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Jota Castro |
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Jota Castro réalise des sculptures, des installations ou des évènements liés aux problématiques économiques, sociales et politiques actuelles, notamment la construction européenne, le conflit israélo-palestinien, les politiques étrangères, etc. Convoquant humour trivial, sarcasme politiquement incorrect et références les plus diverses, les réalisations de Jota Castro pointent certaines mécaniques de la société dont il met en exergue les déséquilibres et les fragilités. Ses oeuvres réinterprètent des faits liés à l'actualité ainsi qu'à l'histoire personnelle de l'artiste.
Il serait pourtant erroné de réduire l'oeuvre de Jota Castro au seul "art politique". L'enjeu est plutôt de dévoiler le pouvoir des discours en plaçant souvent le langage et les signes visuels au centre de sa pratique artistique. L'association de noms propres, la retranscription de débats politiques ou encore les jeux de mots, provoquent davantage le trouble et l'ambiguïté chez le spectateur que l'affirmation rassurante d'une pensée établie. Jota Castro utilise l'art à des fins critiques en proposant des interventions parfois polémiques, mais en totale rupture avec la vérité d'un discours idéologique. Il réinterprète, non sans humour, les codes visuels ou linguistiques, s'approprie des images, des expressions préexistantes et explore ainsi les nouvelles formes de communication.
L’information (au sens large) joue un rôle crucial dans son travail car sa distribution et son échange en sont le matériel de base. C’est ainsi que, lors de la Biennale de Venise en 2003, il présente son "Guide de survie du Manifestant", un journal contenant des informations permettant aux manifestants de connaître leurs droits. "Lovehotel" est une chambre, confortable et équipée, pour faire l’amour (plutôt qu’en parler ou en montrer des représentations). "Extracomunitari", est une marque de T-Shirt commercialisée au Japon, dont le nom et le logo sont inspirés par les mouvements migratoires vers l’Europe. La vidéo "Présidence italienne" retranscrit, sous forme d’un opéra chanté, le dialogue à l’occasion duquel Silvio Berlusconi traita le parlementaire allemand Martin Schultz de "kapo". Jota Castro reçoit le Grand Prix de la Biennale de Gwangju en Corée du Sud en 2004 pour son travail sur les mines antipersonnelles.
Il y a dans le travail de Jota Castro la permanence d’un don, d’une générosité vers l’Autre, quel qu’il soit -on a tous besoin de recevoir, à un moment ou un autre- qui se concrétise sous la forme d’une diffusion d’informations. A l’esthétique relationnelle et à ses développements de relations interpersonnelles, Jota Castro a ajouté l’exigence d’un contenu. La conversation, la fête, l’échange, la dispute, etc. sont certes des moments en soi, avec leurs qualités d’autonomie propres, mais elles doivent permettre l’échange de savoirs, la diffusion des connaissances. Dans un monde que l’on dit "surmédiatisé" mais qui est davantage synonyme de "malmédiatisé", la possession d’informations et leur diffusion correcte sont des enjeux démocratiques fondamentaux.
Loin des options manichéennes et frontales qui ont caractérisé la période moderne, aux antipodes du cynisme désabusé du postmodernisme (en atteste son néon "Tout n’a pas été dit, tout n’a pas été fait"), Jota Castro livre des informations précises sur des sujets d’actualités importants. Il soumet véritablement à la question des problèmes immédiats, concrets et globaux à la fois. Sans trancher, ni chercher à plaire ou à convaincre, sans prosélytisme autre que celui de la nécessité de l’échange, il laisse à chacun la liberté d’interpréter ses propositions, comme on peut le faire de toute œuvre. Par ses interventions, qui surmontent l’antagonisme entre le "pro" et le "contra", Jota Castro définit de nouvelles et nécessaires stratégies de résistance.
« Moi c’est Jota, le fils d’une femme qui est la fille d’un fils de pute et d’un gentilhomme du tiers monde,
j’ai souffert d’indifférence quand j’étais petit et j’ai arrêté de parler pendant un an quand j’avais 5 ans,
j’ai fait des guerres, j’ai fait du sport, j’ai étudié, j’ai beaucoup voyagé, j’ai écrit un livre - mauvais, j’ai
rencontré ma femme à Madrid je l’ai épousée à Belfast, j’ai failli la perdre, j’ai failli me perdre, je suis
revenu à mes rêves, ça me fait rire de savoir que Freud aimait la cocaïne autant que moi, j’ai des
problèmes de reins mais je me soigne, j’ai rêvé d’un destin alors que j’en avais un, j’aime le sexe
comme j’aime la vie, j’ai été torturé et je culpabilise encore, j’ai été riche et j’ai pas aimé, j’ai été
pauvre et j’ai pas aimé, je ne sais pas où je vais mourir, je n’ai pas d’enfant, je n’ai plus de langue
maternelle, je suis venu à l’art parce que je n’en pouvais plus de mentir, j’ai toujours aimé écrire de la
poésie, j’ai perdu une femme que j’aimais, mon père est mort sans que je le revoie, je n’ai pas revu ma
mère depuis 20 ans, je me sens seul parfois, je suis malade de foot, quand j’étais petit ma devise
c’était plutôt mourir que pêcher, parfois certains amis m’appellent el hijo del sol, j’ai voyagé plus que
mon imagination, j’étais à Berlin au moment de la chute du mur, j’étais à Moscou à l’époque de la
Perestroïka, les mathématiques me calment, j’ai rêvé une fois d’une étoile qui marche, je lis l’Equipe
tous les jours, j’adore la pluie quand je suis chez moi, j’ai un petit frère mongolien qui s’appelle Fidel,
j’adore Cy Twombly, je me sens chez moi en Ecosse, je me sens chez moi en Italie, j’ai vu jouer Pelé et
Maradona, j’ai peint les escaliers de ma maison en orange, je suis fasciné par le fauteuil low pad de
Morrison, je ne suis pas blanc, je me sens coupable, je suis né en Amazonie. »
L' "Exposition Universelle 1" réunit un ensemble d'oeuvres récentes et inédites. Liées très directement à l'élaboration de sa pensée critique, reflet de ses propres fragilités ou aspirant à l'universalisme, chacune d'elle pose des questions directes et oblige, par l'expérience, à une remise en cause de nos a priori. Le lieu dans lequel il expose est également, pour Jota Castro, un objet d'expérience et une source d'inspiration critique : "Le Palais de Tokyo, dit-il, créé pour l'Exposition Internationale de 1937, symbolisait à l'époque la soi-disant supériorité technique de l'Europe blanche sur le reste du monde. La France était alors une puissance coloniale qui voulait montrer sa modernité. Ce fait historique a inspiré mon propos pour cette exposition qui reprend le thème de l'universalité pour montrer les contradictions de notre époque mais aussi les miennes."
Lors du vernissage de l' "Exposition Universelle 1" au Palais de Tokyo, Jota Castro propose une performance intitulée "Discrimination Day" pour mettre en scène les excès récurrents du délit de faciès auquel l'artiste, de nationalité franco-péruvienne souhaite nous sensibiliser. Il transforme le Palais de Tokyo en une véritable caisse de résonance de la réalité vécue au quotidien par des milliers de citoyens, très éloignée des principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité. Ce soir-là, il renverse le processus. Les personnes qui n'en sont jamais victimes, en subissent ici les effets. Par sa participation, le public constitue l'oeuvre "dessinée" par l'artiste. En écho aux débats politiques sur la discrimination et à la montée du racisme en 2004, Jota Castro, ex-juriste international, interpelle symboliquement la législation sur ce thème particulièrement sensible. A l'instar de Michael Moore pour le cinéma, Jota Castro est un "artiste militant" qui met en scène les absurdités d'un système pour en dénoncer ces dysfonctionnements. Venir au vernissage à partir de 20h au Palais de Tokyo le 03 février 2005, c'est autant participer à l'oeuvre qu'accepter, l'espace d'un instant, de se mettre dans la peau de l'autre.