Annuaire gratuit Référencement Achat tableaux peintures Expositions Médias Bio Série Afrique Série Paysage Jack the Ripper Roswell Ali Baba Vache folle Aquarelles Encres Vénus Saint georges Restaurants Rats | ||||||||||
CasanovaLa passion de la liberté |
|||
BnF, ParisExposition du 15 novembre 2011 - 19 février 2012Parcours de l'exposition Casanova, la passion de la liberté Article de référence : exposition Casanova Bnf
En 1785, âgé de 60 ans, Casanova accepte la proposition du comte de Waldstein de devenir bibliothécaire dans son château de Dux en Bohème. Le voyageur, le passionné des explorations citadines, se résout alors à mener une existence sédentaire en pleine campagne. L’été, le château bruisse des échos d’une vie mondaine. Mais l’hiver, il se vide et, face au parc sous la neige, Casanova se sent horriblement vieux et abandonné. Pour s’arracher à la mélancolie, il se lance avec ardeur dans de multiples projets de publications tels que des opuscules politiques et pamphlets, un traité de mathématiques, et son énorme roman : Icosameron ou Histoire d’Édouard et d’Élisabeth.... Autant d’écrits qui valent comme préliminaires à son chef-d’oeuvre, Histoire de ma vie, auquel, à partir de 1789, il consacre tout son temps et l’essentiel de son énergie.
Entre églises et théâtres, cérémonies et commedia dell’ arte, Venise est le décor troublant du premier acte de la vie de Casanova. Aîné d’une famille de six enfants, il est fils de comédiens – un handicap sérieux. Son père meurt alors qu’il n’a que huit ans. Belle et énergique, sa mère, Zanetta, un temps l’actrice fétiche de Goldoni, mène une carrière à travers l’Europe et demeurera aux yeux de Casanova celle qui l’a abandonné un an après sa naissance pour aller jouer la comédie à Londres. Elevé par sa « bonne grand-mère », Marzia Farussi et guéri d’hémorragies par une sorcière de Murano, il part faire ses études à Padoue. Il en revient à 15 ans pour recevoir les ordres mineurs, après avoir hésité entre une carrière de médecin ou d’avocat. C’est donc comme abbé à la parole éloquente et au charme prometteur qu’il commence de s’illustrer dans sa ville natale.
Des vues de Venise dues à la palette de Canaletto et Francesco Guardi installent d’emblée
le visiteur dans l’atmosphère de la Sérénissime, tandis qu’un tableau de Gabriel Bella, peintre
de la vie vénitienne, présente le théâtre San Samuele, autour duquel tourne la petite enfance de
Casanova.
À 20 ans, Casanova quitte Venise, à pied, pour la Calabre où l’attend son évêque. La Calabre le déprime, il part. C’est ensuite la découverte de Naples, puis de Rome, qu’il doit fuir pour éviter un scandale. Quittant les habits du prêtre pour endosser ceux du militaire, il choisit alors, sans raison apparente, d’aller à Constantinople. Le tableau de son frère Francesco, peintre qui jouit durant le XVIIIe siècle d’une certaine renommée, nous montre la ville telle que la découvre le Vénitien, avec ses minarets, ses palais et jardins raffinés, lieux de rencontres entre la société musulmane et les Occidentaux. Femmes séduisantes mais voilées, démonstration endiablée de furlane (danse très prisée en Venétie, célébrée dans le tableau de Pietro Longhi, prêté par la Fondation Querini-Stampalia de Venise), expérience homosexuelle, rien ne manque à l’aventure. Confiant en son avenir, Casanova part de nouveau. De retour à Venise après un séjour à Corfou, il se fait violoniste pour vivre. La rencontre providentielle avec le sénateur Bragadin, dont il sauve la vie et qui le promeut son «fils adoptif», lui permet d’échapper à cette vie qu’il prise peu : il a maintenant un revenu assuré. Son audace et sa joie de vivre en sont renforcées. À Parme, il s’éprend d’Henriette, une Française fuyant sa famille. Elle n’a rien. Tout autant déshabilleur que fervent habilleur des femmes, Casanova lui commande une garde-robe, aux tissus aériens ou chatoyants, ainsi qu’on peut les admirer dans les albums d’échantillons de tissus du XVIIIe siècle présentés : on signalera tout particulièrement le volume de rubans provenant de la curieuse collection d’étoffes réunie par le maréchal de Richelieu, grand libertin lui-même, dont Casanova croisera la route un peu plus tard. Les casanovistes se sont attachés à deviner la véritable identité de cette «adorée», dont l’esprit et la beauté exaltent le Vénitien. À côté de la Henriette réinventée sans doute en pensant au grand tableau de Jean-Marc Nattier, prêté par le musée du Château de Versailles, représentant Madame Henriette, fille de Louis XV, est exposé le portrait, attribué à Claude Arnulphy, de celle que certains spécialistes considèrent comme la véritable Henriette. La liaison cesse brusquement. «Tu oublieras aussi Henriette» : c’est sur ces mots, gravés à la pointe d’un diamant sur une vitre d’auberge, que disparaît celle qui lui a appris la liberté.
Ville d’églises et de théâtres, Venise est aussi, et surtout, la ville du carnaval. Des étrangers venus de partout s’empressent de profiter de cette utopie merveilleuse. Les 200 cafés ne désemplissent pas, la place Saint-Marc bruisse d’intrigues. Estampes d’après les tableaux de Pietro Longhi, toile de Francesco Guardi évoquant les épousailles du Doge avec la mer, prêtée par le Musée du Louvre, Fête du Jeudi Gras représentée par Gabriel Bella restituent cette ambiance de fête permanente et ce temps de licence auquel Casanova se livre avec fureur. Une intrigue avec la religieuse M.M., maîtresse de l’ambassadeur de France à Venise, Bernis, l’amène au coeur d’un jeu entre perversités érotiques et politiques et lui permet de faire ainsi l’apprentissage du pouvoir moins éclatant mais plus « réel » de la politique. Casanova accumule imprudences et provocations. Il intéresse la police. Outre sa bizarre amitié avec M. de Bragadin, naît à son encontre la suspicion de pratiques cabalistiques et de magie. Arrêté le 26 juillet 1755, il est jeté dans la prison des Plombs. La description qu’il donne de sa geôle fait immédiatement penser aux Carceri de Piranèse, dont une planche est présentée. Il n’a qu’une pensée : s’évader. Il y parvient le 31 octobre 1756 au prix d’un effort d’imagination et d’un exploit physique surhumains. L’expérience des Plombs trace une ligne de partage dans la vie de Casanova. Elle le force à croire au malheur. Elle lui fournit également, à lui l’homme qui ne se laisse pas enfermer, son plus beau morceau de bravoure, une sorte de passeport, ou de récit emblématique de son personnage, récit qu’il publiera en 1787 sous le titre, Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise, qu’on appelle les Plombs, dont l’édition originale figure dans l’exposition, ouverte au frontispice représentant notre héros s’enfuyant par les toits du Palais des Doges.
Au premier coup d’oeil Casanova a aimé Paris comme capitale de la mode, de l’intelligence et de l’imposture. À son second séjour, il est résolu à y faire fortune, en faisant jouer, entre autres, ses relations de franc-maçon et son amitié avec l’abbé de Bernis. Mais c’est grâce à la marquise d’Urfé, folle d’alchimie et d’occultisme, qu’il va avoir un plus large accès au « théâtre du monde » et rencontrer des charlatans de haut vol tel le comte de Saint-Germain. La chimère de Mme d’Urfé est de converser avec les gnomes et les sylphes. Casanova, justement, entretient avec eux d’excellents rapports ! « Je l’ai [Mme d’Urfé] quittée portant avec moi son âme, son coeur, son esprit et tout ce qui lui restait de bon sens. ». C’est pour lui une période souvent prospère, où se mêlent intrigues, escroqueries, projets économiques et financiers. Des documents manuscrits évoquent ses diverses entreprises (création de la loterie royale de l’Ecole militaire ou missions diplomatiques confiées par le duc de Choiseul) tandis que représentations des quartiers qu’il fréquente, objets maçonniques ou alambics et manuscrits d’alchimie plongent le visiteur dans son monde bouillonnant. Ses amours parisiennes suivent le même enchevêtrement que ses autres intrigues. Manon Balletti, la fille de l’actrice Silvia, en constitue la figure dominante. On pourra admirer le délicieux portrait - conservé aujourd’hui à la National Gallery de Londres - que fait d’elle Jean-Marc Nattier, l’année même de ses fiançailles avec Casanova. On pourra aussi lire une des jolies lettres que la jeune Manon lui envoie. Mais malgré tout l’amour qui transparaît dans cette correspondance, elle ne peut l’empêcher de dire oui aux tentations, par cette curiosité qui, à partir d’un visage, lui donne envie de tout connaître d’une femme.
Partout où il passe, Casanova cherche à séduire, en particulier les puissants (il a une vive attirance pour les têtes couronnées, qu’il s’agisse de Louis XV, George III d’Angleterre, du roi de Naples ou du roi de Pologne). Il ne met pas moins d’ardeur à s’instruire. Son appétit de savoir est insatiable. Il ne manque aucune occasion de perfectionner sa connaissance des Anciens et de brasser des idées nouvelles, en particulier celles des Lumières. Histoire de ma vie contient davantage de portraits de danseuses, de comédiens, d’aventuriers que d’écrivains et de savants, mais il y a des exceptions notables. Et si sa visite à Rousseau, en compagnie de Mme d’Urfé, ne lui inspire qu’un commentaire désabusé, d’autres rencontres intellectuelles comptent beaucoup pour lui. Ainsi de son entrevue avec le poète, médecin et célèbre botaniste Haller, et surtout de son entretien avec Voltaire. Histoire de ma vie est donc aussi une amusante galerie de portraits des célébrités contemporaines que Casanova a recherchées, frôlées, fréquentées. Le parti pris est de rapprocher le portrait, peint ou gravé du personnage, des quelques lignes que Casanova lui consacre. Autographes de Goldoni ou de Voltaire, tableau d’Anton Rafaël Mengs … donnent des exemples de l’activité des artistes, savants ou écrivains dont il croise la route.
Au XVIIIe siècle, malgré les interdits, le jeu se pratique en Europe dans toutes les couches de la société. À Venise, au Ridotto célébré par le tableau de Pietro Longhi, cette passion s’affiche ouvertement. L’élément naturel de Casanova, et souvent son gagne-pain, est le jeu, surtout le jeu de hasard. Plusieurs exemples de jeux de cartes ainsi qu’un tableau de biribi sont présentés. Il ne dédaigne pas non plus les salles de billards, dont l’atmosphère est magnifiquement rendue par La Partie de billard de Jean-Baptiste Chardin, prêté par le Musée Carnavalet (Paris).
Sur toutes les routes de l’Europe, sur les eaux de la Méditerranée ou de la Manche, notre Vénitien passe son existence en voyage. Il a parcouru plus de 67 000 km entre 1734 et 1797 ! Il découvre ainsi un monde qu’enfant peut-être, il a entr’aperçu dans les boîtes magiques des montreurs de vues d’optique qu’évoque le tableau de Giandomenico Tiepolo, Le Monde nouveau, présenté dans la version conservée au Musée des Arts décoratifs. Il fait et défait sans cesse ses malles : contenant vêtements, bijoux et objets de la vie quotidienne, elles le suivent à travers l’Europe. Que peuvent bien renfermer ces malles ? C’est ce que l’exposition s’attache à montrer. Costumes, boîtes, tabatières, objets de toilette, bijoux, mais aussi pistolets, car l’aventure peut parfois mal tourner.
Dans ses vagabondages, Casanova, rebaptisé chevalier de Seingalt, s’efforce toujours d’être présenté au roi ou à la reine du pays et n’hésite pas à leur faire des propositions : réforme du calendrier, creusement d’un canal, … Le succès est mitigé, même si Frédéric II de Prusse le trouve «très bel homme» et lui propose une place de gouverneur d’un corps de cadets poméraniens. Ces brillants moments sont entrecoupés de phases sombres. Passé la quarantaine, il n’intéresse plus « le beau sexe à vue » et ne peut plus s’en remettre à la magie d’apparaître. Après avoir commencé d’éprouver l’ennui de la solitude, il expérimente à Londres, à l’âge de 38 ans, l’horreur d’être systématiquement refusé. C’est le sombre épisode avec la Charpillon, qui le rend suicidaire et l’oblige à cette constatation : « Ce fut dans ce fatal jour [...] que j’ai commencé à mourir et que j’ai fini de vivre ». Même si nombre d’épisodes d’Histoire de ma vie font encore penser à l’atmosphère des estampes galantes du XVIIIe siècle exécutées d’après des oeuvres de Jean-Honoré Fragonard par exemple, c’est de plus en plus vers les gravures plus grinçantes de Francisco Goya ou William Hogarth qu’il faut se tourner pour illustrer le texte. Les huit années à venir, durant lesquelles il accélère le rythme de ses déplacements et étend le champ de ses voyages, ne seraient donc à lire que sous le signe du vieillissement ? Ce serait trop simple. Casanova, malgré ses démêlés constants avec la justice, les aléas de sa vie de joueur, conserve toute confiance en son Génie et intacts sa passion du nouveau, son envie d’étonner, son sens physique du bonheur.
Dès sa préface, Casanova pose son projet d’écrivain : « Me rappelant les plaisirs que j’eus je me les renouvelle et je ris des peines que j’ai endurées, et que je ne sens plus. ». La dernière partie de l’exposition convie le visiteur au festin des plaisirs toujours renouvelés : représentations de fêtes en plein air ou de soupers fins, gracieuses silhouettes d’actrices dessinées par Louis-René Boquet, manuscrit autographe du Don Giovanni de Mozart. Car, outre l’amitié qui le lie à Lorenzo Da Ponte, la présence dans ses papiers d’un feuillet manuscrit peut laisser à penser qu’il a apporté sa contribution au livret de cet opéra.
Et c’est au son du final de l’acte I du Don Giovanni, que la visite s’achève, sur un « Viva la
Liberta », digne du Vénitien.
|
|||