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Parcours de l'exposition Van Eyck. Une Révolution optique III

La Parole de Dieu - Architecture - La Sculpture peinte - L’Individu - Le Portrait divin

Musée des Beaux-Arts de Gand

Exposition du 1er février 2020 au 30 avril 2020

• La Parole de Dieu
  
  Dans l’Agneau mystique, l’Annonciation est représentée dans un intérieur bourgeois. L’archange Gabriel, envoyé par Dieu, annonce à Marie qu’elle sera la mère de Jésus Christ. L’annonce de la venue du Rédempteur de l’humanité est clairement la scène principale du programme théologique des volets extérieurs du polyptyque.
  
  Bartolomeo Fazio, un des premiers biographes de Van Eyck, affirme que le peintre connaissait la géométrie. Cette constatation semble à première vue surprenante. Van Eyck ne travaille en effet pas avec la perspective mathématique pour arriver à une représentation cohérente de l’espace. Cette méthode était par contre utilisée par les contemporains florentins de Van Eyck. Ils développent un modèle géométrique avec des lignes de fuite qui convergent en un point de vue unique à l’horizon. C’est comme si le spectateur regardait par le trou d’une boîte à images. Van Eyck, en revanche, recourt à un système de perspective empirique.
  Fazio fait plutôt référence à la connaissance qu’a Van Eyck de l’optique. L’optique, c’est-à-dire la science de l’action de la lumière, était en effet considérée comme une branche de la géométrie à la fin du Moyen Âge. Vu l’importance des effets optiques comme la réfraction et la réflexion lumineuse dans son oeuvre, il ne fait aucun doute qu’il avait des connaissances en optique. Dans l’Annonciation de l’Agneau mystique, Van Eyck combine ainsi ingénieusement le jeu réel de l’ombre et la lumière avec le jeu « mystique » qui symbolize l’immaculée conception.
  
  
• Architecture
  
  L’architecture occupe une place importantedans l’oeuvre de Jan van Eyck. Dans ses intérieurs architecturaux comme dans ses vues de villes et ses paysages, le peintre combine des éléments réels avec des éléments imaginaires pour produire un nouveau concept. Dans la dernière oeuvre que nous lui connaissons, laquelle a malheureusement disparu, un triptyque commandé par le prévôt yprois Nicolaes van Maelbeke, il intègre une voûte romane avec clôture à claire-voie. De cette même représentation – et toujours avec la même voûte –, il existe deux modèles brugeois du xve siècle sur papier et une copie du xviie siècle sur panneau, ce qui souligne la force d’attraction particulière de la composition de Van Eyck.
  
  Une autre composition influente est l’emblématique Vierge dans une église de Van Eyck. Il représente Marie dans un intérieur d’église gothique. Vu sa taille disproportionnée par rapport à l’intérieur de l’église, il est clair qu’elle est ici la personnification de l’Église en tant qu’institution
  
  La miniature de la Messe des morts dans le Livre d’heures de Turin-Milan fait également songer à l’intérieur d’église gothique aux impressionnantes voûtes sur croisée d’ogives que l’on peut voir dans la Vierge dans une église. Ce prestigieux manuscrit enluminé date de l’époque de Van Eyck. Avec la Messe des morts et la Naissance de saint Jean Baptiste, il contient deux miniatures d’une qualité exceptionnelle qui sont attribuées à Van Eyck.
  
  
• La Sculpture peinte
  
  Sur les volets extérieurs de l’Agneau mystique, Jan van Eyck met deux saints Jean en évidence. Saint Jean l’Évangéliste, qui a raconté la vie du Christ dans le Nouveau Testament, tient un calice plein de vipères faisant allusion à son martyre chrétien. Saint Jean-Baptiste tient un agneau dans les bras. Il symbolise le Christ, rédempteur de l’humanité.
  
  Jan van Eyck place les deux personnages sur un socle et les peint en grisaille, une technique dans laquelle il se limite à l’emploi de nuances de blanc et de gris. Il crée ainsi l’illusion qu’il s’agit de véritables sculptures faisant partie du retable. Il intervient de la sorte dans le débat dit du paragone ou parangon, qui remonte à l’Antiquité, celui de la rivalité artistique entre les différentes formes d’art et plus particulièrement entre la peinture et la sculpture.
  
  Ces panneaux de l’Agneau mystique ne sont pas les seules peintures en grisaille de la main de Van Eyck. Dans le Diptyque de l’Annonciation, le peintre donne aux deux personnages de Marie et de l’ange Gabriel l’apparence de statues d’albâtre. Il choisit de peindre l’ensemble de l’oeuvre dans une combinaison chromatique spécifique : blanc et ocre jaune pour les statues, rouge pour le cadre peint et noir pour la texture dans laquelle les statues se reflètent. Ce choix est peut-être aussi une reference à l’Antiquité. D’après l’auteur antique Pline, les meilleures oeuvres d’Apelle et de ses collègues peintres étaient peintes dans ces quatre couleurs.
  
  La texture, la lumière et la profondeur produisent des effets fortement illusionnistes. Van Eyck dispose les figures devant une dalle de marbre noir brillant dans laquelle elles se reflètent. L’aile droite de l’ange et le socle sur lequel il se tient semblent pénétrer dans l’espace du spectateur. C’est dans de telles représentations illusionnistes de grande qualité que Van Eyck se révèle être un artiste érudit : non content de maîtriser d’autres disciplines artistiques que la peinture, il connaît aussi les théories de son temps sur l’art et les lois de l’optique.

• L’Individu
  
  Nous ne devons pas seulement l’Agneau mystique à Hubert et Jan van Eyck, mais aussi aux commanditaires du polyptyque, le dignitaire gantois Joos Vijd et son épouse Elisabeth Borluut. Ils se sont fait portraiturer de façon spectaculaire en tant que donateurs sur le polyptyque.
  
  Les qualités de portraitiste de Van Eyck sont particulièrement appréciées de ses contemporains. Les personnes représentées sont issues de différentes couches sociales de l’entourage élitaire du peintre. Contrairement à ses collègues peintres italiens, comme Michele Giambono, qui représentent leurs modèles de profil, Van Eyck représente ceux-ci de trois quarts, une étape révolutionnaire dans l’art du portrait.
  
  Les portraits de Van Eyck s’écartent de toute forme d’idéalisation classique. Peut-être adoptet-il à l’égard du portrait le point de vue esthétique de l’auteur antique Pline, qui défendait la perpétuation du vérisme dans l’art. L’accent était mis sur le rendu précis des traits individuels, y compris les marques de l’âge et même les déformations du visage. Par le rendu ultra-détaillé des vêtements, l’ajout d’effets illusionnistes et l’intégration d’un puissant clairobscur, Van Eyck accroît encore la plasticité de ses personnages. Ils ont presque l’air vivants, ce qui a fait dire à son biographe Bartolomeo Fazio qu’il ne leur manquait que la voix.
  
  
• Le Portrait divin
  
  Comme dans l’Agneau mystique, le Christ Sauveur du Monde est souvent représenté par un agneau qui verse son sang. Mais Jan van Eyck représente aussi le Christ dans un portrait comme s’il était un être de chair et de sang. Le peintre fait ainsi référence à ce qu’on appelle la Sainte Face du Seigneur, le portrait du Christ qui n’a pas été réalisé par des mains humaines, mais qui est d’origine divine. Le « portrait divin » le plus connu est l’empreinte du Vrai Visage sur le linge de Véronique. Elle était sur le bord du chemin et vit passer le Christ montant au Golgotha. Tentant d’atténuer sa souffrance, elle lui tamponna le visage avec un linge sur lequel demeura l’empreinte de ses traits.
  
  Le portrait original de Van Eyck que nous appelons Le Vrai Visage du Christ a disparu. Il a exercé une grande influence, comme le prouvent les nombreuses copies. Sur le cadre d’une version du xviie siècle, Van Eyck est mentionné comme inventeur de la composition. Sur ce même cadre, le copiste a également apposé la devise personnelle de Van Eyck, ainsi que la date de réalisation, le 30 janvier 1440. La plus ancienne interpretation connue du portrait christique de Van Eyck figure dans un manuscrit enluminé des environs de 1450. Peu de temps après, le peintre brugeois Petrus Christus revisite lui aussi la composition. Petrus Christus était tributaire du style eyckien et, après la mort de Van Eyck, il fit fureur en reprenant et adaptant ses compositions, notamment ses représentations de la Sainte Trinité.
  
  L’influence de l’oeuvre de Jan van Eyck est très étendue, aussi bien géographiquement que dans le temps. Le peintre et sculpteur allemand Hans Multscher réalise ainsi une sculpture en albâtre de la Sainte Trinité, qu’il peint avec une extrême délicatesse. On dirait un Van Eyck en trois dimensions. Au début du xvie siècle, Quentin Massijs peint un Christ Sauveur du Monde qui, par sa technique picturale, rappelle le célèbre maître.
  
  Article de référence :
  
  
• Exposition Van Eyck à Gand : Van Eyck. Une Révolution optique. Musée des Beaux-Arts de Gand