Charlie Chaplin

L’exposition est introduite par trois grandes projections, des affiches de film originales et des photographies de Charlie Chaplin derrière la caméra. Tour à tour, l’acteur et le réalisateur au travail s’imposent au visiteur. Celui-ci pénètre ainsi dans le cinéma de Chaplin avec une vision en hors champ montrant les coulisses des tournages. Les affiches ponctuent l’espace de leur graphisme coloré et rappellent en un clin d’oeil les temps forts des aventures de Charlot.

Du music-hall au cinéma, il n’y avait qu’un pas. Né dans les quartiers pauvres de Londres, d’un père chanteur et d’une mère actrice, Charlie Chaplin monte sur les planches à l’âge de 9 ans. En tournée aux Etats-Unis avec la troupe de l’humoriste Fred Karno, il se fait remarquer en 1913 par un producteur de cinéma. Peu de temps après il devient la vedette des comédies filmées de la Keystone Film Company. Fort de son apprentissage au music-hall, Chaplin est un as de la pantomime et de l’improvisation. Les photographies et les extraits de films permettent de reconstituer la mise en place progressive du personnage de Charlot. Chaplin interprète tout d’abord la figure en vogue du dandy alcoolique, antipathique et sournois, qu’il transforme peu à peu en ce petit homme attachant, maladroit et mélancolique mais profondément humaniste, à la si lhouet te et la gestuel le si reconnaissables.

Salué comme un formidable acteur, Chaplin connaît un succès fulgurant avec les films qu’il met en scène. De juin 1914 à 1967, il sera le scénariste et réalisateur de l’ensemble de ses product ions . Si les tours pendables et courses poursuites sont de mise dans le cinéma burlesque, Chaplin se distingue en introduisant une dimension émotionnelle à ses comédies. Il ajoute romantisme et pathos à ses intrigues et transforme Charlot, victime de la société moderne, en un héros marginal. Détournements d’ objets, situations absurdes, agilité et rapidité des gestes participent du ressort comique savamment orchestré par le cinéaste. Minutieux et précis, Chaplin passe maître dans l’art cinématographique. Il prend le temps de construire une scène, de travailler la mécanique d’un gag.

Parti de rien, Chaplin devient célèbre en un temps record. Dès 1914, Charlot conquiert les spectateurs. Pour répondre à l’engouement populaire, des bandes dessinées racontent ses aventures, des figurines déclinent son effigie, des comiques le plagient. Les artistes des années 1920 et 1930 s’approprient son image. Conscient de ce succès, Chaplin se montre attentif à la médiatisation de l’image de Charlot comme de la sienne mais ne peut tout contrôler. Devenu une star hollywoodienne, il fait la couverture des magazines et rencontre des personnalités telles que Churchill, Einstein et Gandhi. Les témoignages de Fernand Léger, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, entre autres, ont contribué à forger le mythe Chaplin. Malgré des dissensions sur la libéralité de ses moeurs et ses engagements politiques pendant la guerre froide, la disparition de Charlot à l’écran et son exil en Suisse, l’icône chaplinienne demeure.

A l’avènement du film parlant en 1927, Chaplin devient anxieux. Comment continuer à faire exister Charlot dont le langage universel est celui de la pantomime! ? Chaplin porte la puissance expressive du muet à son paroxysme dans Les Lumières de la ville (1931), dont il compose la musique. Après la présentation du film en Europe, il entreprend un tour de monde et continue sa réflexion. De retour à Los Angeles, il écrit un scénario avec dialogues sur Bali mais reste finalement sur sa position!: Charlot continuera à évoluer dans un univers muet. Dans Les Temps modernes (1936), les effets sonores des machines remplacent les voix. A la fin du film, lorsque le public s’apprête à découvrir la voix de Charlot, celui-ci a oublié les paroles de sa chanson et n’émet qu’un charabia aux sonorités franco-italiennes. Ce n’est qu’en 1940, dans Le Dictateur (1940), que Chaplin donne la parole à Charlot. Sous les traits du barbier juif, il s’adresse directement aux spectateurs en prononçant un discours humaniste porteur d’un message d’espoir et de paix.

Chaplin n’a pas attendu le parlant pour exprimer son opinion. Que ce soit face aux réalités sociales et politiques de son temps ou au parlant qui révolutionne le cinéma, il prend position et intègre sa vision critique du monde dans son univers comique. De manière récurrente, il s’interroge sur la situation économique, la misère et le dysfonctionnement social. De Charlot apprenti (1915) aux Temps modernes (1936), il dénonce l’exploitation de l’ouvrier. Par l’art du mime et ses histoires mêlant l’actualité et son autobiographie, il traite d’éléments tragiques sans atténuer leur gravité, comme ce sera le cas dans Le Dictateur (1940), Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952) ou encore Un Roi à New York (1957). L'exposition Charlie Chaplin est à voir à Evian au Palais Lumière du 16 décembre 2011 au 20 mai 2012.

Outre les photographies, dont la collection est en dépôt au Musée de l’Elysée à Lausanne, des extraits de films, des affiches, des coupures de presse, etc., mettent en image les propos de l’acteur et cinéaste de génie. Les oeuvres présentées proviennent des archives des Studios Chaplin, dont les fonds photographiques sont déposés au Musée de l’Elysée et les fonds documentaires aux Archives communales de Montreux.

L’exposition présente plus de 200 oeuvres. En regard des photographies de plateau, de tournage, de studio ou de maîtres de la photographie tels Edward Steichen et James Abbe, se déploient des tirages modernes d’images peu connues en écho aux séquences cinématographiques. Tout en mettant en contexte les nombreuses facettes de Charlie Chaplin, ces ensembles permettent plusieurs niveaux de lecture. Des manuscrits inédits, des albums de presse et des journaux d’époque étayent encore la démonstration. Il sera notamment présenté le premier scénario de film entièrement parlant écrit par Chaplin en 1932 qui devait être une satire du colonialisme. Inspiré de son voyage sur l’île indonésienne, ce film intitulé Bali ne sera jamais réalisé.

L’album Keystone (du nom de la maison de production où Chaplin fit ses débuts) est un objet original et unique. Chaque planche se compose de photogrammes accompagnés d’un texte manuscrit qui retracent les histoires des trente-cinq premiers courts-métrages dans lesquels Chaplin joua en 1914. On y découvre la mise en place progressive du personnage de Charlot par un Chaplin tout juste âgé de 25 ans.

Aux côtés des oeuvres encadrées ou présentées en vitrine, une quinzaine d’écrans et de projecteurs montrent des extraits de films de Chaplin, des moins connus aux plus célèbres. Au total, près de 60 minutes de programme qui offrent un nouvel éclairage sur l’acteur et l’homme public dont!:

- des extraits des comédies de la Keystone Film Company tournées en 1914 et restaurées en 2010!

- le film de 1918, How To Make Movies, jamais sorti à l’époque, qui présente les coulisses du studio Chaplin!

- une scène de plus de huit minutes finalement coupée au montage des Lumières de la ville, où Charlot confronté à un petit morceau de bois décline à merveille tous les ressorts comiques offerts par une situation simple!;

- des extraits de films amateurs en couleur! : les uns réalisés par Sydney Chaplin (le frère de Charlie) sur le tournage du Dictateur à la fin des années 1930, les autres réalisés par Oona Chaplin (la dernière femme de Charlie) avec une caméra 8 mm montrant un Chaplin grisonnant qui rejoue pour ses enfants les gags qui l’ont rendus célèbre!

- des extraits de l’Abécédaire conçu en 2011 à partir de l’oeuvre de Chaplin par Charly Sistovaris (un des petits-fils de Chaplin) et Nicolas Morin. Une sélection de lettres introduit des sections de l’exposition, de A comme Amour à H comme Humanité ou encore R comme Rire.

A l’évidence du message que véhicule l’affiche se mêle un graphisme qui varie selon les époques et les pays. L’iconographie qu’offrent les affiches créées pour la promotion des films de Chaplin permet d’appréhender l’évolution de l’image de Charlot, de ses débuts jusqu’à sa disparition.

Dès 1914, Charlot est une source d’inspiration telle que ses aventures sont reprises en bandes dessinées, déclinées en cartes postales. La figure du petit vagabond fascinait aussi les artistes et devint un des sujets de prédilection des avant-gardes dès les années 1910-1920. L’exposition montre notamment comment Fernand Léger s’est approprié l’image claudicante de Charlot transformant la mécanique de ses mouvements en un Charlot cubiste. De renommée universelle, la silhouette désarticulée de Charlot s’est ancrée dans la mémoire collective.

L'exposition Charlie Chaplin est à voir à Evian au Palais Lumière du 16 décembre 2011 au 20 mai 2012.