la discussion théorique sur la comparaison des arts et sur la possibilité que l’un d’entre eux soit supérieur à tous les autres. Le rapport de la peinture aux autres arts a alors occupé nombre de peintres. La réponse singulière de Venise à cette problématique se trouve dans un travail sur le reflet, moyen par lequel les peintres ont cherché à démontrer la supériorité de leur art. Que ce soit dans un miroir, sur le métal des armures notamment, sur l’eau, les artistes cherchent à donner à voir en trois dimensions un corps que la peinture réduit à deux dimensions seulement. Giorgione fut le premier à s’engager sur cette voie. Titien, Tintoret, Véronèse et Jacopo Bassano ont par la suite développé, chacun à sa façon, cette réflexion, livrant ainsi des chefs-d’oeuvre de subtilité : Vénus au miroir de Titien (Washington, National Gallery), Suzanne et les vieillards de Tintoret (Vienne, Kunsthistorisches Museum), Saint Menna de Véronèse (Modène, Galleria Estense). Titien érotise le thème de la femme au miroir grâce à un jeu de regards, traité avec une grande finesse, entre le sujet du tableau et celui qui le contemple. Tintoret s’en sert pour évoquer la concupiscence des vieillards. Véronèse plus sensuel et moins érotique, évoque quant à lui le monde de la courtisanerie (Vénus à sa toilette, Omaha, The Joslyn Art Museum). Avec les Bassano (Francesco Bassano, La Forge de Vulcain, Paris, musée du Louvre), le traitement du reflet devient un élément important de la scène de genre.
Le « panthéisme » des Vénitiens les porte à fondre le Sacré et le Profane dans leurs toiles. Les différents sujets (portrait, scène sacrée, scène de genre, nature morte …) ont tendance à être traité de concert dans un même tableau. Les scènes sacrées n’ont en effet jamais été aussi tirées vers le portrait et la scène de genre qu’à Venise. Le thème du repas biblique est à cet égard particulièrement représentatif. Le tableau Les Pèlerins d’Emmaüs de Titien (Paris, musée du Louvre) a longtemps été nommé La Nappe en raison de l’exceptionnelle nature morte qu’est le drap brodé qui couvre la table. L’inversion du sujet est également fréquente, l’anecdotique prenant le pas sur le sujet central (Jacopo Bassano, Les Pèlerins d’Emmaüs, collection particulière, Grande-Bretagne). Les Pèlerins d’Emmaüs de Véronèse (Paris, musée du Louvre) représente l’aboutissement magistral de cette approche. Cette section offre aussi l’occasion d’aborder un genre bien particulier : les Vénitiens sont les premiers à avoir peint les animaux pour eux-mêmes. Souvent présents dans les tableaux, les chiens et les chats, notamment, venaient étayer ou souligner le propos des scènes traitées. Jacopo Bassano avec Les Deux chiens de chasse liés à une souche (Paris, musée du Louvre), véritable chef-d’oeuvre, livre le premier tableau connu (1548) qui représente uniquement des animaux. Titien et Véronèse se sont eux aussi consacrés aux « tableaux de chiens ». Moins naturaliste que Titien (Enfant avec des chiens, Rotterdam, Musée Boijmans van Beuningen) ou Bassano, Véronèse, qui ne peignait pas d’après nature, est cependant un grand peintre animalier, plus attentif à donner une vision esthétisante qu’une perception détaillée et frémissante des chiens (Amour avec deux chiens, Munich, Alte Pinakothek).
Etroitement liés à la situation de l’Église après le Concile de Trente, les thèmes rassemblés dans cette partie de l’exposition sont marqués par l’esprit de la Contre-Réforme : Le Baptême du Christ, La Mise au tombeau, La Prière aux jardin des oliviers et Saint Jérôme pénitent. A Venise, les peintres prennent le parti d’une dramatisation théâtrale de la scène biblique par le jeu de la lumière (le luminisme), dans le but de susciter une nouvelle approche de la religion, plus effusive, plus forte. Leur goût prononcé pour la lumière et l’influence des peintres du Nord venus séjournés dans la lagune dès le XVe siècle les amènent d’abord à concevoir des sortes d’« effets spéciaux », notamment chez Tintoret (Le Baptême du Christ, Venise, église San Silvestro). La nuit s’impose ensuite progressivement, symbole de la solitude intérieure comme de la menace permanente du Mal. Le Baptême du Christ de Jacopo Bassano (New York, Metropolitan Museum of Art), qui se déroule de nuit et est probablement son dernier tableau, exprime une douleur, une souffrance, qui semble préfigurer la Passion. L’influence de Titien sur ses contemporains est manifeste - son Saint Jérôme pénitent (Paris, musée du Louvre) est le premier tableau nocturne : de Véronèse, qui meurt au moment où sa palette s’assombrit, voire noircit (Le Christ mort avec la Vierge et un ange, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage), même si l’ambiance de ses toiles reste plus crépusculaire que nocturne, à Jacopo Bassano.
Outre les portraits de patriciens et de patriciennes, les portraits d’artistes et de collectionneurs ont connu un grand succès à Venise. Les amateurs d’art se font représentés au milieu de leur environnement familier, comme Jacopo Strada (Titien, Vienne, Kunsthistorisches Museum). La liberté des commandes à Venise est illustrée par le fait que la réalisation du pendant de ce tableau, représentant Ottavio, le fils de Jacopo Strada, a été confiée à Tintoret (Amsterdam, Rijksmuseum). La vogue des galeries d’hommes illustres amène les artistes à se représenter eux-mêmes [les très saisissants Autoportraits de Titien (Madrid, Museo Nacional del Prado) et de Tintoret (Paris, musée du Louvre)],ou à se faire peindre par leurs pairs, ainsi le portrait du grand sculpteur vénitien Alessandro Vittoria par Véronèse (New York, Metropolitan Museum of Art).
A la différence des grands formats présentés précédemment, cette section réunit des petites peintures décoratives, le plus souvent destinées à orner des meubles et ayant souvent pour sujet des scènes mythologiques. Aucun des maîtres n’a dédaigné ce genre très précieux que l’on aurait tort de considérer comme secondaire, tant il a suscité l’engouement des Vénitiens. Tintoret (pourtant peu habitué à cette peinture toute en détails), Schiavone et Sustris (un Flamand installé à Venise, où il a su se faire une place et un nom) ont travaillé ensemble sur un certain nombre de commandes. Les trois Véronèse du Museum of Fine Arts de Boston complètent la présentation de ce genre méconnu.
Cette dernière section aborde en réalité deux thèmes, relatant essentiellement des scènes mythologiques : celui de la femme en péril et celui de la femme offerte. Le premier est évoqué par l’histoire de Tarquin et Lucrèce, de Persée et Andromède ou encore de Suzanne et les vieillards ; le second par celle de Danaé et celle de Vénus et Mars. La « femme en péril » est l’occasion de découvrir des scènes parfois assez violentes, comme Tarquin et Lucrèce de Titien (Cambridge, Fitzwillliam Museum) ou le même sujet vu par Tintoret (Chicago, Art Institute) ou par Palma le Jeune (Kassel, Gemäldegalerie), Persée et Andromède de Véronèse (Rennes, musée des beauxarts) ou encore Suzanne et les vieillards de Jacopo Bassano (Nîmes, musée des Beaux-Arts).
La « femme offerte » exalte au contraire toute la sensualité des peintres vénitiens. La seule femme nue allongée
connue dans l’oeuvre de Véronèse figure dans l’Allégorie de l’Amour, le Respect (Londres, National Gallery).
La poésie de Titien s’exprime dans son attitude face aux mythes, ici en l’occurrence celui de Danaé : il le
change en introduisant le personnage de la servante et impose une iconographie reprise ensuite par Tintoret
(Lyon, musée des Beaux-Arts) par exemple. Sa Danaé (Madrid, Museo Nacional del Prado), peinte seulement
quatre ans après celle de Naples, qui ouvrait l’exposition, est le dernier tableau que le visiteur voit en sortant.
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