Exposition du 10 septembre 2020 au 17 janvier 2021
Le musée des Tissus de Lyon présente "Vivienne Westwood. Art, mode et subversion", une exposition qui rend hommage au génie de Vivienne Westwood, icône incontestée de la mode depuis près de cinquante ans.
Le parcours de l'exposition, à la fois chronologique et thématique, témoigne de la diversité de l’œuvre de Vivienne Westwood, appréhendée grâce à la collection réunie par Lee Price.
De King’s Road aux podiums des défilés
- King’s Road
En 1971, Vivienne Westwood renonce à son métier d’institutrice pour
ouvrir, avec son compagnon Malcolm McLaren, une boutique sur King’s
Road, dans le quartier londonien de Chelsea. Changeant de décor et
d’enseigne au fil des expérimentations stylistiques du couple, le 430 King’s
Road devient le laboratoire du mouvement punk. La boutique diffuse
d’abord les vêtements et les disques des années 1950 sous le nom de Let
it Rock, avant d’explorer l’univers des bikers pendant la période Too Fast
to Live, Too Young to Die. C’est à cette époque que Vivienne Westwood
réalise ses premiers modèles, imaginés avec la complicité de Malcolm
McLaren.
La rupture avec l’Establishment est amorcée en 1974 avec SEX, nouveau
concept proposant des vêtements de latex et de cuir, des chaînes et des
talons aiguilles, inspirés de la pornographie et des pratiques fétichistes. Avec
cette incarnation de la boutique, le couple utilise le sexe pour interpeller et
amorcer un changement dans la société. Accompagnant l’attitude rageuse
et provocatrice d’une jeunesse sans foi en l’avenir, alors que s’aggrave le
déclin économique, Vivienne Westwood et Malcolm McLaren agissent tels
des catalyseurs dans l’émergence du mouvement punk.
Issus de la jeunesse urbaine, les punks – pour « voyous » ou « bons à
rien » - clament leur nihilisme et repoussent les limites de la provocation
en réaction à des valeurs sociétales étouffantes et à un climat économique
dégradé. S’exprimant dans la musique, la mode ou le graphisme, le Punk
interroge le bon goût et redéfinit l’idéal de beauté.
Le 430 King’s Road devient Seditionaries à la fin de 1976, consacrant la
maturité du mouvement punk et du vestiaire associé. Passerelle entre les
foyers new-yorkais et londonien du punk, Vivienne Westwood et Malcolm
McLaren insufflent au mouvement ses références politiques et cisèlent
son esthétique. Les vêtements déchirés et les pantalons bondage côtoient
les vestes en cuir, la maille distendue et le tartan. Le concept du « do-ityourself » encourage la customisation au moyen de sangles, épingles à
nourrice, chaînes et clous. Les slogans, la croix gammée et le drapeau
national sont détournés.
Les Sex Pistols, groupe de punk rock managé par Malcolm McLaren,
hurlent leurs hymnes tonitruants vêtus de modèles Seditionaries. Ils
diffusent un concept élaboré par le couple, mais porteur des aspirations
de toute une génération.
- Premiers défilés
Au début des années 1980, Vivienne Westwood et Malcolm McLaren
élaborent les premières collections sous le nom de la boutique de King’s
Road, rebaptisée Worlds End. Présentées sous forme de défilés, elles
révèlent une démarche artistique tournée résolument vers les inspirations
historiques et culturelles.
La collection Pirate initie un nouveau processus de création, nourri de
l’étude de l’histoire et des cultures, que Vivienne Westwood ne cesse
d’enrichir dans les collections suivantes. Certes, le pirate évoque une figure
romantique et subversive, mais il symbolise également le désir d’explorer
l’histoire et les sociétés non-occidentales.
La collection Savage, confirme ce goût pour les silhouettes unisexes et
peu ajustées. Les modèles se parent de motifs géométriques inspirés des
sociétés natives américaines.
Witches s’affranchit des emprunts à l’histoire au profit d’une culture
urbaine insufflée par l’effervescence new-yorkaise. Vivienne Westwood
dessine des vêtements dont la coupe participe à la libération du corps et
en épouse les capacités de mouvement.
Cette période charnière pour Vivienne Westwood est également marquée
par la fin de la collaboration avec Malcolm McLaren en 1983.
Historicismes
- Arabesque et rocaille
L’historicisme nourrit la créativité de Vivienne Westwood du milieu des
années 1980 à la fin des années 1990. La créatrice est reconnue pour son
interprétation de pièces iconiques de l’histoire du costume tels la crinoline
ou le corset. Mais son œuvre est aussi le témoin de son goût affirmé
pour la peinture et les arts décoratifs du XVIIIe
siècle dont elle reproduit
des détails au fil de ses collections. Ces citations traduisent sa sensibilité
artistique ainsi que son engagement militant en faveur de la culture.
Amatrice d’art, Vivienne Westwood apprécie tout particulièrement la
Wallace Collection, musée londonien se distinguant par la richesse de
son fonds consacré au XVIIIe
siècle français. C’est parmi cette collection
qu’elle isole un miroir en marqueterie Boulle et un tableau de François
Boucher (1703-1770) pour orner ses corsets revisités.
Ces pièces imaginées à partir d’un passé à la fois fantasmé et documenté
sont exposées en regard d’œuvres sélectionnées parmi les fonds de textiles
et d’arts décoratifs du musée des Tissus. Évoquant le goût pour les
arabesques et la rocaille au cours des deux premiers tiers du XVIIIe
siècle,
cette présentation croisée dévoile le jeu de références à l’œuvre dans les
modèles Westwood.
- Lumières
Dès ses débuts, Vivienne Westwood se plonge dans les sources
iconographiques, mène des recherches sur les techniques de couture
et sur l’histoire du costume et de la mode. Dès la fin des années 1980,
sa fascination pour les « fashion victims » du siècle des Lumières, la
démesure et la frivolité de la noblesse lui insuffle de nouvelles pistes
de recherche. À l’instar de ses contemporains – Christian Lacroix, Jean
Paul Gaultier, John Galliano… -, elle exploite consciemment ou non les
références les plus emblématiques de la France du XVIIIe
siècle. Elle
accentue, minimise ou exagère les caractéristiques des élégants : corps
à baleines, paniers, décolletés pigeonnants, habits dégagés d’homme…
Autant d’éléments qu’elle égrène au fil des silhouettes extravagantes et
éclectiques de sa collection Portrait (1990) à ses récents défilés aux côtés
de son époux Andreas Kronthaler. En évitant la simple citation et sans
jamais tomber dans les clichés, elle construit et déconstruit tout au long
de sa carrière son propre vocabulaire « historiciste » et façonne un style
personnel résolument moderne. « Regarder en arrière est le seul moyen
de créer le futur ».
- D’un siècle à l’autre
On retrouve dans l’œuvre de Vivienne Westwood, les évolutions et les
révolutions du goût de la France entre Ancien Régime et Empire.
De l’insouciance des élites du règne de Louis XVI, elle retient un art de
vivre fondé sur la séduction et le libertinage. En cette fin de siècle, les
robes à la française qui balancent sur leurs paniers, les costumes masculins
brodés, mais aussi les meubles, les bibelots, la vaisselle, les tableaux et les
soieries s’allient pour créer une atmosphère de luxe et de pure élégance.
C’est aussi l’époque de la révolution du coton, incarnée par les toiles
imprimées à Jouy dans la manufacture Oberkampf. Les motifs colorés se
démocratisent avec les cotonnades.
La Révolution française puis l’Empire figent les arts décoratifs dans
un style néoclassique apparu sous Louis XVI, alors que la mode, elle,
connaît un bref moment d’exubérance, incarné par les Merveilleuses et les
Incroyables. Les lignes se redressent, la gamme des couleurs s’assombrit.
Les campagnes militaires apportent des références égyptiennes mais
donnent aussi un côté martial à la mode de cour. Vivienne Westwood en
retient ici la coupe, les plis d’une robe, là un motif, les roses de Redouté
et les inscrit dans le XXe
siècle.
Tout en systématisant l’emprunt au passé dans son processus créatif,
Vivienne Westwood initie, à partir de la fin des années 1980, une exploration
de la culture britannique et des stéréotypes associés. Dès la période punk,
les symboles nationaux sont pour elle une source d’inspiration suscitant des
créations en forme d’hommage ou de parodie. Fascinée par les traditions
de son pays, le Royaume-Uni, la créatrice multiplie les références et joue
dans ses collections avec la mythologie nationale.
Non sans humour, Vivienne Westwood détourne le Teatime, les silhouettes
rigides de l’aristocratie britannique et s’inspire des tailleurs de Savile Row.
Composant une mode en équilibre entre anticonformisme et tradition,
elle s’approprie le tweed et le tartan, créant même ses propres motifs, à
l’image du tartan McAndreas, nommé d’après le prénom de son mari.
Vivienne Westwood convoque, pour qualifier son anglophilie, le terme
d’« anglomanie » - en anglais, « anglomania » - désignant l’engouement
des élites françaises, au XVIIIe
siècle et particulièrement au cours des
années 1780, pour la culture, la langue et la mode anglaises. La collection
Anglomania (automne-hiver 1993-1994) est ainsi nommée en référence à ce
phénomène.
Dans l’atelier
Dès son adolescence, afin de comprendre l’art de la coupe et les principes
de construction, Vivienne démonte ses propres vêtements, les analyse
et les recompose. Elle assemble dans ses premières créations des formes
géométriques simples – carrés, rectangles et triangles – proches de l’origata
japonais. Son approche mathématique la pousse à simplifier et à synthétiser
cette science du patronage, qu’elle invite à reproduire selon le principe du
« do-it-yourself ». Elle complète ses exercices pratiques et ses recherches
fondamentales par la consultation de précis techniques historiques et par
la recherche d’inspirations dans l’histoire du costume.
Chaque création débute par une esquisse. À la manière de la couturière
Madeleine Vionnet (1876-1975), elle drape les tissus sur un mannequin
miniature pour donner forme à l’idée, puis déduit un prototype, appelé
toile. Ce « laboratoire » technique la pousse à explorer les tissus, à étudier
leurs tombés pour interagir avec le corps et à jouer avec les ornements,
comme les boutons et les galons.
Ces coupes spontanées, mélange de l’art du « flou » et de la technique
structurée du « tailleur », fondent son langage personnel.
Fashion Activist
Animée d’un profond engagement, Vivienne Westwood affiche dès les
années 2000 ses convictions en faveur de l’environnement, de la justice
sociale ou des droits humains au fil de ses collections. Elle publie en 2007
Active Resistance to Propaganda: Manifesto, un pamphlet conçu sur le
modèle du récit initiatique. Le manifeste encourage l’intérêt pour l’art,
l’amateur d’art se muant en révolutionnaire éclairé, capable de remettre en
cause la condition humaine et les défaillances de notre société moderne.
La défense des droits humains est au centre de ses préoccupations et les
silhouettes se parent des noms des personnalités militantes qu’elle défend,
telles que Leonard Peltier, Julian Assange et Chelsea Manning.
À partir des années 2010, son engagement en faveur de l’écologie se fait
plus présent dans ses collections et le couple qu’elle forme avec Andreas
Kronthaler multiplie les collaborations avec les associations telles que
Cool Earth ou Greenpeace.
Mais l’activisme n’est pas qu’une source d’inspiration et Vivienne
Westwood modèle son entreprise au plus près de ses convictions
écologistes et sociales, en se basant sur trois principes : la qualité plutôt
que la quantité, la protection de la planète, les arts et la culture.
À la loupe
Des focus ponctuant l’exposition présentent le modèle économique de
la marque ou encore les souliers iconiques créés par Vivienne Westwood.
Respiration dans le parcours, un catwalk permet au visiteur de s’immerger
dans l’ambiance d’un défilé de mode.