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Luca Cambiaso |
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Musée du Louvre, ParisExposition du 11 novembre 2010 - 7 février 2011Luca Cambiaso (1527-1585) fut un artiste éclectique et insaisissable. L’importante quantité de feuilles qu’il a laissées témoigne de sa passion pour le dessin et de sa maîtrise technique. Par sa rapidité d'exécution, l'utilisation de la plume et de l'encre brune permettait à Cambiaso d'exprimer au mieux son imagination inépuisable. Sa renommée de dessinateur a conduit, avec le temps, à l’introduction erronée dans son corpus graphique de toutes sortes de feuilles, plus au moins proches de son style, qui sont en réalité des oeuvres des élèves de Cambiaso ou des copies d'imitateurs. Au terme d’un travail de remise en ordre et d’analyse stylistique approfondie de ce fonds particulièrement riche, seuls 26 des 188 dessins inscrits comme des originaux dans l'Inventaire manuscrit du musée du Louvre sont maintenus comme étant de sa main. Consacrant ce long travail de recherche, la première exposition de dessins génois au Louvre depuis 1985 rassemble cinquantetrois dessins et une peinture. Son ambition est de rendre plus clair le fonctionnement de l'atelier de Cambiaso tout en évoquant l'activité des autres artistes contemporains qui ont influencé son art. L’étude sur le fonds de dessins de Luca Cambiaso du musée du Louvre a porté à reconnaître que de nombreuses personnalités artistiques travaillaient autour de cet artiste, comme en témoignent les dessins que l’on peut reconduire à des styles divers, mais il n’est pas encore possible de les identifier tous précisément. Le travail commencé par Mary Newcome il y a vingt-cinq ans sur le fonds génois du Louvre reste incontournable, mais beaucoup d’éclaircissements et d’autres découvertes pourront être encore ajoutés sur les protagonistes de cette école si variée, raffinée et innovante. L’exposition adopte un parti-pris chronologique puisque les dessins du Louvre permettent de parcourir presque toutes les étapes de la carrière artistique de Luca Cambiaso, qui s’est déroulée essentiellement à Gênes. L’histoire de cette ville, où il vit jusqu’en 1583, mérite d’être brièvement rappelée pour comprendre le parcours de l’artiste. Lorsque l’assujettissement à la France de François Ier est brisé en faveur d’une alliance avec l’Empereur Charles V, une oligarchie de douze personnes est mise à la tête de la « Respublica Ianuensis » (République génoise). La nouvelle situation politique suscite un élan culturel inédit dû à la confrontation directe entre les membres des classes sociales les plus élevées avec, pour enjeu, la reconnaissance publique de leur primauté. Le moyen le plus efficace d’affirmer la suprématie des riches familles devient, entre autres, la construction des palais et leur décoration. Les chantiers du « Palazzo del Principe » ou des palais de la « Strada Nuova » attirent à Gênes les meilleurs architectes et peintres de toute l’Italie. Luca Cambiaso est formé dans ce milieu artistique génois effervescent par son père, Giovanni (1495– avant 1578), qui lui apprend à dessiner, peindre et même sculpter. A la fin des années 1540, il le prend à son côté pour peindre la fresque d’Apollon attaquant les Grecs aux portes de Troie au plafond du palais d’Antonio Doria. Son talent, qui s'exprime à travers un style reprenant les formes imposantes d'après Michel-Ange, est vite reconnu et en 1551, il est nommé « console dell’Arte » pour l’année suivante, titre traditionnellement réservé à des artistes plus expérimentés. Tout au long de son activité, Cambiaso privilégie un graphisme rapide que seule la technique à la plume et encre brune peut assurer. Ce médium, qui témoigne de son engouement pour le dessin, était courant dans la tradition génoise, enrichie depuis les années 1520 des exemples portés par les artistes « étrangers » actifs en ville. A partir des oeuvres des années 1560, Luca Cambiaso cherche à donner des effets chromatiques à ces feuilles et pour cela il ajoute des touches de lavis. L'origine de cette nouveauté provient sans doute de l’intérêt porté aux jeux de lumière qui ont débouché, en peinture, dans ses tableaux à l’ambiance « nocturne » : il parvient aux mêmes effets dans son oeuvre graphique en laissant en réserve le blanc du papier, comme dans la Sainte Famille avec Sainte Catherine entourés d'anges. Au même moment, ses compositions manifestent un intérêt persistant pour les rapports de proportion entre les figures et l’espace environnant. L’influence forte des grands architectes que sont Galeazzo Alessi et Giovanni Battista Castello, avec qui Cambiaso a collaboré très étroitement, se lit dans cette évolution de sa manière graphique. Le traitement des formes par une ligne mouvementée est également typique de Cambiaso à cette époque. Les détails anatomiques se schématisent à travers des volumes stéréométriques qui simplifient les muscles et les articulations. La production graphique de Cambiaso atteint dans les années 1560 un niveau extrêmement raffiné : le Cabinet des dessins possède l’une des oeuvres les plus réussies, Enée fuyant Troie avec sa famille, chef-d’oeuvre synthétique, représentant l’aboutissement des recherches de Cambiaso sur la figure humaine : le rapport équilibré entre les figures et l’espace, la mise en raccourci et la force des gestes équivalent en quelque sorte à la touche délicate qui caractérise sa production peinte à cette époque. Le tracé des corps imposants donne du rythme à la composition et annonce une nouvelle typologie de style. Entre 1570 et 1580, Cambiaso se voue à l’élaboration complexe des scènes ayant des effets de lumière : Sainte Famille et sainte Catherine entourées d’anges et la Vierge à l’Enfant avec le saint Jean-Baptiste petit. Dès 1581, Luca Cambiaso tisse ses liens artistiques avec la cour de Philippe II d’Espagne , auprès duquel il se rend en 1583 pour réaliser le décor de l’église du Monastère de San Lorenzo à l’Escorial, près de Madrid, où il meurt deux ans après.
Commissaire de l’exposition : Federica Mancini, chargée
d’expositions, département des Arts graphiques, musée du Louvre.
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