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Stéphane Calais

Biographie Stéphane Calais


"Le côté "atypique" qui m’est accolé m'a longtemps surpris. Je n'envisage les pièces que d'une façon efficace par rapport à mes engagemnts. Naturellement le dessin, mon outil premier, me permet de naviguer dans les différents champs qu'il traverse : c'est-à-dire tous. Les questions qui se posent ensuite en fonction des médiums utilisés (peinture, dessins muraux, collages d'objets ou d'images... ) sont des questions classiques, Mais c'est dans leur réunion, leur proximité que se jouent des tensions, des ellipses ou des raccourcis." Stéphane Calais

Le plasticien Stéphane Calais naît en 1967 à Arras.

Stéphane Calais
Stéphane Calais, Série Ornements, crimes et délices, technique mixte, 2004-08, Photo Florian Kleinefenn

Stéphane Calais suit à la fin des années 1980 des études aux Beaux-arts de Nîmes, puis début 1990 à l’Institut des hautes études en arts plastiques de Paris. En 1991, Stéphane Calais participe à l’exposition collective intitulée "C. pour aujourd’hui ou pour demain ?" à la galerie Brousse de Montpellier, exposition qui marque le début de sa carrière artistique en France et à l’étranger.

En 1994, Artpool avec la collaboration du FRAC Languedoc-Roussillon lui consacre une exposition personnelle intitulée "Pump up the volume", qui sera suivie entre autres par "Kiss your country" à la galerie Titanik en Finlande en 1996. La même année, le Nikolaj contemporary art center à Copenhague l’invite à participer à l’exposition "9 Dimensional theory".

En 1997, Stéphane Calais investit les salles du FRAC Champagne-Ardenne pour une exposition qui donne lieu à son premier catalogue dont la conception graphique est confiée à M/M (auteurs : Jean Pierre Rehm, Nathalie Ergino). Parallèlement, il commence à réaliser le mural "Jack et le haricot magique" à la direction bancaire de la Caisse des Dépôts et Consignations à Paris. Les commandes privées font désormais partie intégrante de son travail.

Initié à l’occasion de l’exposition personnelle "Une musique des sphères et des ogres" en 2000 à la Synagogue de Delme, le catalogue Boxe thaï est publié deux ans plus tard (auteurs : Paul Ardenne, François Piron, Olivier Reneau, Pierre Staudemmeyer). De 1999 à 2006, Stéphane Calais collabore avec la galerie Nelson à Paris.

L’exposition personnelle en 2004 à la Villa Arson à Nice est l’occasion pour l’artiste de faire le point sur son travail. Stéphane Calais est invité régulièrement à participer à de nombreuses expositions collectives comme "La partie continue I" au Crédac à Ivry (2003), "Space Invaders" au Kunsthaus Baselland à Bâle (2005), "La Force de l’art" au Grand Palais à Paris (2006) ou encore "Airs de Paris" au Centre Georges Pompidou (2007).

Stéphane Calais est nominé au prix Marcel Duchamp 2008.

Stéphane Calais
Stéphane Calais "L'assassinat de Bruno Schulz", 2004 Encre et acrylique sur toile 54 x 65 cm Courtesy galerie Jocelyn Wolff

Variant les formes, les styles, les thèmes et les références, le travail de Stéphane Calais se laisse difficilement enfermer dans une cohérence esthétique précise et définie.

Avec pour seule constante l’interpellation de l’histoire de l’art, ses sculptures, peintures, installations et walldrawings, sont les produits d’une exploration sans cesse renouvelée des propriétés de chaque médium.

En perpétuelle mutation, son oeuvre hybride et hétéroclite se développe de manière organique, semblant à chaque fois redéfinir les conditions de son existence.

S'il revendique le dessin comme étant à l'origine de tout, de l'oeuvre, de l'image, de l'organisation du monde comme de sa propre pratique, Stéphane Calais fait feu de tout bois, peinture, sculpture, installation, à l'exclusion cependant de la vidéo. Dans le paysage artistique, il fait figure de touche-à-tout atypique et fantasque qui surgit là où on ne l'attend pas. Pour lui, le monde est une "banque", un désordre de signes et d'objets dont il n'a de cesse d'user et d'abuser. Ses oeuvres cristallisent le passage du cerveau à l’image et à l’objet.



Expositions Stéphane Calais


  • 2009 : "Ornements, crimes et délices", Espace Claude Berri, Paris

    source : dossier de presse "Ornements, crimes et délices", Espace Claude Berri :

    Espace Claude Berri
    Vue de l’exposition, "Ornements, crimes et délices", Stéphane Calais, Espace Claude Berri, Photo Florian Kleinefenn

    "Ornements, crimes et délices, titre de l’exposition de Stéphane Calais à l’Espace Claude Berri, poursuit une série de «sculptures-collages» du même nom. L’artiste s’approprie pour un temps l’Espace avec une production inédite où ses interventions hétérogènes dialoguent avec l’architecture du lieu.

    Tout au long de l’exposition, Stéphane Calais dévoile plusieurs pièces issues de son univers, en multipliant les styles, avec une aisance à circuler du dessin à la sculpture, de la sérigraphie aux dessins muraux, de l’installation à la peinture. Dans cette apparente hétérogénéité, les oeuvres s’imbriquent et évoquent un ensemble tel un puzzle.

    Cet artiste insoumis travaille en série, non pour se définir des contraintes strictes, mais pour indiquer les sources de son travail et tracer la voie d’une oeuvre en perpétuelle évolution.

    Ainsi Stéphane Calais présente une série de « sculptures-collages ». Ces pièces composites sont souvent réalisées avec des macramés, des ballons, des plumes et matériaux en tout genre. Qualifiés parfois de «syncrétiques» par l’artiste, ces objets apparaissent dans son oeuvre dès 1995 avec l’Or de la défaite, puis en 1997 avec Le mariage de la carpe et du lapin. Ils concentrent des temporalités et des emplacements culturels divers.

    Mais son premier langage reste le dessin, que l’artiste met en exergue avec un mur de sérigraphies sur papier intitulé La Pléiade. Ces 60 tirages uniques ont été réalisés à partir de 8 portraits dessinés au lavis, puis vectorisés, superposés et combinés. L’effet diffère jusqu’à une quasi-illisibilité pour certains, selon les différents niveaux de gris, la manière de disposer les dessins et le nombre de portraits utilisés. Cette pièce met en avant une problématique chère à l’artiste «la confusion des temps, lieux et fabrication» dans une dimension picturale et graphique.

    Stéphane Calais
    Stéphane Calais, "Magnolia", 2008, métal peint vernis, papier, aimants, 220 x 165 cm - "La Pléiade", sérigraphies sur papier, 2008, Photo Florian Kleinefenn

    Stéphane Calais parle du dessin comme “un merveilleux outil, une source d’appréhension du monde en deux ou trois dimensions”. Dans certaines de ses oeuvres comme Magnolia, le dessin génère la sculpture. Ces formes organiques en dégradé de gris, comme tracées dans l’Espace, déploient une énergie et donnent un impression de mobilité.

    Dans ces interventions in situ, l’artiste habille le lieu, mettant en avant une technique de recouvrement, de saturation de la matière, présente dans les aplats de noir monochrome “impur”, les sérigraphies, mais aussi dans les suspensions, les motifs colorés et les tondi.

    Les tondi, oeuvres récurrentes de l’artiste, illustrent parfaitement cet équilibre entre force spontanée du geste et technique. De cette «véritable gestuelle de la glisse» jaillit un processus de réalisation à partir duquel selon Lili Raynaud Dewar(1), les tondi s’élaborent en trois temps : «D’abord diffuser un fond coloré et dégradé, la lumière doucement précieuse du tableau, typique du Grand Siècle et revue au travers du prisme de la culture pantone. Ensuite, poser le mouvement et centrer l’objet du tableau, asseoir les figures mi-gustonniennes(2), mi-ectoplasmiques, nichées entre basse figuration et incarnation gestuelle. Enfin, souligner certaines formes, travailler le contour en glissant sur la surface du tableau».

    L’ornement est donc, ici, à entendre comme objet, mais aussi comme masquage, leurre ou fard. Les crimes et délices sont eux intimement liés à l’histoire du décor. «Stéphane Calais met ainsi en place un espace génétiquement modifié où réel et imaginaire sont consubstantiellement associés»(3), cette citation illustre parfaitement le propos de l’exposition."

    (1) Lili Reynaud Dewar, extrait “L’aristocratisme pop et mutant de Stéphane Calais”, catalogue Gardens are for people ! (&art for us ?), Abbaye de Maubuisson – Val d’Oise, Filigranes Editions.
    (2) En référence à l’oeuvre du peintre Phillip Guston.
    (3) Jean De Loisy, Extrait du catalogue du Prix Marcel Duchamp 2008.



  • 2008 : "l’Amour", exposition monographique au Crédac, Centre d'art contemporain d'Ivry

    source : dossier de presse "l’Amour", Stéphane Calais expose au Crédac

    corbeille Stéphane Calais
    Stéphane Calais « La Corbeille », 2000 - 2001 Panier en osier, papier, peau de vache, Vue de l'exposition « Peter Pan is back ! » Galerie Nelson, Paris

    "Comme la vie, les pièces de Stéphane Calais fonctionnent à l’énergie. Bien souvent l’artiste reprend, rectifie, ré-interroge ses propres pièces. Ainsi en est-il de «Maintenant/Now» (1997), une série de 36 lampes en papier suspendues qui à l’approche de toute présence enclenche autant de voix qui, dans mon souvenir, murmurent un poème requiem de Denis Cooper à un ami suicidé. Cette oeuvre montrée à Reims, au FRAC, il y a plus de dix ans, a ouvert mon approche du travail de Calais.

    Aussi pour «l’Amour», son exposition monographique au Crédac, reprend-il, pour de multiples raisons dont j’ignore un bon nombre, cette oeuvre réduite à 18 lampes et où le «design» des lampions s’est éclairci, où la transparence domine. L’enchantement, la douceur et la pudeur des lampions qui vibrent s’éloignent peu à peu de l’idée d’une fête foraine pour nous conduire, dix ans après, vers un univers de chapelle ! Mais je vais faire une diversion.

    Notre première collaboration date d’une exposition organisée à New-York en 2002. Stéphane Calais, que j’avais invité à réaliser des pièces in situ dans un lieu industriel coincé entre le Brooklyn bridge et le Manhattan bridge, avait entre autres créé un mural noir et blanc, mélange de grille et de cible. Ce grand mural de 4x3m évoquait un mixte possible entre Bridget Riley et Victor Vasarely, rayé en son centre par l’artiste à coup de spray orange fluo.

    L’année qui suivit, j’organisais comme première exposition collective au Crédac «La partie continue». Cette fois, sur le grand mur de la grande salle (de ciné) du Crédac, Stéphane Calais reprit ce dessin avec un trait qui aurait subi une érosion. Le spray était devenu vert fluo, «Brooklyn style 2». Comme pour «Maintenant/Now», Stéphane Calais a re-insufflé une énergie nouvelle à «Brooklyn style».

    L’exposition qu’il orchestre au Crédac, s’articule en 3 chapitres liés par une harmonie souterraine, un équilibre tendu. A la suite des lampions, Stéphane Calais met en exposition une sorte de machine à peindre. C’est-à-dire qu’il déploie de grands lés de moquette blanche suspendus au plafond. Maculés de peinture noire, ils évoquent les carnets de dessin et le crayon noir.

    La brutalité de l’image est à l’aune du degré d’incision du trait de Calais. La trivialité technique rejoint la finesse du trait de la série «M.H.S» (mythe, histoire, studio), dix dessins de 96x71cm. Y sont dessinés des portraits : Dora Maar, Napoléon 3, Bismark, Ambroise Thomas, une inconnue, Loiseau de Persuis, George Sand, une vue de l’atelier de Calais...

    Stéphane Calais
    Stéphane Calais « M.H.S. », 2007 impression numérique, encre sur papier, 96 x 71 cm (c) François Doury courtesy galerie Jocelyn Wolff

    Autant de motifs sans alibi, un rapport étroit à la figuration par la figure. Des sujets que Stéphane Calais qualifie de «sujets à ras», ténus, limites, libres.

    Outre la qualité de son travail artistique, la singularité de son dessin et sa grande culture, Stéphane Calais apparaît aujourd’hui comme un artiste au langage plastique à la fois complexe, sophistiqué et trivial. Un accord de force et d’élégance, entre «la dentellière et le chevalier».

    Profondément marqué par l’histoire du dessin, mais également par l’histoire du design et de la littérature, son ami Pierre Staudenmeyer décrivait parfaitement l’essentiel de ce à quoi tient Calais : «Cet étrange brouillage qui va du sujet au sujet, une sorte d’allégresse furieuse et un peu amère (au sens culinaire) le caractère biographique des titres, ce savant mélange de l’enfantin figuratif et d’une précise technicité (celle par exemple de la rédaction des protocoles destinés aux collectionneurs) cette volonté de mise en évidence d’une conscience individuelle et de transformation du regard, ce sentiment ancré du "vrai" et de ses sources magiques»*.

    Dans la troisième salle, la plus petite, Stéphane Calais accroche «L’assassinat de Bruno Schulz», une toile de 2004 avec deux dessins de Pierre Joubert (1935) de sa collection personnelle. C’est une véritable introduction, une antichambre à «La chambre de Schulz» pièce centrale de l’exposition.

    Au centre de la grande salle, retour au même endroit que «Brooklyn style», Stéphane Calais construit un pavillon de 4x4m dont l’extérieur est entièrement recouvert de dessins. Certaines parties sont défoncées, détruites. Cette oeuvre joue d’un contraste fort avec les lampions légers et transparents du début du parcours, mais avec un sentiment similaire de présence/absence...

    Centre art contemporain Ivry Crédac
    Stéphane Calais « Dessins préparatoires », 2008 Centre d'art contemporain d'Ivry - le Crédac

    Lorsque Calais m’a dit un jour son intérêt de longue date pour l’écrivain et dessinateur juif polonais Bruno Schulz, il m’a raconté ce qu’il dû faire sous la menace du SS Félix Landau : la création d’un ensemble de fresques dans la chambre de son jeune fils. Cet ensemble retrouvé en 2001 en Ukraine, emporté en Israël, est un objet, une énigme qui habite Calais. Trois murs sur quatre sont à ce jour invisibles.

    Comme il est impossible de toucher l’horreur, Calais ne reconstitue pas, ne réinterprète pas. C’est sa création qui sera visible. Comme les dessinateurs de son panthéon les Félicien Rops, Eric Stanton, Macherot par exemple qui, comme lui et comme Schulz, cristallisent avec simplicité des niveaux de fantasme et les mettent en image. A cela s’ajoute la psychologie des contes de fées, cruels, des contes d’horreurs. La chambre de Schulz conduit à l’usure et à la perte.

    Comme dans ses oeuvres, ses peintures, ses installations, Calais ne cherche ni un prétexte, ni à faire un commentaire, mais davantage à poser et se poser la question du piège, du leurre, de la souricière. La question qui est levée est aussi une question sur l’Image."

    Claire Le Restif Juin 2008

    *in Boxe Thaï, éditions HYX, 2002



    Texte de Stéphane Calais


    La chambre de Schulz

    source : dossier de presse "l’Amour", Stéphane Calais expose au Crédac

    "Peu de temps avant son assassinat, le 19 novembre 1942 à Drohobycz où il a quasiment toujours vécu, l’écrivain et dessinateur polonais Bruno Schulz fut contraint, par le S.S. Félix Landau, de réaliser plusieurs peintures murales en échange de sa vie et d’un peu de nourriture. Landau n’ignorait pas qui était Bruno Schulz, ainsi fut-il classé comme “juif utile”. le S.S. Landau, en plus du travail de “décoration” de bâtiments administratifs, obligea Bruno Schulz à réaliser un ensemble de fresques dans la chambre de son très jeune fils.

    Suivant les mots de Emil Gorski(1), qui fut son assistant, Schulz peignit un “décor fabuleux de conte de fées” dans lequel évoluait un ensemble de personnages (rois, princes, princesses, animaux et personnages grotesques). Cet ensemble ne fut retrouvé qu’en 2001 et ce grâce au cinéaste allemand Benjamin Geissler. Trois mois après leur découverte par Geissler, des membres de l’Institut Yad Vashem (lieu d’étude et de la mémoire de la Shoah, à Jérusalem) ont détaché trois grands fragments de ces fresques et les ont emportés en Israël. Une intense émotion politique fit suite à cet événement. Pour les uns il s’agit d’un rapt inadmissible et scandaleux, pour les israéliens d’une transaction réalisée en toute légalité.

    J’ai réellement découvert le travail de Bruno Schulz en 1988 lors de l’exposition organisée par Germain Viatte au Musée Cantini à Marseille. Ce n’est qu’en 1998, lors d’une exposition personnelle en Israël où j’étais invité par Yona Fisher, que celui-ci me parla de “la chambre”. Mon ami Yona avait organisé au musée Israël de Jérusalem en 1990, avec Wojciech Churzynski, une exposition des dessins et clichés verres de Schulz et connaissait en profondeur la vie de l’artiste polonais. Comme je l’ai écrit en introduction, les fresques de l’artiste de Drohobycz n’avaient pas été découvertes à ce moment-là, mais de cette conversation avec Yona Fisher l’idée d’une pièce autour de “la chambre” et des dessins commença à me hanter.

    Schulz fait partie des dessinateurs de fantasme, cette grande lignée qui forge réellement un univers global à partir de sources personnelles et d’une pratique sexuelle “minoritaire”. Le XX ème siècle en compte quelques formidables représentant tel que John Willie, Paul Cuvelier, Tom of Finland ou Eric Stanton et ce dans diverses spécialités. Mais c’est plus en rapport avec le dessin 19ème que se situe le travail de Schulz avec comme figures tutélaires Goya et Rops.

    L’étrange fascination pour “la chambre” tient dans les différents allers-retours que créent l’oeuvre et la fin tragique de Schulz. Tout d’abord, les fantasmes liés à la domination féminine rêvée (?), donc au désir et, ensuite, la domination réelle qu’eut le nazi Landau sur Schulz, afin de le contraindre à “décorer” de contes la chambre de son fils, c’est à dire l’horreur. Mais dans cet aller-retour là, ce qui se joue est toujours de l’ordre de l’imaginaire, de ses sources et de sa mise en oeuvre. Les images que peignit Schulz dans la villa de Landau sont bien sûr liées au monde des contes mais avec la puissance de l’horreur bien présente: la forêt merveilleuse peinte au mur représente la forêt où Landau assassinat tant de juifs, les visages des personnages sont empruntés à la physionomie des gens du ghetto(1), Landau et sa femme sont représentés en roi et reine... Dans ses dessins du “Livre idolâtre” c’est lui-même qui se trouve au centre, aux pieds de Undula, Suzanne ou Circé.

    L’idée principale qui me poursuivit pendant 10 ans fut celle de la représentation de la chambre. Comment mettre en place la question de l’horreur, du fantasme et du conte? Il était bien sûr hors de question de tomber dans un quelconque pathos esthétisant, tout en évitant la reconstitution froide et/ou l’esthétique du documentaire. On ne travaille bien qu’avec ses propres outils...

    L’impossibilité de voir les fragments conservés à Yad Vashem et ce malgré l’aide de Yona Fisher, fut l’élément décisif qui me conduisit à travailler l’extérieur de la chambre plus que son intérieur. La chambre du fils de Landau n’était pas très grande, au mieux sa taille est celle d’un grand cagibi ainsi que l’on peut le voir dans le film de Geissler(2). Des murs extérieurs nus n’apportaient rien; seul un retour vers les contes semblait possible.

    Le piège qui se referme sur Hansel et Gretel est l’extérieur de la maison, couverte de friandises de toutes sortes pour les deux enfants affamés et perdus dans les bois. Ces enfants que la sorcière projette de manger après les avoir capturés...

    Les friandises sont des pièges, dessinées elles le sont plus encore : leur nature de leurre est une évidence de noir et blanc. Il n’y a qu’apparence de surface. L’intérieur est une possibilité mais vide. La chambre est détruite à moitié, les gravats tentent une dernière prise avec une réalité d’apparat. Une mise en scène. D’autres mises en scène sont celles érotiques de Schulz, les langues sont des détails invisibles mais permanents. Les langues font le lien entre les “friandises” et les pieds. Les pieds des fantasmes schulzien."

    Paris, 2007/2008

    “La chambre de Schulz” réalisée avec le soutien du CNAP, Centre National des Arts Plastiques, Ministère de la culture et de la communication (allocation de recherche).

    (1)Témoignage de Emil Gorski recueilli en 1984 par Jerzy Ficowski.
    (2) “Bilder finden/À l’ombre des murs”, film de Benjamin Geissler, ARTE G.E.I.E.



    Stéphane Calais : les liens


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