Christian Dotremont

Recherchant "l'unité d'inspiration verbale-graphique", Dotremont décide d' "exagérer cette naturelle liberté de l'écriture" en proposant "des dessins de mot, des peintures de langage", tracés à l'encre noire et au pinceau sur des feuilles de papier blanc aux formats variables. Les logogrammes sont des poèmes, écrits spontanément, dont les éléments scripturaux, lettres de l'alphabet latin, ponctuations, chiffres arabes, se trouvent distordus, dynamisés, altérés. Pour préserver la signification de ces nuées de signes, rendues plus ou moins lisibles, Dotremont reporte toujours le poème, l'aphorisme ou le petit dialogue, souvent humoristique, au crayon au bas de la feuille.

Parallèlement à cette production originale, Dotremont crée depuis 1948 des "dessins-mots", qui sont des oeuvres à quatre mains faites en collaboration avec des artistes appartenant généralement au groupe Cobra, tels que Pierre Alechinsky, Karel Appel, Atlan, Mogens Balle, Hugo Claus, Asger Jorn ou Reinhoud.

"Parisien par intermittences à partir de 1941, moment où il rencontre Paul Eluard, Pablo Picasso ou Alberto Giacometti tout en participant aux activités du groupe surréaliste "La Main à plume", avant de fonder à Paris le groupe Cobra en 1948, le poète et artiste belge Christian Dotremont a été peu célébré par les musées français. La présente exposition consacrée à ses seuls logogrammes est la première de cette importance organisée à Paris, depuis celle du Centre culturel de la Communauté française de Belgique en 1983 et celle, plus confidentielle, de l'école Estienne en 2010. Auparavant il faut remonter aux années 1970, soit aux expositions que la galerie de France avait consacrées de son vivant à Christian Dotremont (1971, 1975 et 1978) pour identifier les occasions pour le public parisien de se familiariser avec les oeuvres de cet écrivain-artiste. Hors de la capitale, ce n'est qu'à l'action conjuguée de Pierre Alechinsky et de l'Institut mémoire de l'édition contemporaine (IMEC) que les Français ont pu découvrir les logogrammes de Dotremont, respectivement à Figeac et Marseille en 1999 et à l'abbaye d'Ardenne en 2005-2006.

Faisant suite à celle consacrée aux oeuvres graphiques d'Asger Jorn en 2009, cette exposition vient compléter notre meilleure connaissance des artistes associés au groupe Cobra. Le peu d'expositions consacrées à Dotremont, un artiste aussi important pour l'histoire à la fois riche et complexe des relations entre littérature et art plastique, explique aussi que les musées de France ne conservent que de rares exemples de sa production graphique. Ainsi, jusqu'à tout récemment, la collection du Centre Pompidou ne conservait que deux logogrammes, acquis à la galerie de France en 1975 et aussitôt rejoints par des dessins et des estampes faits en étroite collaboration avec son ami Pierre Alechinsky. Complice artistique et bon génie de Christian Dotremont, ce dernier, qui n'a eu de cesse, depuis la mort prématurée de son ami, de défendre son oeuvre et sa mémoire, a pris l'initiative l'année dernière de proposer au musée une importante donation de logogrammes. Grâce à lui et à son épouse Micky, c'est un remarquable ensemble de treize nouveaux logogrammes qui a fait son entrée au Cabinet d'art graphique, et de cette donation est né le projet de cette exposition. Pierre Alechinsky a bien voulu en accompagner la préparation avec sa générosité coutumière dont notre Musée avait reçu la marque à plusieurs reprises. Qu'il en soit remercié et reçoive ici le témoignage de notre admiration. Et que cette exposition serve à mieux cerner les créations si personnelles de Christian Dotremont : tel est notre voeu le plus cher."

Alfred Pacquement - Directeur du Musée national d'art moderne – Centre de création industrielle