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Sensualité et spiritualité

À la recherche de l'absolu

Musée national Jean-Jacques Henner, Paris

Exposition du 16 novembre 2012 – 17 juin 2013




exposition henner
Jean-Jacques Henner (1829-1905), Madeleine pénitente, 1878 - Huile sur toile - Mulhouse, Musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts de Mulhouse / Christian Kempf - INV 62.1.116

Jusqu'au 17 juin 2013, le Musée national Jean-Jacques Henner présente l'exposition Sensualité et spiritualité. À la recherche de l'absolu.

Composée de 114 oeuvres, peintures et dessins, elle a l'ambition de renouveler le regard porté sur la peinture religieuse de Jean-Jacques Henner (1829-1905). Grâce aux prêts importants consentis par plusieurs institutions françaises et à la collection du musée, l'exposition permet de saisir comment Henner aborde le sujet religieux, entre représentation sensuelle et profonde spiritualité. La singularité de sa démarche se caractérise par une recherche alliant perfection formelle et absolu métaphysique. Afin de replacer Henner dans son milieu artistique, philosophique et politique, plusieurs oeuvres de ses amis et contemporains sont présentées : Paul Baudry, Léon Bonnat, Eugène Carrière, Jules-Élie Delaunay, Gustave Moreau, Pierre Puvis de Chavannes et Théodule Ribot. C'est le cheminement de la pensée de l'artiste et la fabrique de son oeuvre que le visiteur peut découvrir au travers des carnets, des agendas, des dessins et études peintes préparatoires aux tableaux présentés aux Salons.

Jean-Jacques Henner est né le 5 mars 1829 à Bernwiller, petit-village situé au sud de l'Alsace. Il débute sa formation au Collège d'Altkirch auprès de Charles Goutzwiller qui lui enseigne le dessin puis dans l'atelier de Gabriel Guérin à Strasbourg. Tous deux lui communiquent leur passion pour les oeuvres des primitifs allemands. Le Christ mort d'Holbein du musée de Bâle et le retable d'Issenheim de Grünewald que Henner admire à Colmar vont tout particulièrement marquer son oeuvre. Puis, il s'installe à Paris pour suivre la formation dispensée à l'Ecole des beaux-arts reposant sur le dessin d'après modèles vivants et la copie d'antique.

Présenté pour la première fois, après un long travail de restauration, le Ecce Homo de 1849 est le premier tableau à sujet religieux de Henner. Cette oeuvre où les personnages ressemblent à des « figures habillées » illustre ses premières recherches artistiques. C'est en abordant un thème de l'Ancien Testament, Adam et Ève découvrant le corps d'Abel, qu'il est récompensé en 1858 par le premier Grand Prix de peinture. Il part à Rome comme pensionnaire à la Villa Médicis où il demeure jusqu'en 1864. Son séjour en Italie lui permet de se familiariser avec les grands artistes de la Renaissance : Titien, Bellini, Botticelli et Raphaël. Parmi eux, Corrège, par son traitement de la lumière et de la couleur, l'influence profondément. L'exposition présente ainsi plusieurs copies d'oeuves religieuses d'après ces maîtres et rappelle là une étape importante de la formation des artistes du XIXème siècle. Lors de ce séjour en Italie, Henner se constitue un répertoire de modèles, de formes, de lignes et de couleurs dans lequel il va puiser pour construire son langage pictural.



Influencé par Léonard, Corrège et Rembrandt, Jean-Jacques Henner est avant tout attentif à la forme perçue, non comme la restitution de caractères objectifs, mais au contraire comme principe d'unité permettant de rendre sensible l'essence de l'être. Il note dans son agenda, le 17 septembre 1875 : « Je me suis trop attaché à certains petits détails, à l’oeil par exemple, et j’ai oublié la grande forme ». Ses préoccupations artistiques font écho à la philosophie spiritualiste de Félix Ravaisson (1813-1900), dont il fit le portrait en 1886, et de Gabriel Séailles (1852-1922). Pour Ravaisson, en effet, « l'art écarte les obstacles pour faire voir à l'état de pureté la tendance, la volonté de la nature, c'est-à-dire au lieu de la réalité avec ses imperfections inévitables, l'idéale et absolue vérité ».

C'est à la lumière de cette démarche philosophique que peuvent être interprétées les représentations de Madeleine, figure récurrente dans l'oeuvre de Henner. Ainsi, si sa Madeleine pénitente peinte en 1860 comme celle de Paul Baudry, présentée au Salon la même année, évoquent de belles « pécheresses », la sensualité et la beauté du corps renvoient à une recherche spiritualiste d'absolu. De nombreux peintres, amis de Henner, partagent cette même quête. Ainsi, Huysmans, dans L’esthétique du Salon de 1883, place-t-il Pierre Puvis de Chavanne au firmament de ces « chercheur d'absolu ».

La représentation des corps souffrants ou mourants, thème majeur de l'exposition, manifeste la religiosité spécifique qui caractérise l'oeuve de Henner. Elle renvoie aux drames humains qui ont particulièrement marqué Henner : la mort de ses soeurs, Madeleine en 1852 puis Marie-Anne en 1893, et la maladie de son frère Séraphin. La beauté sensuelle laisse la place à la représentation de la douleur et de la mort. Toutefois, c'est moins la méditation sur la mort qui retient l'attention du peintre dans ses oeuvres que l'intérêt pour la figuration de l'esprit : peindre le corps et rendre l'âme.

Cet aspect est particulièrement remarquable dans l'ensemble d’oeuvres sur le thème du Christ. L'ombre et la lumière qui sculptent les formes, les contours flous, le contraste entre le clair et le foncé confèrent aux scènes une dimension sacrée tout en soulignant la nature humaine du Christ. On ne peut s'abstenir de penser à l'ouvrage, présent dans la bibliothèque de Henner, La Vie de Jésus (1863) d'Ernest Renan, dans lequel il exprime la profonde humanité de Jésus, cet « homme incomparable ».



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