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L’Art d’être un hommeAfrique, Océanie |
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En Afrique comme en Océanie, les hommes apparaissent rarement sans ornement. Portés au quotidien ou lors de cérémonies, les parures et les emblèmes témoignent d’expériences vécues, notamment lors des rites d’initiation qui marquent les différentes étapes de la vie d’un individu. Celui-ci, durant ses apprentissages et les transformations qui s’ensuivent, devient véritablement un être social. En effet, les modifications de l’apparence première, autrement dit du corps nu, sont révélatrices du statut occupé au sein de la communauté. Tous les signes, objets et marques corporelles, affichent l’identité d’un homme et le situent au sein d’un groupe où il trouve sa place selon son âge et sa fonction.
Les hommes parés sont au centre de relations complexes où se tissent une infinité de liens tant sociaux que religieux, liens avec les autres membres de la société, les ancêtres et les êtres du monde surnaturel.
Conçues pour les hommes – parfois en partage avec certaines femmes – les parures masculines sont d’une grande diversité. Les habitants de l’Afrique subsaharienne et ceux des îles du Pacifique ont largement puisé dans leur environnement, utilisant ainsi toute la vaste gamme de matériaux dont ils pouvaient disposer pour façonner des objets d’une réelle richesse formelle allant de l’épuration maximale au foisonnement d’éléments. La réalisation et le port de parures ne peuvent être dissociés du contexte dans lequel ils s’inscrivent. Exerçant un certain contrôle sur la nature par le biais de la chasse, de la pêche et de l’agriculture, les hommes légitiment régulièrement leurs actions prédatrices par des rituels complexes. La peau, les griffes, les dents du léopard, du lion, de l’hippopotame ou de l’éléphant en Afrique, et celles du porc, du chien, du cachalot en Océanie, de même que le plumage des oiseaux, sont ainsi fort prisés pour la fabrication de parures de prestige destinées aux chefs ou aux officiants.
S’approprier les qualités d’un animal particulier, considéré comme un totem, un protecteur du groupe qui peut devenir dans des conditions spécifiques le double d’une personne, constitue une donnée essentielle de certaines croyances.
L’accumulation et l’agencement des éléments naturels patiemment ordonnés confèrent à un objet un aspect agressif qui est sous-jacent dans l’esthétique de la coiffure de la République démocratique du Congo ou dans celle du pectoral de Mélanésie . La présence d’une dépouille d’animal est plus stupéfiante encore dès lors qu’une partie du corps est utilisée telle quelle, après avoir été traitée et préparée. L’effet visuel est saisissant, voire brutal, lorsque la tête d’un félin est choisie comme trophée pour coiffer celle d’un humain, qui donne, lui, ses cheveux, ses poils et ses dents pour des ornements particuliers.
Dotés de ces accessoires nécessaires lors de situations exceptionnelles où des prescriptions magicoreligieuses s’imposent, les hommes ainsi parés se sentent-ils plus puissants, voire invincibles ?
Façonnés en pierre, fibres, bois, os, coquillage ou métal, les pendentifs, colliers, bracelets et brassards, étuis péniens , ornements placés dans les orifices du visage, coiffures, peignes et bandeaux, mais aussi les amulettes et vêtements cérémoniels, costumes de guerre ou de chasse, circonscrivent le monde masculin. Ils se retrouvent, par ailleurs, sur les sculptures représentant des personnages. Imposante statue en pied, figure cultuelle ou pilier anthropomorphe d’un lieu sacré . Ainsi, l’impressionnante pièce des îles Salomon constituait l’un des poteaux de soutènement d’un abri de grands bateaux, abri servant de lieu de réunion des hommes. L’être représenté tenant d’énormes poissons sous les bras n’est pas un simple pêcheur. Figuré dans toute sa prestance, il exhibe une sorte de mitre, des ornements de nez et d’oreilles, des bracelets et un pectoral fait à partir d’un coquillage.
Si par leur spécificité les parures peuvent marquer la différence des genres – il arrive parfois qu’un objet soit porté par les deux sexes – elles permettent, en général, de distinguer des personnes de haut rang. Ces accessoires sont donc doublement efficients : d’une part, ils confirment l’individu dans son statut et d’autre part ils le qualifient par sa fonction politique et/ou religieuse aux yeux du groupe. Ce processus d’identification s’exprime selon des codes différents, comme on peut le remarquer par exemple sur des oeuvres liées aux arts de cour, telle la figure bangwa (Cameroun) ou la sculpture kuba (République démocratique du Congo). Ces pièces portent divers attributs royaux : des bracelets, un collier et une coiffure. Celleci correspond à une parure très spécifique des souverains kuba.
Les ornements, extrêmement variables en nombre, dimensions et matériaux, ont une caractéristique commune : ils ne cachent pas mais au contraire mettent en valeur la virilité et la beauté des corps. À cet égard, le corset de perles très ajusté que portent quotidiennement les Dinka (Soudan) suggère l’intimité si ce n’est la sensualité en soulignant la finesse de la taille, la musculature du dos et le galbe du fessier. Sa rigidité due à l’armature centrale assure un maintien parfait, donnant de l’ampleur au buste. L’agencement des rangs de perles présente une certaine souplesse pour permettre la liberté des mouvements. Bien extrêmement coûteux, le corset constitue un véritable emblème. Les couleurs des perles et leur assemblage diffèrent selon les classes d’âge et indiquent ainsi quelle est l’évolution des jeunes hommes.
Cette pratique d’embellissement du corps par le port de vêtements s’accompagne souvent d’ornements d’oreilles, de bracelets et de colliers et se retrouve dans toute l’Afrique subsaharienne. Le goût de ses habitants pour l’art de la parure y est fortement développé.
L’omniprésence des ornements apparaît à travers les récits de ceux qui, du XVIe au XIXe siècle, participèrent aux voyages d’exploration des mers du Sud, tels Louis-Antoine de Bougainville et James Cook, qui avaient à leurs côtés des naturalistes, des peintres et des dessinateurs. Avec ses voyages longs et fructueux, Cook demeure sans nul doute le plus grand explorateur du Pacifique ; ses observations, de même que celles de ses compagnons, constituent des témoignages ethnographiques irremplaçables sur les peuples rencontrés et des documents d’une grande valeur scientifique sur la faune et la flore des terres visitées.
Ornements et vêtements attirent l’attention. Ils permettent de susciter le regard des autres. Les signes d’une masculinité nouvellement établie et confirmée au sortir de l’enfance s’affichent en diverses parties visibles du corps grâce aux scarifications, aux tatouages – ces derniers étant largement présents en Océanie par rapport à l’Afrique subsaharienne – ou aux peintures éphémères faites de quelques traits ou aplats noirs, blancs, rouges, jaunes, tracés avec du charbon de bois, du kaolin ou avec des mixtures végétales ou animales. S’y ajoutent fréquemment des mutilations plus ou moins importantes, perforations profondes du nez, des oreilles et des lèvres par des objets qui peuvent atteindre une taille impressionnante, tout particulièrement en Océanie ; le cou, le buste, les bras et les jambes sont parfois encombrés de multiples accessoires.
Mais ces images chargées de sens révèlent une autre réalité qui se situe bien au-delà de la seule recherche esthétique. Lors des rites d’initiation, il est fréquent que l’on procède à la circoncision ou que l’on effectue des actes plus lourds encore telles les incisions de l'urètre. La réouverture régulière des cicatrices permet aux hommes de saigner périodiquement, rappelant ainsi les menstrues féminines. En période de puberté, puis à l’âge adulte afin de passer un ou plusieurs grades au sein d’une confrérie, les initiés subissent des épreuves souvent fort pénibles tant du point de vue physique que mental. Se mettent alors en place des obligations et des interdits qu’ils doivent parfois respecter leur vie durant.
La valorisation du corps dans des contextes rituels bien particuliers et sa «mise en beauté» – qu’il soit nu ou habillé – s’accompagnent de règles précises et répondraient avant tout aux exigences du groupe. En témoignent des codes vestimentaires, des plus élémentaires, comme les étuis péniens, aux plus élaborés, telles les amples tuniques et robes dont se drapent les Hausa et quelques peuples qui leur sont proches.
Cette exposition se veut avant tout une exploration de quelques aspects majeurs des identités masculines dans les mondes africain et océanien. Des exemples significatifs ont été puisés dans les grandes aires culturelles de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique équatoriale et centrale, et pour le Pacifique, au sein des milliers d’îles elles-mêmes regroupées en trois entités de taille différente : la Polynésie, la Mélanésie et la Micronésie.
Les pièces exposées, qui comptent nombre d’oeuvres
exceptionnelles, ont accompagné des individus
durant leur formation. Elles gardent trace
des expériences qui ont permis à ceux qui les ont
portées, utilisées ou approchées, d’acquérir les
qualités nécessaires à tout homme pour s’enraciner
dans sa société et en être reconnu comme un
membre à part entière.