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Filippo et Filippino Lippi |
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L'exposition rassemble une cinquantaine de tableaux et sculptures du XIVe au
XVIe siècle, encore jamais présentés en France, provenant en partie du musée municipal de Prato,
situé dans le Palazzo Pretorio et fermé pour cause de travaux, ainsi que
d'autres institutions de la région. Elle offre une occasion unique de découvrir le riche
patrimoine artistique de cette cité qui fut, sans conteste, un important foyer artistique
durant cette période grâce notamment aux nouveautés stylistiques initiées par
Filippo, puis Filippino Lippi lors de leurs séjours respectifs à Prato. Elle permet ainsi
d'apprécier l'influence des Lippi dans l'avènement d'un style novateur, la Maniera,
développée avec leurs plus proches collaborateurs (Fra Diamante et Domenico di
Zanobi), puis relayée par leurs suiveurs (Botticelli, Tommaso di Piero dit Il Trombetto,
Luca Signorelli, Zanobi Poggini, Raffaellino del Garbo, entre autres). Le rôle
prépondérant des sculpteurs y est également mis en lumière dans une section
consacrée aux autels de dévotion privée.
Les peintures exposées témoignent des nouveautés artistiques transmises par Filippo Lippi et Filippino Lippi à leurs nombreux suiveurs et imitateurs ; elles nous parlent d’une ville et d’une campagne profondément religieuses, riches en couvents, églises, confréries, oratoires, et tabernacles.
Bien que la ville de Prato, du XVe et du XVIe siècle, soit consciente de son identité et fière de son château et de sa relique de la sainte Ceinture, très vénérée, elle vit dans l’ombre de Florence qui la domine et l’influence culturellement et artistiquement.
Le musée municipal de Prato, situé dans le Palazzo Pretorio d’où provient une grande partie des oeuvres exposées, fut fondé en 1788 par le Grand-Duc Pierre-Léopold de Habsbourg- Lorraine avec pour objectif didactique - propre au Siècle des Lumières - d’aider les artistes dans leurs études. Le musée conserve "les trésors de la ville", soit les meilleures peintures florentines ou pratoises, réalisées sur bois ou en fresque entre le Trecento et la Renaissance. En tant qu’institution, ce musée possède un long passé historique qui, au regard de la création des musées municipaux toscans, le place d’emblé parmi les plus anciens et avec la plus forte vocation artistique.
Il suffit de penser à la notoriété des artistes qu'elle rassemble (Bernardino Daddi, Giovanni da Milano, Lorenzo Monaco, Donatello, Filippo et Filippino Lippi, Luca Signorelli) ainsi qu'à la multiplicité des supports et des techniques qu'elle réunit pour se rendre compte des qualités de cette collection : dessins, gravures, sculptures et céramiques, pour la plupart issus du Palais lui-même, de la ville ou de ses alentours.
Au noyau historique de la collection, s’ajoutent en 1870 plusieurs chefs-d’oeuvre, provenant de la liquidation du patrimoine ecclésiastique, parmi lesquels la prédelle, très importante pour la mémoire de la ville, peinte par Bernardo Daddi et représentant Les Histoires de la sainte Ceinture; le polyptique de Giovanni da Milano, La Nativité avec saint George et saint Vincent Ferrer de Filippo Lippi et sa pala (son retable) qui représente la Vierge à la Ceinture. Originaire du convent de sainte Marguerite, cette oeuvre fut au coeur de la sandaleuse histoire d’amour entre le frère Filippo Lippi et la novice Lucrezia Buti, union dont naquit Filippino. De Lippi, nous sont également parvenues plusieurs oeuvres qui témoignent de son lien affectif avec la ville.
Maria Pia Mannini - Directrice du musée municipal de Prato (Toscane) - Co-commissaire de l’exposition
L’exposition est également l’occasion de présenter les nouveautés artistiques que ces deux grands artistes ont transmis aux peintres du territoire florentin durant leurs séjours à Prato. Filippo et Filippino Lippi (né à Prato vers 1457) furent, en effet, alors, au centre d’un passionnant réseau culturel qui anima le passage de la peinture du Quattrocento à celle du Cinquecento et créa des liens intenses, non seulement politiques mais aussi artistiques, entre les villes de Prato et de Florence.
Filippo Lippi, frère carmélite dirigea, à son retour de Padoue, de 1452 à 1466, un atelier à Prato et il y réalisa la décoration à fresque du coeur du Duomo. De tempérament passionné et turbulent, il vécut en plein contraste avec la discipline de son ordre, aimant le Beau et la vie dans sa plénitude. Dans l’art du portrait, il excella grâce à l’intensité expressive de ses visages et à la précision de ses profils.
Fils de Filippo et de la religieuse Lucrezia Buti, échappée du couvent de sainte Marguerite à Prato en 1456, Filippino grandit à Prato. Au contact avec le travail de son père en tant qu’assistant, il participa dès l’âge de douze ans à l’achèvement des fresques du Duomo de Spolète, laissées inachevées par son père.
La relation entre Filippino et Botticelli est attestée à partir de 1472 : ce dernier se forma dans l’atelier de Filippo, qui lui apprit les premiers rudiments de la peinture. Puis, à son tour Filippino se forma dans l’atelier de Botticelli où il assimila également les éléments stylistiques de l’atelier de son père. Cette interpénétration stylistique explique la symbiose des langages qui lie la penture de Filippino à celle de Botticelli et ce, malgré les différences liées à leurs personnalités.
Célèbre est le jugement de Giorgio Vasari, admirateur et collectionneur des dessins de Filippino, qui l’a définit comme "un peintre plein de talent et de charmante invention" (1568).
En s’inspirant donc des modèles de son père, les Vierges de Filippino exprimaient déjà la tension mystique et religieuse du dernier quart du XVe siècle dominé par la figure de Savonarole. Sa peinture, qui était, en outre, chargée d’implications ésotériques liées à la culture archéologique de son temps, exerça sur ses contemporains une influence déterminante, en particulier par l’utilisation récurrente des grotesques qui ouvrit la voie à l’émergence de la Maniera.
L’exposition présente une cinquantaine d’oeuvres dont les plus célèbres de la période pratoise de Lippi père ; celles de ses plus proches collaborateurs, Fra Diamante et Domenico di Zanobi ; une prédelle, oeuvre de jeunesse de Filippino réalisée en collaboration avec Fra Diamante ainsi qu’une oeuvre de maturité, le retable de la salle des Audiences encore jamais déplacé de son lieu d’origine. Le parcours de l’exposition propose également des oeuvres de Tommaso di Piero dit Il Trombetto, de Girolamo Ristori, du Maître de Canneto et d’autres artistes stylistiquement et chronologiquement proches de Filippino, telles que Sandro Botticelli et Luca Signorelli, qui démontrent l’extraordinaire influence de l’atelier Lippi dans le développement d’un style nouveau et de la place de Prato au XVe siècle comme un des foyers artistiques les plus vivants et innovants de la Renaissance italienne, tant d’un point de vue intellectuel que matériel.
Cristina Gnoni Mavarelli -
Historienne de l’art attachée à la Surintendance du Patrimoine historique et artistique de
Florence, Prato et Pistoia -
Co-commissaire de l’exposition