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François RouanLa découpe comme modèle |
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Musée départemental Matisse, Le Cateau-CambrésisExposition du 3 juillet au 18 septembre 2011François Rouan est de ceux qui ont regardé Matisse. Les papiers découpés des années 65-66 en témoignent d’abord : tout a commencé avec ces travaux sur papier, colorés, découpés, entrecroisés, retournés ou tressés. Mais déjà la découpe ne sert pas seulement à quantifier la couleur. Elle devient pour Rouan un outil – ou mieux un modèle – pour arracher le plan moderniste à la tentation du lisse, de la pureté simplificatrice et minimaliste. Des premiers papiers aux toiles tressées de plus en plus complexes des années 69- 70, tressées dessus/dessous, dedans/dehors, à trois ou quatre trames, la peinture a fait surface, littéralement. Le champ du tableau se fend et s’ouvre pour produire une épaisseur de sillons et de plis, pour laisser passer du corps. Aujourd’hui, le travail de peinture de François Rouan reconduit ces mêmes procédures de tressage, toujours pour ouvrir le plan du tableau à plus de corporéité, pour affirmer la réalité d’une rugosité, pour faire surgir la présence de corps et de figures non immédiatement identifiables en tant que tels, mais empreints dans la substance même du tableau.
L’exposition « La découpe comme
modèle » confrontera ces deux séquences
de travail de peinture de Rouan, distantes
de quarante ans : celle des années 1966-
70, et la plus récente, celle des années
2007-2011. Au coeur de l’exposition, la
présence d’un film spécialement réalisé
pour cette occasion intitulé « Odalisque –
Flandres » articulera ces deux moments,
en même temps que la relation entretenue
par Rouan avec l’oeuvre de Matisse, de
Collioure à la Flandre, à travers le corps
des modèles.
François Rouan est un peintre abstrait, mais sa peinture a toujours été travaillée par le corps. C’est à partir de la contradiction apparente qui se trame autour de ces deux propositions, que s’est élaborée – depuis le milieu des années 60 – une oeuvre foisonnante, très riche et complexe. La peinture y occupe une place centrale, mais Rouan a aussi travaillé (surtout depuis une dizaine d’années) d’autres médiums, la photographie, le film, la vidéo. C’est aussi à partir de ces deux éléments – l’abstraction revendiquée d’une « grille » décorative, et la présence affirmée, toujours plus incarnée, mais diffuse et non ressemblante, du « corps », dans tous ses travaux – que s’est nouée la relation qu’il entretient depuis toujours avec Matisse. Plus exactement, et pour reprendre ses propres mots, il a engagé une longue « conversation en peinture » avec les oeuvres de Matisse… comme avec d’autres peintres tels que Rothko ou Hantaï. Pour rendre compte de ce parcours, et de sa durée, l’exposition confrontera deux séries d’oeuvres, éloignées dans le temps. La première, celle des débuts, montrera des travaux sur papier (1965-1970) placés d’abord sous l’influence directe de Matisse et de sa « découpe à vif dans la couleur », puis progressivement complexifiés. Plus de quarante ans après, les toiles récentes (2007-2011) de la seconde partie de l’exposition montreront comment la figure s’est aujourd’hui complètement incarnée dans le travail de François Rouan, sans pourtant qu’on puisse jamais parler de représentation, ni de ressemblance. S’il travaille maintenant souvent d’après modèle (photographies, films, empreintes), c’est le corps même du tableau, son épaisseur, sa matérialité accentuée par des procédés tels que le tressage, la superposition, qui intéresse d’abord Rouan : placé au coeur de l’exposition, un film réalisé spécialement pour cette occasion dévoilera un peu de cette relation entre la présence ponctuelle des modèles dans l’atelier, leurs corps, leurs voix, et la lente élaboration de l’oeuvre, le « work in progress ». Entre les notions de découpe, couleur, figure, modèle, il n’y a donc pas le fil d’une relation linéaire, mais une constante interaction en forme de tissage ou de tressage, un modèle sur lequel fonctionne aussi l’exposition, elle-même conçue en trois séquences.
Comme toute sa génération, Rouan s’est trouvé confronté à la mise en question radicale de la peinture, et de ses outils traditionnels. Dans une première phase qu’on pourrait dire expérimentale (1965-1967), son travail met en jeu des papiers gouachés (référence au Matisse des années 50), découpés ou fendus (voir Fontana), collés sur un fond éventuellement peint. Il est en fait très vite conduit à pratiquer ce qu’il appellera « tressage » : même s’il s’agit en réalité de constituer en chaîne et trame d’un tissage des bandes découpées provenant de deux papiers (ou par la suite de deux toiles) préalablement empreints de couleur, parfois aussi tatoués à l’avance de motifs divers. A partir de deux systèmes de signes, Rouan produit donc un troisième objet – d’où l’idée de la tresse – aléatoire certes, mais au fur et à mesure qu’il explore cette technique, de mieux en mieux conceptualisé et dominé. Cependant la découpe ne sert pas (comme chez Matisse) à quantifier la couleur : elle devient surtout pour Rouan un outil pour complexifier le plan du tableau, pour lui donner de la profondeur, en faire déjà une peau à plusieurs épaisseurs superposées. Des premiers papiers colorés bleus, oranges ou verts, aux toiles de plus en plus complexes des années 69- 70, tressées à trois ou quatre trames avant d’être découpées et une nouvelle fois tissées, la peinture fait littéralement surface. Le champ du tableau se fend et s’ouvre pour laisser passer du corps.
Aujourd’hui, François Rouan reconduit ces mêmes procédures de tressage, toujours pour ouvrir le plan du tableau à plus de corporéité, pour affirmer une rugosité, pour faire surgir la présence de corps et de figures non immédiatement identifiables, mais empreints dans la substance même de la peinture. Une « floraison » récente de toiles éclatantes, où dominent des harmonies fruitées jaunes et orangées (Fleurs de Coing et Membrillo – c’est à dire coing en espagnol), ou bien des bleus associés à des mines orange et des roses improbables (Odalisque Flandres) sera exposée pour la première fois au Musée Matisse. La référence aux « Odalisques » n’est évidemment pas fortuite, pour la dernière série « Odalisque Flandres » entamée à partir de l’été 2010. Des toiles volontairement provocantes en ce début de 21ème siècle…On y retrouvera la combinaison de motifs décoratifs puisés aux sources les plus diverses, les plus basiques comme les plus élaborées – des points, des tirets, des hachures, des arabesques ottomanes ou des papiers dominotés 18ème – et des empreintes de corps, réelles ou façonnées. Ces matériaux hétéroclites sont longuement retravaillés et amalgamés : divisés par l’opération de la découpe, ils sont recomposés par le tressage, et encore travaillés par la couleur jusqu’à constituer un « corps » bien spécifique, un tableau qui tient comme un mur…
Principalement peintre et dessinateur, François Rouan pratique la
photographie depuis les années 80, et a également réalisé une
vingtaine de films (le premier a été réalisé en 2003).
Il utilise ces deux médiums en étroite intrication avec le travail de
peinture, et les force à se « tresser » ensemble, aussi bien qu’avec
les tableaux en cours. Réalisé spécialement pour l’exposition, le film
« Odalisque Flandres » tresse donc plusieurs fils. Premièrement, la
migration du Sud, (Rouan est né à Montpellier), au Nord, (il est établi en Picardie), à rebours
du trajet matissien. Ensuite, la relation aux modèles, dont la présence et les voix rieuses
contribuent au travail du peintre, même lorsque qu’elles ont quitté l’atelier, et qu’il n’en
demeure que des empreintes : empreintes de leurs corps, empreintes photographiques, ou
bien filmées et enregistrées. Et encore, la matérialité même du travail de peinture, son côté
manuel, ouvrier : le geste de découper une toile alourdie par la couleur est un geste lourd,
qui implique la main, le bras, le corps tout entier. Enfin une bande
audio qui brasse ces éléments et d’autres, dans un tissu sonore
aussi complexe et travaillé que le montage des images. « Odalisque
Flandres » expose ainsi, d’une autre manière que les tableaux
récents, la relation profonde entretenue par Rouan avec différents
moments du parcours de Matisse, et son propre questionnement sur
la relation du corps et de la pensée.
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