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De Fragonard à Hubert Robert

Musée départemental de l’Oise, Beauvais

Exposition du 5 février – 14 juin 2010




Le Conseil général de l’Oise et Amiens Métropole se sont associés pour organiser à Beauvais, au sein du Musée départemental de l’Oise, l’exposition d’une sélection de chefs-d’oeuvre du XVIIIe siècle appartenant aux collections des musées d’Amiens. Cette manifestation est le résultat d’une étroite collaboration entre les deux établissements. Elle illustre les liens nécessaires et fructueux qui unissent aujourd’hui ces deux musées picards, et intervient alors que le premier étage du Musée de Picardie, consacré en grande partie aux peintures, est fermé pour travaux jusqu’en 2012. Cette exposition offre l’opportunité de redécouvrir, dans un accrochage spécialement pensé et réalisé pour cet événement, quelques-unes des plus belles pièces des collections amiénoises ; elle donne aux visiteurs du Musée départemental de l’Oise l’occasion de voir, peut-être pour la première fois, des oeuvres de grande qualité, caractéristiques d’une période de création foisonnante.

Les oeuvres du XVIIIe siècle constituent l’une des grandes richesses des collections des musées d’Amiens. La plupart des tableaux exposés à Beauvais proviennent de la collection des frères Lavalard, donnée au musée en 1890 – les quelques 271 pièces concernées intégrèrent les lieux quatre ans plus tard. Originaires de Picardie, Olympe, Ernest et Émile Lavalard vécurent longtemps à Paris où ils fréquentèrent assidûment l’Hôtel Drouot. Ils y achetèrent entre 1850 et 1870 une très grande partie des tableaux qui constituèrent leur galerie. Francois Boucher, Fragonard, Greuze, Vanloo, Hubert-Robert... : à une époque où l’école française du XVIIIe siècle n’était guère en vogue, la sûreté de leur goût – largement tributaire des conseils du docteur La Caze, célèbre amateur d’art qui fit quant à lui don de ses oeuvres au musée du Louvre en 1869 – leur permit de constituer une fort belle collection.

Fragonard tete vieillard
Jean-Honoré Fragonard, "Tête de vieillard", vers 1766 - photo : Amiens, musées / cl. Marc Jeanneteau

À une exception près – le Napolitain Giacomo del Po – tous les artistes représentés dans cette sélection sont français. Il n’est pas anodin de le préciser, tant l’origine géographique des artistes joue souvent un rôle décisif dans leur manière et dans le choix même des sujets illustrés. L’arrière-plan historique a en effet son importance : la mort de Louis XIV, en 1715, change profondément les modes de représentation dans la peinture française. Le temps est à la légèreté, les fastes versaillais laissent place à un art plus délicat. Les peintres commencent en outre à s’attacher davantage à la peinture de la vie quotidienne qui, sous leur pinceau, se pare d’une certaine poésie.

Jean-Baptiste Deshays
Jean-Baptiste Deshays, La Délivrance de Saint Pierre, vers 1761 - photo : Amiens, musées / cl. Marc Jeanneteau

Toutefois, dans la continuité des siècles précédents, la hiérarchie des genres n’est guère contestée, qui place au sommet les sujets tirés de l’Histoire et de la fable, tandis que, dans un ordre de dignité décroissant, viennent ensuite le portrait, les animaux, les paysages et les natures mortes. La peinture de figures tirées de la vie quotidienne, ou peinture de genre, ne constitua que tardivement une catégorie distincte au sein de cette classification adoptée et défendue par l’Académie royale de peinture et de sculpture.



Parcours de l'exposition

L’exposition se découpe en sept sections. À l’image de l’exposition, ces sections sont toutes de taille modeste, mais elles présentent toujours des oeuvres particulièrement emblématiques, au sein des collections des musées d’Amiens, des différentes facettes de la production picturale du XVIIIe siècle. Ce découpage permet de brosser un large panorama de l’art tout en contrastes de ce siècle : aux côtés des petits tableaux gracieux témoignant du climat de fête qui régnait pendant la Régence (1715-1723) voisinent des oeuvres religieuses plus austères mais tout aussi caractéristiques des modes de représentation de l’époque.

  • Paysages et fêtes, un art placé sous le signe de la légèreté

    La première section permet d’introduire l’art brillant, théâtral et fantaisiste qui voit le jour sous la Régence. Un vent nouveau soufflait alors sur une partie de la production peinte, celui de la fête galante. C’est dans la continuité de Watteau que se placent Bonaventure de Bar ou encore Noël Hallé. Le goût pour le pittoresque toucha aussi le paysage – Hubert Robert en offre les plus piquants témoignages ; la nature, qu’elle fût intacte ou jalonnée de ruines antiques, se peupla de charmantes petites figures, indépendantes de toute référence mythologique.

  • Le goût des collectionneurs : scènes de genre et natures mortes

    Emblématiques de la production picturale du XVIIIe siècle, les scènes de genre sont à l’honneur dans la section 2. Inspirée par les modèles flamands et hollandais, très en vogue au XVIIIe siècle dans le milieu des collectionneurs parisiens, la scène de genre était considérée par les tenants de l’académisme comme gracieuse et fine d’exécution mais impropre à nourrir l’esprit. Pourtant, cette peinture gagna progressivement ses lettres de noblesse : les petites figures de Greuze, les scènes peintes par Hubert Robert ou Louis Aubert ont contribué à cette réévaluation. De la même manière, les natures mortes furent de plus en plus prisées par les collectionneurs, la reconnaissance dont bénéficia Chardin en fournit l’exemple le plus éclatant.

  • Fragonard, artiste singulier

    La section 3 présente ensuite un ensemble d’oeuvres de Fragonard qui, s’il n’est pas exhaustif, reste significatif des différentes facettes de son talent. Il est vrai que, pour des raisons de conservation, le petit chef-d’oeuvre qu’est le Berceau n’a pu faire le déplacement, il est toutefois à noter, au sein de l’exposition, la présence d’une Nativité tout récemment attribuée à l’artiste. Cette oeuvre, entrée dans la collection sous le nom de Carle Vanloo avant de lui être retirée, était jusqu’ici restée anonyme. Sa nouvelle identité inscrit ainsi l’exposition dans l’actualité de la recherche.

  • Un ensemble décoratif exceptionnel : les Chasses exotiques de Louis XV

    Les Chasses exotiques de Louis XV constituent l’un des cycles les plus spectaculaires de la peinture décorative de la première moitié du XVIIIe siècle ; deux esquisses liées à cette commande constituent à elles deux la quatrième section. Dans la droite ligne de ses ancêtres, Louis XV vouait à la chasse une véritable passion, dont le cycle des Chasses exotiques ou Chasses en pays étrangers reste le parfait reflet. Encastrés dans les riches boiseries de la Petite Galerie du roi, les tableaux – peints par François Boucher, Nicolas Lancret, Jean- Baptiste Pater, Jean-François de Troy, Carle Vanloo et Charles Parrocel – occupaient tout l’espace de ce lieu de convivialité plus intime souhaité par le souverain. Bien plus que de simples peintures animalières, alors moins bien considérées, ces oeuvres représentant la lutte entre des hommes et des animaux féroces s’inscrivaient dans le grand genre. Moins spectaculaires que les tableaux définitifs, les esquisses de Parrocel présentées à Beauvais, par la liberté de leur touche et l’intensité des coloris adoptés, reflètent pourtant bien l’esprit de la commande.

  • Le maintien du grand genre : peintures allégoriques et mythologiques

    Dans la section 5, sont à l’honneur les peintures d’histoire, allégoriques et mythologiques, réalisées dans la continuité de l’art majestueux et solennel du XVIIe siècle. Bien que moins en faveur auprès du public, les grands peintres d’histoire de la période bénéficiaient toujours d’importantes commandes royales. Cette production, souvent vertueuse et éloquente, est évoquée au sein de l’exposition à la fois par des tableaux définitifs de taille moyenne (Alexandre malade recevant le breuvage du médecin Philippe de Jean Restout) et par des esquisses préparatoires à des tableaux de grand format, telle l’Allégorie de la naissance du dauphin Louis de France, fils de Louis XV, peinte par Jean-Baptiste Vanloo en 1729.

  • Le renouveau de la peinture religieuse

    Elle aussi inscrite à part entière dans le vaste genre de la peinture d’histoire, la peinture religieuse est traitée dans la sixième section, qui met l’accent sur le traitement nouveau de sujets éminemment traditionnels. En effet, s’inscrivant dans la continuité du siècle précédent, l’art religieux n’en subit pas moins de profonds changements au cours du XVIIIe siècle. Ces inflexions vont de pair avec l’évolution de la société, qui se sécularise peu à peu. Les pratiques quotidiennes comme la représentation du fait religieux témoignent alors d’une certaine liberté. Au sein de l’exposition, ce sont notamment les esquisses de Jean-Baptiste Deshays et de François Boucher qui révèlent ce souffle nouveau.

  • La nature au service du sentiment

    La dernière section, enfin, revêt des accents pré-romantiques, en illustrant le traitement nouveau de la nature au fil du siècle : plus subjectif que par le passé, le paysage se met progressivement au service du sentiment. Dès le milieu du siècle, les vues poétiques de Joseph Vernet bousculent la hiérarchie des genres. Datée de 1800, la Mélancolie de Charpentier – l’oeuvre la plus tardive de la sélection – entérine cette profonde évolution.

    Régulée par l’Académie qui pèse alors de toute son autorité dans l’enseignement et dans le choix des artistes distingués parmi leurs pairs, la production artistique du XVIIIe siècle, en France, n’en présente donc pas moins des visages très contrastés, qu’illustrent donc à l’aide d’oeuvres significatives des musées d’Amiens les différentes sections de l’exposition.



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