L'automobile dans tous ses états

Le propos de l'exposition à l'Hôtel des Arts de Toulon est de montrer la place que l'automobile prend dans l'imaginaire et le propos artistique.

En fin d'année 2012 et début d'année 2013 il sera proposé un regard sur les relations complexes entre les artistes et la voiture. Une façon plus ludique d'aborder les questions urbaines, l'automobile étant intimement liée à la modernité et au développement urbain, et ayant pesé de façon considérable sur l'urbanisme des villes.

L'automobile est en soi un objet esthétique (carrosserie, bouchon de radiateur) mais aussi et essentiellement symbolique. Elle est caractéristique de la société de consommation, de la modernité et du développement des villes.

L'exposition rassemblera, outre quelques maquettes de voitures qui furent des projets parfois menés à terme, des maquettes décorées par des artistes célèbres, des peintures, des dessins, des sculptures, des tirages photographiques.

Plus de 130 oeuvres portant des signatures qui pour la plupart nous sont familières : Arman, Bernard Buffet, César, Hervé di Rosa, Georges Mathieu, Bernard Rancillac, Peter Stämpfli, Frank Stella, Victor Vasarely,...

Dans l'histoire de la locomotion, l'automobile a succédé aux chevaux, et de ce fait, l'appellation « cheval-vapeur » des cartes grises obéit ainsi à la plus grande logique. L'essence et le gas-oil ont remplacé le picotin d'avoine ; Michelin comme ses confrères devinrent les nouveaux maréchaux-ferrants et le crottin qui nourrissait le pavé des rues s'appelle maintenant pollution, avec ou sans pot catalytique.

L'avènement, relativement récent de la voiture fait que depuis que l'association de quatre roues et un moteur fonctionne, tout a évolué à une vitesse surprenante. Les villes, obligées de s'adapter, se modifièrent, créant de nouveaux schémas de circulation, des espaces de stationnement, et accueillant de nouveaux métiers. Les zones rurales, tout autant, ont vu leurs paysages se transformer, les autoroutes, nouvelle version des voies romaines, traversent les collines, percent les montagnes, apportent du confort mais divisent et génèrent des nuisances.

Maintenant, solidement ancrée dans le concept du monde de la consommation, la voiture n'est pas seulement un objet utilitaire qui dans sa conception utilise toutes les ressources de la technologie et de l'informatique. Implantée dans notre quotidien qu'elle soit berline, coupée, décapotable, familiale ou limousine elle ne cesse de progresser, tant par ses performances que la sécurité ou le confort. Les publicitaires bien entendu se sont très vite saisis de cette matière si riche en messages. Toutes les formes de diffusion ne sont pas en reste pour la magnifier, et elle est présente dans tous les domaines de la culture ; elle a été adoptée par les arts plastiques, et a trouvé sa place dans la littérature, le cinéma et la télévision, la chanson.

Dans le domaine qui nous intéresse plus particulièrement, celui des arts plastiques, nombreux sont les témoignages sur ce qu'il convient d'appeler un phénomène de société.

Lors de la gestation d'une voiture, la première étape de son projet est une maquette qui mesure quelques dizaines de centimètres. Elle est alors mise à l'épreuve dans une machine qui s'appelle une soufflerie, où là, elle subira une série d'examens qui vont permettre de l'améliorer autant qu'il le faudra, de tester sa résistance à des vitesses élevées, aux rigueurs climatiques ou aux caprices de la chaussée. Ces maquettes sont de véritables sculptures faites de bois, de plâtre ou de matériaux composites pour les plus récentes.

Il n'en fallait pas plus pour faire rêver des artistes illustres et ces « sortes de modèles réduits » pour la plupart au 1/5ème intriguèrent bien des peintres ou des sculpteurs. Ainsi des artistes, mondialement reconnus, tout comme les tatoueurs décorant des épidermes, s'emparèrent de cette « peau - carrosserie » et à la demande de pilotes ou de constructeurs décorèrent, entre autres, des BMW, Lamborghini ou Porsche, qui chaque année au Mans, pendant vingt-quatre heures, établissent de nouveaux records.

Des signatures illustres comme Arman, César, Hervé Di Rosa, Georges Mathieu, Eduardo Paolozzi, Bernard Rancillac, Peter Stämpfli, Frank Stella, Victor Vasarely, Georges Wolinski sont représentées dans cette exposition par des volumes polychromés, brouillons préparatoires à des décorations de tailles réelles.

Témoins de leur temps, bien des peintres ou sculpteurs montrent par leurs travaux l'importance de la voiture dans la société : à la fois un mythe et une réalité. Par la peinture ou par des matériaux les plus divers, ils idéalisent naïvement ou ils intègrent, à des moments précis des turbulences de la vie, cette sculpture mobile en l'associant à notre quotidien, au monde qui nous entoure. Si les peintures de Bernard Buffet magnifient des rêves de gosse, Emmanuel Zurini, par le bronze ou la pierre cherche la perfection des formes. Si le travail de Loïc Dubigeon est marqué par la vitesse, Peter Stämpfli, Bernard Rancillac ou Mimo Rotella, dans des démarches plus statiques associent la voiture à leurs recherches plastiques et à leurs questionnements. D'autres s'interrogent sur la fin d'une existence et participent à la destruction de cette créature enfantée par l'homme, et cassent ce jouet pour grande personne. Arman, le groupe BP, César, John Chamberlain, Salvador Soria les réinventent, et en font leur source d'inspiration, utilisant des déchets industriels, des morceaux d'autres voitures, car rien ne se perd… Rien ne se perd, non plus, pour Gérard Cambon, qui utilise des déchets de notre quotidien pour des véhicules fantasques où l'ironie domine, tout comme dans les toiles de Jean Tourlonias. L'ironie était aussi bien présente dans les dessins de Dubout qui, un siècle après Daumier, portait, dès 1925, le même regard, empreint d'humanité, sur ses congénères et l'utilisation d'un nouveau mode de transport, en cours de vulgarisation. Joël Ducorroy, seul ou associé à Raymond Hains, nous oblige également à sourire.

D'autres créateurs comme les photographes, font entrer des véhicules de toutes marques, de toutes couleurs, dans leurs boîtes obscures et ainsi deviennent les meilleurs témoins de l'évolution, au quotidien de ce « mobilier urbain » qui se déplace. Jouant sur la vitesse, le décor, la narration, Peytavi, Barnor, Plossu, Leiter, Schimmura, interprètent et figent des instants précis sur divers continents. Le concept éphémère convenant bien en la circonstance.

Cette exposition, présentée par l'Hôtel des Arts, à Toulon, rassemble donc des voitures dites de soufflerie, souvent menées à terme, des maquettes décorées par des artistes célèbres, des peintures, des dessins, des sculptures, des tirages photographiques.

La présentation ne souhaite pas être trop technique ni trop pédagogique, mais suffisamment ludique. Elle désire cependant avant tout mettre l'accent sur l'intérêt porté par un grand nombre d'artistes contemporains sur ce phénomène de société.

Pour certains d'entre eux, et ils sont plusieurs dans cette présentation, la voiture est devenue l'essentiel de leurs préoccupations plastiques, de leurs inquiétudes. L'automobile attire l'attention de ces créateurs tant par sa place dans notre environnement que par son aspect esthétique ou plastique.

Objet présent dans notre quotidien, icône ou symbole, l'automobile ne cesse de nous questionner sur son importance, mais aussi sur notre dépendance à elle. Et, s'il nous arrive de l'oublier nombre de peintres, de sculpteurs, de photographes sont là pour nous le rappeler !

Michel Bépoix, commissaire de l'exposition