Paul Gauguin. L'oeuvre gravé

Le Kunsthaus Zürich présente plus de 50 gravures du peintre Paul Gauguin.

Si Gauguin est considéré comme un fondateur de la peinture moderne, son oeuvre graphique reste en revanche largement méconnue malgré sa diversité et son originalité remarquables. Les tirages ici exposés sont rarissimes et de très grande qualité.

Paul Gauguin fait partie des plus célèbres peintres de la modernité commençante. Mais on ne saurait comprendre sa personnalité artistique sans s'être penché aussi sur son oeuvre graphique. Les gravures sur bois et les zincographies (lithogravures utilisant des plaques de zinc au lieu de pierres) de Paul Gauguin étaient des oeuvres pionnières, et en disent long sur le caractère de leur auteur.

Une première série de travaux remarquables voit le jour en 1889. Il s'agit de la Suite Volpini, jeu d'estampes à l'encre noire sur fond jaune vif, qui reprend les acquis artistiques de ses séjours en Bretagne et en Martinique, et laisse déjà transparaître une fascination croissante pour le lointain et l'exotisme. Mais c'est pendant et après le premier voyage de Paul Gauguin dans les mers du sud, en 1891 et 1892, que son travail graphique atteint un premier sommet, avec la Suite Noa Noa, fort complexe, qui compte parmi les créations les plus fascinantes de l'art moderne.

Pendant ses phases de maladie, la production graphique de Paul Gauguin s'intensifia, au point qu'en 1895, quand il repartit pour Tahiti, elle représentait l'essentiel de son travail artistique. En observant les gravures sur bois de Gauguin, on découvre son art dans toute sa radicalité, mais aussi dans toute sa sensibilité; le drame qui s'y révèle est celui d'une personnalité complexe, tourmentée par ses doutes, ses désirs et ses angoisses. La vie quotidienne, les mythes exotiques, la foi catholique, la crainte des ancêtres et des démons y forment un mélange au goût d'aventure, qui suscite la curiosité et l'envie de l'explorer. L'oeuvre graphique de Paul Gauguin est comme un miroir où un artiste en quête perpétuelle se voit, se rassure, échoue et triomphe.

Un survol de l'oeuvre graphique semble confirmer de prime abord le cliché de l'artiste «sauvage». De fait, Paul Gauguin sortait des conventions de la gravure commerciale. Il gravait lui-même beaucoup de ses oeuvres. Mais comme il n'avait pas appris ce métier extrêmement technique, ses estampes paraissent d'abord maladroites. Quand elles résultent de la superposition de plusieurs plaques gravées et encrées de manière différente, les contours deviennent flous. D'où une mystérieuse et singulière impression de profondeur et des tonalités étranges. Les différents tirages existent en d'innombrables variations car Gauguin ne cessait d'expérimenter avec le papier, la couleur et les techniques d'impression. D'ailleurs, des versions inconnues des chercheurs continuent encore de refaire surface. Chaque oeuvre est donc une pièce unique, avec ses propres caractéristiques. On a rarement la possibilité d'étudier ces travaux, dont aucune autre présentation n'est pour l'instant prévue en Europe.