Chagall et l'avant-garde russe

Marc Chagall - 1921 - tiré du livre "Chagall" par Jacob Baal-Teshuva

Cette exposition s’inscrit dans le cadre des projets hors-les-murs que réalise le Centre Pompidou depuis plusieurs années dans les grands musées en région.

Pour Grenoble, une facette moins connue de ses collections est mise en valeur : les avantgardes russes. Un angle d’approche très original a été retenu pour traiter ce sujet puisque c’est l’oeuvre inclassable de Chagall qui permet d’aborder, suivant différents temps forts, les étapes successives de l’avant-garde du début du XXe siècle en Russie. Une place particulière est réservée également à Kandinsky, figure incontournable de l’art russe de cette période.

Le parcours imaginé pour retracer la foisonnante créativité des trois premières décennies du XXe siècle en Russie, et qui rassemble plus de 150 peintures, sculptures, dessins et photographies, débute avec des oeuvres de jeunesse de Chagall. Des peintures et des gouaches réalisées à Vitebsk et à Saint-Pétersbourg qui, immédiatement, traduisent la profonde originalité de son univers. Imprégnées de culture populaire russe et nourries de spiritualité juive hassidique, ses oeuvres offrent une vision très personnelle du monde et de la vie, cela dans un langage plastique d’une totale liberté et d’une intense poésie.

Parallèlement, les emprunts au folklore russe permettent à d’autres artistes de se dégager de l’héritage académique du XIXe siècle ; c’est le cas de Michel Larionov et de Nathalie Gontcharova avec leurs peintures néo-primitivistes. C’est le cas aussi pour Kandinsky qui intègre dans l’Almanach du Cavalier Bleu de nombreuses références à l’art populaire, une influence illustrée par la présentation de quelques icônes et gravures de la fin du XIXe siècle issues du legs Nina Kandinsky.

La période d’avant-guerre est marquée par de multiples échanges entre la France et la Russie. Séjours des artistes russes à Paris, prestigieuses collections d’art moderne de Serge Chtchoukine et de Ivan Morosov en Russie, expositions confrontant les avant-gardes des deux pays à Moscou et Saint-Pétersbourg... Un brassage d’hommes et d’idées que l’on retrouve dans les créations de la communauté russe de Paris avec des peintres comme Pougny et Survage ou des sculpteurs comme Archipenko et Zadkine...

Les années qui précèdent la révolution soviétique voient s’écrire les plus belles pages de l’art russe du XXe siècle. Tour à tour sont évoqués, par des oeuvres majeures de Larionov et Gontcharova, le rayonnisme et le cubo-futurisme, mais aussi l’art de Chagall après son premier séjour parisien et sa découverte du cubisme et de Delaunay, que de grands chefs-d’oeuvre comme Double portrait au verre de vin ou Les portes du cimetière, synthétisent admirablement. Une salle est réservée à l’avènement du suprématisme en 1915, où sont réunies autour de la fameuse Croix noire sur fond blanc plusieurs autres oeuvres de Malévitch ainsi que de Lissitzky et de Pougny. Le constructivisme est illustré par un ensemble de peintures, reliefs, photographies et documents rares que couronne le Modèle du monument à la troisième internationale de Tatline. Le Kandinsky de la fin des années dix est représenté à la fois par une série de paysages russes, étonnants et hauts en couleurs, et par l’un des grands chefs-d’oeuvre abstraits de cette période, Dans le Gris. Enfin, des projets sur l’architecture, le cinéma, le théâtre, de Tchernikov à Exter, de Vertov à Kandinsky et Chagall illustrent la diversité des formes employées par les artistes russes dans ce moment historique où l’art débordait les genres et les catégories, pour s’inscrire au coeur même de la vie d’un monde en train de s’inventer.